Kenya: le processus de révision constitutionnelle lancé par le président jugé illégal par la Haute Cour

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Le 14/05/2021 à 07h43, mis à jour le 14/05/2021 à 07h43

La Haute Cour du Kenya a jugé illégal jeudi le processus de révision de la Constitution initié par le président Uhuru Kenyatta et source de vives tensions dans la classe politique kényane ces derniers mois.

Le bureau du procureur général a annoncé que le gouvernement ferait appel de cette décision.

Cette réforme, connue sous le nom de "Building Bridges Initiative" (BBI), vise notamment à diluer la règle actuelle du "vainqueur rafle tout", considérée par le chef de l'Etat comme étant à l'origine des conflits post-électoraux à répétition dans son pays.

Un référendum sur le sujet était en préparation, mais les cinq juges de la Haute Cour ont estimé que le président n'avait pas le droit d'enclencher une telle réforme et que seuls le Parlement ou les citoyens en ont la possibilité.

Le processus, qui avait fait l'objet de onze recours différents déposés par des personnalités ou partis politiques, est donc "inconstitutionnel, nul et non avenu", ont-ils affirmé dans leur décision unanime rendue jeudi soir.

"Le projet de loi d'amendement de la Constitution est une initiative du président et la loi indique clairement que le président n'a pas le mandat constitutionnel pour initier des modifications constitutionnelles par initiative populaire", ont-ils expliqué.

"Des poursuites civiles peuvent être engagées contre le président pour violation de la Constitution", ont-ils ajouté.

Le projet BBI propose de modifier la Constitution de 2010, qui avait instauré un régime présidentiel, en créant notamment un poste de Premier ministre, deux postes de Premier ministre adjoint et un poste de leader de l'opposition.

Cette révision a été suggérée par une commission mise sur pied en 2018 après une poignée de main historique entre le président Kenyatta et l'opposant historique Raila Odinga, qui avaient promis de tirer un trait sur des années de contestations électorales et de violences politiques.

Mais elle suscite l'opposition du vice-président William Ruto, allié de Kenyatta depuis sa première élection en 2012 et son supposé dauphin, qui y voit une manoeuvre pour l'écarter du pouvoir.

L'élection présidentielle au Kenya est prévue pour 2022 et Uhuru Kenyatta, qui achève son deuxième mandat, n'a pas le droit de se représenter.

William Ruto, issu de l'ethnie Kalenjin et qui s'était vu promettre par Uhuru Kenyatta d'être le candidat du parti présidentiel Jubilee en 2022, estime que cette révision constitutionnelle créera un système permettant à Kenyatta et Odinga, respectivement kikuyu et luo, les deux principales ethnies du pays, de se partager le pouvoir.

Le nouveau poste de Premier ministre offrirait notamment, selon lui, à Uhuru Kenyatta la possibilité de rester aux affaires.

Au Kenya, qui compte 42 ethnies, affiliation politique et identité communautaire sont profondément liées et les élections ont souvent débouché sur des violences.

La crise post-électorale née de la défaite contestée de Raila Odinga en 2007 a fait plus de 1.100 morts.

La nouvelle Constitution en 2010 n'a pas empêché de nouvelles violences après la présidentielle de 2017, boycottée par Odinga après l'annulation d'un premier scrutin déjà remporté par Kenyatta.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 14/05/2021 à 07h43, mis à jour le 14/05/2021 à 07h43