Ces 54 associations qui exercent dans les domaines politique, sociétal ou environnemental sont accusées de "non conformité" avec la législation, a expliqué dans un communiqué le Bureau des ONG, qui dépend du ministère des Affaires internes.
Elles opéraient sans être enregistrées, avec des permis expirés ou n'ont pas communiqué à plusieurs reprises leurs rapports et comptes annuels, a-t-il affirmé.
Parmi ces 54 ONG, l'emblématique association Chapter Four - dont le nom fait référence au chapitre 4 de la Constitution ougandaise qui énonce les droits et libertés fondamentaux - et 14 autres organisations se voient "suspendues indéfiniment".
Lire aussi : Ouganda: la Cour constitutionnelle abroge la très controversée loi anti-pornographie
Le directeur exécutif et fondateur de Chapter Four, Nicholas Opiyo, a déclaré à l'AFP que cette mesure "n'est que la continuation de la restriction de l'espace civique en Ouganda par l'utilisation de contraintes juridiques, administratives et physiques sur les organisations à travers le pays".
Cette figure de la société civile a également posté sur Twitter la photo d'un bordereau de réception du Bureau des ONG attestant du dépôt le 11 janvier des rapports annuels de l'ONG pour 2016, 2017, 2018 et 2019.
Charity Ahimbisibwe, qui dirige la Coalition des citoyens pour une démocratie électorale (CCEDU), autre organisation suspendue, a qualifié cette décision d'"extrêmement regrettable".
Elle a indiqué que le permis d'exploitation du CCEDU avait expiré, mais qu'elle avait demandé une prolongation car le confinement anti-coronavirus et une obstruction visible de responsables gouvernementaux rendaient un renouvellement impossible.
- "Contribution inestimable" -
Les représentations de l'UE et des Etats-Unis dans le pays ont appelé dans des tweets similaires à la rapide résolution de ces "problèmes d'enregistrement" des ONG.
"La société civile apporte une contribution inestimable dans tous les domaines du développement de l'Ouganda", a notamment souligné l'ambassade américaine.
La section Afrique de la Commission internationale des juristes s'est, elle, dite "profondément préoccupée" par la suspension de Chapter Four.
Certaines des organisations concernées par cette décision avaient participé à une opération d'observation de l'élection présidentielle controversée en janvier.
Lire aussi : Ouganda: en plein Covid, 25 millions d'euros donnés aux députés suscitent la colère
Cette opération avait fait l'objet d'une perquisition par les forces de sécurité et plusieurs dirigeants avaient été arrêtés.
Ce scrutin a vu le président Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 1986, réélu pour un sixième mandat au terme d'une campagne violente marquée par le harcèlement et l'arrestation de personnalités de l'opposition, dont le principal opposant et député Bobi Wine, des attaques contre les médias et la mort de dizaines de personnes.
L'opposition a contesté le résultat de cette élection, qualifiée de "mascarade" par Bobi Wine.
Mme Ahimbisibwe a indiqué que la CCEDU avait été convoquée à plusieurs reprises par les autorités après la publication d'un rapport faisant état de fraudes durant l'élection.
Un mois avant l'élection, Nicholas Opiyo, qui est également avocat de nombreux militants des droits humains, de la cause homosexuelle ainsi que de Bobi Wine, avait été arrêté et inculpé de blanchiment d'argent.
Plusieurs pays, dont les Etats-Unis et l'UE, avaient protesté contre cette arrestation et des rapporteurs spéciaux de l'ONU sur les droits humains avaient dénoncé des "chefs d'accusations fictifs" et des poursuites "semblant uniquement liées au contexte électoral".
Lire aussi : Ouganda: la justice ordonne la fin de l'assignation à résidence de Bobi Wine
Il avait été libéré sous caution une semaine plus tard.
Le président Museveni a réprimandé publiquement samedi les forces de sécurité pour avoir été trop violentes avant et après l'élection.
En novembre, au moins 56 personnes ont été tuées alors qu'elles protestaient contre l'arrestation de Bobi Wine.
Selon l'opposition, des centaines de ses partisans ont également disparu ou péri durant la violente répression post-électorale.