Libye: Saadi, fils de l'ex-dirigeant Mouammar Kadhafi, libéré de prison

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Le 06/09/2021 à 06h40, mis à jour le 06/09/2021 à 09h47

L'un des fils de l'ex-guide de la révolution libyenne Mouammar Kadhafi, Saadi, un ex-footballeur à la réputation de playboy, détenu dans une prison de Tripoli pendant sept ans a été libéré. Que reste-t-il du clan Kadhafi plus de dix ans après son assassinat par les puissances occidentales?

Dans le sillage du Printemps arabe et après 42 ans à la tête du pays, Mouammar Kadhafi a été tué après les bombardements de Tripoli par les forces occidentales, notamment françaises et britanniques, en 2011, lesquelles ont justifié leur intervention par un soulèvement populaire. Plusieurs de ses proches ont été éliminés, emprisonnés ou forcés à l'exil.

Lancée en février 2011, la révolution libyenne, connaît donc son dénouement en octobre de la même année avec l'assassinat du dirigeant panafricain qui avait fait de son pays l'un des plus prospère du continent.

Sa chute entraîne celle de ses proches, acteurs clés du pays. Trois de ses fils, Mouatassim, Seif al-Arab et Khamis, sont tués pendant la révolution. Khamis avait joué un rôle important dans la répression de la révolte à Benghazi (est), berceau de la révolution.

- Footballeur -

Seul fils né du premier mariage du colonel et décrit comme influent et discret, l'aîné Mohamed (51 ans) s'est réfugié en 2011 en Algérie voisine. Il s'est ensuite vu accorder l'asile à Oman, tout comme sa soeur Aïcha, une avocate de 45 ans.

Son frère Saadi (47 ans), un ex-footballeur à la réputation de playboy, a tenté sans succès une carrière professionnelle en Italie avant de diriger une unité d'élite de l'armée. Réfugié au Niger après la révolte, il a été extradé en 2014 vers Tripoli où il a été emprisonné. Le dimanche 5 septembre, la justice a annoncé sa libération à la suite d'une décision de justice datant de plusieurs années, sans dire s'il a quitté la Libye.

Mais des médias locaux ont indiqué qu'il était déjà parti sur un vol en direction de la Turquie.

Hannibal (46 ans), un rebelle excentrique qui a eu des démêlés judiciaires en France et Suisse dans les années 2000, s'est d'abord réfugié en Algérie avant d'aller au Liban pour rejoindre son épouse, une mannequin libanaise. Il a été arrêté en 2015 et y est emprisonné depuis.

Le sort de Seif al-Islam (49 ans), qui a longtemps fait figure de successeur à son père, reste un mystère.

Fin juillet dernier, il est réapparu pour la première fois depuis des années, lors d'une rare interview au New York Times au cours de laquelle il a évoqué une candidature à la présidentielle censée avoir lieu en décembre 2021.

Capturé en novembre 2011 par un groupe armé de Zenten, au sud-ouest de Tripoli, Seif al-Islam a été condamné à mort en 2015 à l'issue d'un procès expéditif. Mais le groupe le détenant a refusé de le livrer aux autorités de Tripoli ou à la Cour pénale internationale (CPI), qui le recherche pour des accusations de crimes contre l'humanité.

Sa trace s'est évaporée après l'annonce en juin 2017 de sa libération - jamais confirmée - par le même groupe armé. La CPI a cependant déclaré l'avoir localisé à Zenten fin 2019.

- "Souffert" -

Restée dans l'ombre de Mouammar Kadhafi, sa seconde épouse Safia s'est exilée à Oman où elle a régulièrement demandé à pouvoir regagner son pays. Des appels restés sans réponse, malgré l'influence de sa tribu en Cyrénaïque, la grande région de l'Est.

S'agissant de la tribu du dictateur, les Qadhadfa, répartie sur Syrte (nord-est) et un peu plus au sud, elle a "souffert" du régime Kadhafi et plusieurs de ses membres qui lui avaient exprimé leur opposition avaient fini en prison, selon le professeur de droit libyen Amani al-Hejrissi.

"Saadi Mouammar Kadhafi a été libéré de prison, en exécution d'une décision de justice" rendue il y a plusieurs années, a affirmé dimanche à l'AFP une source du ministère de la Justice sans préciser s'il était encore en Libye.

De nombreux médias locaux ont indiqué ce dimanche soir que Saadi Kadhafi avait déjà quitté le territoire libyen sur un vol en direction de la Turquie.

Interrogée par l'AFP, une source du bureau du procureur général a affirmé que le fils Kadhafi avait été libéré sur recommandation du procureur.

"Le procureur général a demandé, il y a plusieurs mois, l'exécution de la décision relative à la libération de Saadi Kadhafi dès que toutes les conditions requises ont été satisfaites", a-t-elle affirmé, rappelant qu'il était "libre de rester ou de partir".

Extradé du Niger le 6 mars 2014, où il avait fui après l'insurrection de 2011, Saadi Kadhafi, 47 ans, a été jugé et acquitté en avril 2018 par la Cour d'appel de Tripoli du meurtre en 2005 d'un ancien entraîneur du club de football Al-Ittihad de Tripoli, Bachir Rayani.

Il devait également être jugé pour son implication présumée dans la répression meurtrière de la révolte ayant mis fin au régime de son père Mouammar Kadhafi en 2011.

Depuis 2011, la Libye a sombré dans le chaos, marqué ces dernières années par l'existence de pouvoirs rivaux dans l'Est et l'Ouest sur fond d'ingérences étrangères.

Footballeur en Italie

Malgré l'arrêt des combats en 2020 et la conclusion d'une trêve, suivis de mois de négociations pour trouver une solution au conflit, les divisions ont rapidement refait surface, et la tenue des élections devient de plus en plus hypothétique en l'absence d'un cadre constitutionnel censé les régir.

Saadi était le troisième fils du dictateur libyen qui a pris le pouvoir après le sanglant coup d'Etat de 1969.

Pendant 42 ans, le "chef de la Révolution" a gouverné sa "Jamahiriya", ou "Etat des masses", rendant gratuite l'éducation et la santé et offrant à ses concitoyens les meilleurs conditions sociales dans le pourtout méditerranéen.

Le 11 octobre 2011, suite au soutien aérien des forces françaises et britanniques, des rebelles ont attaqué Syrte, ville d'origine de Mouammar Kadhafi, où sont morts le dirigeant et son fils Mutassim.

Un autre fils, Seif al-Arab, est aussi mort lors d'un bombardement de l'OTAN en avril 2011, alors que son frère Khamais a péri au combat quatre mois plus tard.

D'autres membres du clan Kadhafi ont survécu, dont sa femme Safiya, son aîné Mohammed, sa fille Aisha, ses fils Seif al-Islam, longtemps perçu comme son successeur, le flambeur Hannibal et le playboy Saadi.

Ce dernier, ancien patron de la fédération libyenne de football, a d'abord été connu pour sa brève carrière dans le championnat italien avant qu'Interpol ne demande son arrestation ainsi que celle de sa famille pour leur rôle dans la répression de 2011.

Le club de Pérouse avait recruté Saadi en 2003 sur demande du président du Conseil italien Silvio Berlusconi, qui entretenait des liens étroits avec la Libye.

De niveau médiocre et suspendu trois mois pour dopage, le fils de Kadhafi n'a que très peu joué, le pic de sa carrière footballistique étant d'être resté 15 minutes sur le terrain contre la Juventus en 2004.

Quelques jours avant la mort de son père, Saadi a dénoncé devant les médias une notice "politique" de la part d'Interpol.

Bien qu'accusé de tirs contre les manifestants et d'autres crimes lors du soulèvement, Saadi n'est pas poursuivi par la Cour pénale internationale, contrairement à son frère Seif al-Islam.

Parlant au New York Times en juillet, Seif al-Islam, qui n'était pas apparu en public et ne s'était pas exprimé depuis 2014, a assuré que le clan Kadhafi n'avait pas dit son dernier mot, ajoutant qu'il était un homme libre organisant son retour politique.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 06/09/2021 à 06h40, mis à jour le 06/09/2021 à 09h47