L'année 2021 n'a pas démarré sous les meilleurs auspices pour Bachagha, 59 ans, qui a échoué en février dans sa quête de prendre la tête de l'exécutif intérimaire et échappé ensuite à une tentative d'assassinat près de Tripoli, quelques jours avant de céder son poste de ministre de l'Intérieur.
Mais loin de se décourager, Bachagha, qui reste un acteur clé dans le jeu politique libyen, s'est rapidement relevé, faisant savoir dès mars qu'il briguerait le scrutin présidentiel prévu le 24 décembre, sans attendre l'ouverture du dépôt des candidatures dont la date n'est d'ailleurs toujours pas connue.
Depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, le pays d'Afrique du Nord est miné par les rivalités entre les principales régions, les luttes de pouvoir et les ingérences étrangères. Les infrastructures sont à plat, l'économie en lambeaux et les services défaillants.
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"La sécurité va de pair avec la réforme de l'économie: c'est elle qui permet d'améliorer le niveau de sécurité", souligne dans un entretien à l'AFP Bachagha.
"Il y a un besoin urgent d'un plan de réformes économiques, notamment pour améliorer la valeur du dinar face au dollar pour booster les échanges commerciaux. Le secteur privé doit également être encouragé", estime-t-il.
"Inéluctable"
L'incertitude plane toutefois sur la tenue du scrutin présidentiel, pourtant crucial, en raison des profondes divisions qui continuent de faire rage entre les élites du pays.
"Certaines personnalités politiques ne veulent pas de l'élection", accuse Bachagha.
"Elles ne veulent pas de ces élections car elles menacent leurs intérêts personnels. D'autres s'inquiètent de les voir porter au pouvoir un personnage inapproprié, issu de l'ancien régime ou de l'armée", pointe encore cette figure de la cité portuaire de Misrata (ouest).
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Malgré les obstacles, cet ancien formateur de pilotes d'avions de combat reconverti dans les affaires "pense que l'élection présidentielle aura bien lieu, c'est inéluctable".
Dans le cas contraire, "il y aura certainement un conflit politique et une forte polarisation qui peut se transformer en conflit armé", met-il en garde.
Bachagha est l'une de rares personnalités libyennes à pouvoir se prévaloir de bons rapports avec plusieurs pays étrangers impliqués dans le dossier libyen, quel que soit le camp qu'ils soutiennent dans le conflit.
S'il est réputé proche d'Ankara, à l'instar des principales figures de l'ouest libyen, Bachagha dispose aussi de soutiens notamment en France où il avait fait étape en juin lors d'une tournée qui l'a aussi conduit à Berlin et Bruxelles.
Acteur clef du Conseil militaire de Misrata, mis en place pendant la révolution, Bachagha s'est fait connaître du grand public durant son passage à la tête du ministère de l'Intérieur de 2018 à début 2021.
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Tandis qu'une myriade de milices font la loi dans l'ouest de la Libye, il mène campagne pour réduire leur influence, en offrant notamment des stages de formation aux miliciens ayant accepté d'intégrer les forces de l'ordre.
"La Libye est malheureusement en retard en matière de sécurité, elle a besoin d'une restructuration complète de ses organes sécuritaires", commente-t-il.
La question se pose également pour l'armée: si en théorie, le pays dispose désormais d'un pouvoir unifié, la région orientale de Cyrénaïque est contrôlée de facto par le maréchal Khalifa Haftar, lui-même candidat probable à la présidentielle.
"Une seule armée"
"La Libye doit avoir une seule armée, ce n'est pas difficile quand il y a un seul gouvernement", souligne-t-il.
Au moment où les autorités libyennes font l'objet de multiples critiques après une campagne ayant ciblé des migrants, Bachagha voit dans "l'immigration illégale une question importante qui nécessite un travail sur le volet sécuritaire ainsi qu'une coopération avec les Nations unies et l'Union européenne".
"La Libye a un problème majeur sur ses frontières sud, qui échappent au contrôle de l'Etat", poursuit-il. "Les frontières doivent être sécurisées à l'aide de technologies, et en même temps, nous devons investir dans certaines catégories de migrants, car la Libye a besoin d'une main d'oeuvre qualifiée", suggère Fathi Bachagha.