Moins de 48 heures avant le jour J, une commission du Parlement chargée du suivi du scrutin a conclu à l'«mpossibilité» de le tenir à la date prévue, pourtant fixée il y a plus d'un an. Ses conclusions ont été rendues publiques alors qu'une annonce du report du scrutin était attendue depuis plusieurs jours, sur fond de désaccords insurmontables entre camps rivaux.
Depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye ne parvient pas à s'extraire d'une décennie de chaos, marqué ces dernières années par l'existence de pouvoirs rivaux dans l'Est et l'Ouest du pays et par une série de conflits armés. L'élection du 24 décembre devait marquer l'aboutissement d'un processus politique parrainé par l'ONU pour clore ce chapitre de divisions et d'instabilité.
Mais «après avoir consulté les rapports techniques, judiciaires et sécuritaires, nous vous informons de l'impossibilité de tenir l'élection à la date du 24 décembre 2021 prévue par la loi électorale», a écrit le président de ladite commission, Al-Hadi al-Sghayer, dans un rapport adressé au chef du Parlement, sans avancer de nouvelle date.
"Longues querelles"
La Haute commission électorale libyenne (HNEC) a rebondi sur ce rapport pour proposer de reporter l'élection d'un mois au 24 janvier 2022. «Le Parlement se chargera d'adopter les mesures nécessaires, afin de lever les entraves au processus électoral», a-t-elle annoncé dans un communiqué.
Après le cessez-le-feu signé en octobre 2020 entre camps de l'Est et l'Ouest, un nouveau gouvernement unifié avait été mis sur pied en début d'année, à l'issue d'un processus laborieux chapeauté par l'ONU, pour gérer la transition jusqu'aux élections.
Si le report du scrutin ne faisait aucun doute depuis plusieurs jours, aucune institution ne semblait vouloir prendre la responsabilité d'officialiser un tel report, la HNEC et le Parlement basé à Tobrouk (Est), en conflit, estimant chacun qu'il revient à l'autre de le faire.
En proposant une nouvelle date, la HNEC «chercher à mettre la responsabilité entre les mains du Parlement», estime Wolfram Lacher, expert de la Libye à l'Institut allemand SWP. «C'est le Parlement qui doit entériner la nouvelle date, mais il est peu probable qu'il le fasse».
Désormais, il faut s'attendre à «de longues querelles sur la date des nouvelles élections», abonde auprès de l'AFP le chercheur Hamish Kinnear, de l'institut Verisk Maplecroft.
«La communauté internationale était unie sur la nécessité d'organiser des élections le 24 décembre, et la plupart des acteurs politiques libyens s'étaient engagés à respecter cette date. Le problème est que personne ne pouvait s'entendre sur la base constitutionnelle des élections», rappelle-t-il.
Cela fait des semaines que le scénario d'un report se dessine, les ingrédients susceptibles de transformer l'échéance historique en fiasco se multipliant: une loi électorale contestée, un calendrier modifié pour repousser les législatives et des figures controversées se déclarant candidats.
Insécurité
Le processus électoral a également été émaillé d'incidents graves: des hommes armées ont bloqué l'accès au tribunal de Sebha (Sud) pour empêcher les avocats de Seif al-Islam Kadhafi, fils cadet de l'ex-dictateur Mouammar Kadhafi, de faire appel du rejet de sa candidature à la présidentielle.
Mardi, des miliciens armés se sont déployés à Tripoli, faisant craindre une reprise des violences alors que se profilait un report de l'élection.
L'émissaire américain pour la Libye et ambassadeur à Tripoli a appelé au «calme» mercredi et à des «mesures susceptibles de détendre la situation sécuritaire tendue à Tripoli et ailleurs en Libye».
Il a aussi exhorté, dans un communiqué, les dirigeants libyens à «rapidement oeuvrer à l'élimination de tous les obstacles juridiques et politiques» à la tenue des élections.
Outre le fils de Kadhafi, les principales figures qui se sont présentées à la présidentielle sont le maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l'Est, et le Premier ministre actuel, l'homme d'affaires Abdelhamid Dbeibah.