Avec cette réforme qu'ils ont portée depuis 2018, Kenyatta et ses alliés ambitionnaient notamment de créer de nouveaux postes au sein de l'exécutif, dans la plus importante modification du système politique kényan depuis l'introduction d'une nouvelle constitution en 2010.
Cette décision très attendue sur ce projet qui est l'épicentre du débat politique depuis plus de trois ans n'a pas été formellement énoncée à l'issue des six heures de lecture des jugements et motivations par chacun des juges. Elle doit l'être mardi.
Mais dans leurs exposés respectifs, six des sept magistrats ont estimé que "le président ne peut pas initier des amendements ou des changements constitutionnels par l'initiative populaire", une procédure réservée aux citoyens, a résumé Martha Koome, la présidente de la plus haute juridiction du pays.
Selon la majorité des juges, "l'amendement constitutionnel de 2020 est inconstitutionnel", a-t-elle ajouté.
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La haute cour de Nairobi, puis la cour d'appel de la capitale avaient retoqué le projet, estimant notamment que le président n'avait pas le droit d'initier un tel processus.
Les juges de la Cour suprême ont toutefois estimé que sur le fond, une telle modification du système de gouvernement restait possible, invalidant l'argument des opposants au texte qui affirmaient que la constitution possédait une "structure de base" intangible.
Stratagème
Pour Uhuru Kenyatta, ce projet baptisé "Building Bridges Initiative" (BBI) visait à atténuer le système actuel du "vainqueur qui rafle tout", cause selon lui des conflits électoraux qui ont jalonné l'histoire du pays, considéré comme la locomotive politique et économique de l'Afrique de l'Est.
Au Kenya, pays comptant 45 tribus officielles, les périodes d'élections ont été marquées à plusieurs reprises par des violences, notamment ethniques, comme en 2007-2008 quand plus de 1.100 personnes avaient été tuées et des centaines de milliers déplacées.
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En plus de créer un poste de Premier ministre, deux de vice-Premiers ministres et un de leader de l'opposition, le BBI proposait d'augmenter le nombre de parlementaires de 290 à 360.
Mais les détracteurs du projet, menés par le vice-président William Ruto, y voyaient un stratagème d'Uhuru Kenyatta, qui termine son deuxième mandat de président et n'est pas autorisé à se représenter, pour se maintenir au pouvoir en tant que Premier ministre.
William Ruto avait initialement été adoubé par Kenyatta pour lui succéder, mais le vice-président s'est vu progressivement marginalisé à partir de 2018, après un rapprochement inattendu entre Kenyatta et son adversaire politique de toujours, Raila Odinga.
L'opiniâtre promotion du BBI par les deux hommes ont nourri les spéculations sur un possible pacte de partage du pouvoir si Odinga accédait à la présidence en 2022.
En mars, Kenyatta a officiellement apporté son soutien à Odinga, qui affrontera Ruto lors de l'élection présidentielle du 9 août.
Décision "mixte"
Dans la perspective des élections présidentielle et législatives d'août, cette décision, qualifiée de "mixte" par des analystes politiques, va désormais alimenter les tractations avec les plus petits partis, qui attendaient pour se positionner entre les deux principaux candidats.
"Chacun des camps a quelque chose à revendiquer", souligne Macharia Munene, professeur d'histoire et relations internationales à l'Université internationale américaine de Nairobi.
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Si Ruto se félicitera d'avoir arrêté le processus en cours, l'équipe de Kenyatta "dira qu'elle a gagné parce qu'on lui a dit comment augmenter le nombre de postes correctement et qu'elle va le faire", souligne-t-il.
"Nous n'arrêterons pas les délibérations sur la voie à suivre qui décideront de nos actions futures", a assuré Raila Odinga sur Twitter.
La porte reste juridiquement ouverte à une future réforme par une autre voie que "l'initiative populaire".
Uhuru Kenyatta a affiché en décembre sa détermination à voir son projet se concrétiser, même après 2022.
"Bien qu'il ait rencontré des obstacles légaux, (...) le BBI n'est qu'un rêve remis à plus tard", avait-il déclaré dans un discours: "Un jour, à un moment, cela arrivera, car le pays ne peut pas survivre aux principes de la majorité et de l'exclusion ethniques".