Kenya: ONG et société civile appellent à un scrutin pacifique et transparent

Raila Odinga, ancien Premier ministre, et William Ruto, vice-président sortant.. DR

Le 02/08/2022 à 12h58, mis à jour le 02/08/2022 à 13h01

ONG et société civile kényanes ont appelé mardi à des élections pacifiques et transparentes, à une semaine d'une présidentielle à forts enjeux pour ce pays d'Afrique de l'Est plusieurs fois meurtri par des violences et des contentieux post-électoraux.

Le scrutin du 9 août est «un des plus complexes de l'histoire du pays» depuis l'instauration du multipartisme en 1991 et «collectivement nous pouvons avoir une élection crédible», a déclaré mardi Felix Owuor, représentant de l'Institut de droit et de gouvernance pour l'Afrique (Elgia).

Cette organisation de la société civile s'est unie à une quinzaine d'autres pour lancer mardi un site internet destiné à collecter et géolocaliser des incidents avant, pendant et après les élections.

Plus de 22 millions d'électeurs sont appelés aux urnes mardi prochain, pour désigner leur prochain président pour les cinq années à venir, ainsi que des centaines de parlementaires et quelque 1.500 élus locaux.

Or, le spectre des violences passées plane sur ces élections scrutées par la communauté internationale, le Kenya étant une locomotive économique et un îlot de stabilité démocratique dans une région tourmentée.

Une des inquiétudes soulevées mardi par Human Rights Watch (HRW) est liée à l'impunité de la police.

«L'échec à lutter contre les abus des policiers lors de précédentes élections kényanes risque de les encourager à continuer leur mauvaise conduite lors des élections générales de cette année», déclare dans un communiqué Otsieno Namwaya, directeur de HRW pour l'Afrique de l'Est.

La police kényane est souvent accusée par les ONG d'usage excessif de la force et de mener des exécutions extra-judiciaires, notamment dans les quartiers populaires.

Ses agents ont également été soupçonnés d'avoir formé des escadrons visant notamment des militants et des avocats qui enquêtaient sur ces abus.

HRW affirme avoir recensé le décès d'au moins 104 personnes, selon elle du fait de la police, lors des dernières élections de 2017, principalement des partisans de Raila Odinga, alors candidat de l'opposition.

Après une annulation du scrutin par la Cour Suprême et une deuxième élection, les tensions électorales ne s'étaient apaisées que début 2018 à la suite d'une alliance surprise entre le président Uhuru Kenyatta et Odinga.

Ce dernier, aujourd'hui soutenu par Kenyatta et son parti, est un des favoris à la présidentielle face à William Ruto, vice-président sortant devenu challenger du pouvoir.

Si la campagne n'a pour l'instant été émaillée que d’échauffourées sporadiques, les craintes demeurent que plus d'incidents n'éclatent.

Marqué par le vote communautaire, le Kenya et sa quarantaine d'ethnies a en effet à plusieurs reprises souffert de violences post-électorales, notamment en 2007-2008, où plus de 1.100 personnes sont décédées lors d'affrontements à caractère ethnique. Et tous les scrutins depuis 2002 ont été contestés.

"Infuser la confiance"

Déjà les écoles, dans lesquelles sont installés la plupart des bureaux de vote, sont fermées et une grande enseigne de supermarchés a invité les clients à faire des provisions.

Pour recenser les incidents éventuels dans les plus de 46.000 bureaux de vote, des groupes de la société civile ont ainsi décidé de s'unir pour «infuser un peu de confiance», a expliqué mardi devant la presse Angela Lungati, directrice de Ushahidi, plate-forme de partage de l'information créée au Kenya en 2008.

Ensemble elles ont lancé le site uchaguzi.or.ke dont le but est d'«encourager les citoyens ordinaires à participer activement afin de garantir un résultat libre et équitable en partageant des données sur ce qui se passe autour d'eux», résume Mme Lungati.

Les poches de tensions ou anomalies susceptibles de perturber le processus électoral peuvent être signalées via des SMS et des service téléphonique gratuits, ou sur les réseaux sociaux.

Une équipe vérifiera notamment la véracité des faits évoqués grâce à des centaines de volontaires sur le terrain, aux côtés de dizaines d'observateurs internationaux.

«La responsabilité de tenir des élections pacifiques, crédibles et intègres» n'incombe pas à la seule la Commission électorale indépendante, «c'est aussi la responsabilité de la société civile», veut croire Felix Owuor.

En 2017, la Commission électorale avait largement été pointée du doigt pour les irrégularités dénoncées par la Cour Suprême dans son jugement.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 02/08/2022 à 12h58, mis à jour le 02/08/2022 à 13h01