La nouvelle guerre du Kivu

DR

Le 13/09/2022 à 13h15, mis à jour le 13/09/2022 à 13h24

Vide d’habitants, le Kivu est situé en limite des espaces surpeuplés du Rwanda et du Burundi dont les terroirs sont saturés. Tout au contraire, ses fortes potentialités agricoles en font l’exutoire naturel et géopolitiquement inéluctable de ces deux pays.

Depuis le début de l’année 2022, la guerre a repris au Kivu, une région de l’est de la RDC (République démocratique du Congo) qui s’étend depuis le nord-ouest du lac Tanganyika, au sud, jusqu’à la région du Masisi au nord du lac Kivu. Elle est frontalière de trois pays, le Burundi, le Rwanda et l’Ouganda. Il s’agit de la résurgence d’un conflit sanglant qui n’a jamais réellement cessé depuis 1996 et qui oppose directement ou indirectement la RDC au Rwanda.

La guerre du Kivu éclata en 1996 à la suite du soulèvement des Tutsi congolais, les Banyamulenge. Ils étaient alors instrumentalisés par le Rwanda, soutenu par les Etats-Unis et les Britanniques qui cherchaient à renverser le régime du maréchal Mobutu. Depuis, le Rwanda occupe la région, tantôt directement ou plus régulièrement à travers des milices qui lui sont inféodées, s’employant à y créer une situation de non-retour débouchant sur une sorte d’autonomie régionale sous son contrôle.

Bien que théoriquement intégré au réseau trans-congolais dont le poumon est le port de Matadi sur l’Atlantique, le Kivu est naturellement tourné vers l’Est et l’océan indien. De fait, il tourne le dos à Kinshasa dont il est séparé par la grande forêt de la cuvette congolaise.

Vide d’habitants, il est situé en limite des espaces surpeuplés du Rwanda et du Burundi dont les terroirs sont saturés. Tout au contraire, ses fortes potentialités agricoles en font l’exutoire naturel et géopolitiquement inéluctable de ces deux pays.

De plus, le sous-sol de la région contient des minerais rares et des pierres précieuses écoulés par le Rwanda, devenu la plaque tournante d’un commerce illicite qui se fait à travers des sociétés-écrans et des coopératives minières. Ces dernières accordent le label «Rwanda» aux productions pillées en RDC, ce qui permet de les écouler sur le marché international en dépit de l’embargo.

Les causes profondes de cette guerre découlent de deux tendances lourdes et contradictoires à la fois. La RDC veut ainsi reprendre le contrôle du Kivu quand le Rwanda souhaite faire passer la région dans sa zone d’influence tout en affirmant qu’il s’agit d’un conflit intra-congolais auquel il est étranger.

La solution de la question récurrente du Kivu se trouve donc au Rwanda et cela pour trois grandes raisons:

1-Le Rwanda va droit au collapsus démographique si, d’une manière ou d’une autre, il ne déborde pas vers les régions vides d’habitants du Kivu congolais.

2-Sans une ouverture vers le Kivu, le Rwanda, qui est naturellement tourné vers l’océan Indien, n’est que le cul de sac de l’Afrique de l’Est, la forêt de la cuvette congolaise formant une barrière naturelle, politique, ethnique, culturelle et linguistique (kiswahili oriental et lingala occidental).

3-L’indéniable réussite économique actuelle du Rwanda repose en partie sur le pillage bien documenté par l’ONU des ressources de la RDC.

Voilà pourquoi, et en dépit de tous ses démentis, le Rwanda soutient les rébellions successives de la région du Kivu à travers l’appui qu’il donne aux Tutsi congolais.

Le relais de sa politique est actuellement le mouvement du M23, ainsi nommé en référence aux accords du 23 mars 2009 que les actuels rebelles accusent Kinshasa de violer.

Par Bernard Lugan
Le 13/09/2022 à 13h15, mis à jour le 13/09/2022 à 13h24