Au grand marché de la capitale burkinabè, la photo de Traoré, béret rouge de l'armée de Terre sur la tête et tenue militaire, s'affiche sur les étals de photos à vendre aux côtés de celles du héros national Thomas Sankara, président putschiste assassiné en 1987, ou de Jésus.
Son portrait est aussi brandi dans les rassemblements, comme vendredi devant le Centre de conférences de la capitale burkinabè accueillant les assises nationales qui l'ont désigné président de transition, où des centaines de personnes lui ont manifesté leur soutien.
Le jeune capitaine de 34 ans - ce qui en fait le plus jeune chef d'Etat au monde devant le président chilien Gabriel Boric, 36 ans - a renversé le 30 septembre le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, lui même putschiste en janvier 2022.
Natif de Bondokuy (ouest), il étudie la géologie à Ouagadougou et rejoint l'armée en 2010. Il est diplômé de l'Académie militaire Georges Namonao, une école de formation d'officiers moins glorieuse que le Prytanée militaire de Kadiogo (PMK) dont son prédécesseur Damiba et nombre de hauts gradés burkinabè sont issus.
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Il sort vice-major de la promotion nommée "Citoyenneté", raconte un ancien élève qui a étudié avec lui. Il y était "discipliné et valeureux", assure-t-il.
"Respecté"
S'en suivent dix ans de carrière au front: il est déployé dans le nord et le centre du pays frappés par les attaques jihadistes, puis au Mali en 2018 au sein de la mission de l'ONU, la Minusma. Il est nommé capitaine en 2020.
Un fait d'armes marquant survient cette année-là quand la ville de Barsalogho, à une quarantaine de km de Kaya dans le centre du Burkina où il est alors basé, est attaquée par des groupes jihadistes qui menacent de la faire tomber.
La route étant réputée minée, le capitaine Traoré entame alors avec ses hommes un "rallye commando" à pied, raconte un officier supérieur anonymement, pour libérer la ville.
Le genre de décisions qui font que l'homme est "respecté de ses hommes et a fait parler de lui dans différentes opérations", souligne la même source à l'AFP.
Ironie de l'histoire, le parcours récent de Traoré s'est inscrit dans les pas de celui du lieutenant-colonel Damiba, qu'il a fini par renverser.
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Lors du putsch contre le président d'alors Roch Marc Christian Kaboré, le 24 janvier, qui a porté Damiba au pouvoir, Traoré est membre de la junte putschiste, le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR).
En mars, le président Damiba le nomme chef d'artillerie du régiment de Kaya, d'où viendra petit à petit la grogne.
Nommé par ses camarades porte-parole des membres du MPSR sur le terrain, il est mandaté plusieurs fois à Ouagadougou pour plaider un changement de stratégie auprès du président.
C'est finalement faute d'avoir été entendu, disent plusieurs de ses soutiens, qu'il aurait marché sur Ouagadougou le 30 septembre, quelques jours après une énième attaque, cette fois contre un convoi de ravitaillement escorté par l'armée dans le nord. Bilan, 27 morts militaires et 10 civils tués.
"Exaspération"
"Le capitaine Traoré est le symbole de l'exaspération des militaires subalternes et des hommes de rang", ceux qui sont au front, par opposition aux gradés réputés friands des salons feutrés, estime le consultant en sécurité Mahamoudou Savadogo.
Traoré aura la lourde tâche de reprendre l'ascendant dans la lutte contre les groupes jihadistes, certains affiliés à Al-Qaïda d'autres à l'Etat islamique, qui ne cessent de gagner du terrain depuis qu'ils ont débuté leurs attaques au "pays des hommes intègres" en 2015.
Il a promis de faire "dans les trois mois" ce "qui aurait du être fait dans les huit mois passés", une critique directe de son prédécesseur.
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Militaire renversant un autre militaire, Traoré est une nouvelle preuve, selon Savadogo, de "la dégénérescence de l'armée qui n'existe presque plus et qui a fini de se déchirer avec cet énième coup d'Etat".
Sa prise de pouvoir s'inscrit également dans une lutte globale d'influence entre France et Russie en Afrique francophone, où les anciennes colonies françaises sont de plus en plus nombreuses à se tourner vers Moscou.
Ses partisans rassemblés vendredi brandissaient des drapeaux russes.
Traoré est, selon de nombreux interlocuteurs de l'AFP à Ouagadougou, porteur d'un nouvel espoir, un nouveau départ dans un pays qui ne cesse de s'enfoncer dans la guerre sahélienne depuis 2015.
"Il incarne le renouveau, un renouvellement générationnel, une rupture avec les anciennes pratiques", jugeait vendredi une manifestante, Monique Yeli Kam.