Nigéria: arrestations spectaculaires de plusieurs juges

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Le 10/10/2016 à 09h40, mis à jour le 10/10/2016 à 11h21

Plusieurs juges nigérians de très haut rang ont été arrêtés ce week-end au Nigéria. Il leur est reproché des actes de corruption présumée. Cependant, la méthode utilisée manque de tact et a provoqué une vague d'indignation.

C’est l’émoi au sein du corps judiciaire Nigérian, ce week-end. La Defense of state security (DSS), police secrète nigériane, a procédé à l’arrestation de hauts responsables de la justice, notamment quatre juges dont deux de la Cour suprême et deux de la Haute cour fédérale d’Abuja. Au total la DSS a saisi quelque 800.000 dollars, mais également plusieurs titres de propriétés foncières chez les prévenus. Ces arrestations entrent dans une vaste opération de lutte contre le corruption qui est au centre de la politique actuellement de président Muhammadu Buhari.

Seulement, ces arrestations ont été menées nuitamment sans avoir fait intervenir au préalable les instances judiciaires. 

"Le style de ces arrestations rappelle les méthodes de la Gestapo", a protesté l’association du Barreau, réclamant la libération immédiate des prévenus. Selon les avocats, ces méthodes sont dignes d’un régime militaire et le Nigéria n’en est plus un depuis longtemps.

"Nous sommes préoccupés par la vague d’arrestations, d’intimidations et de harcèlement des juges à travers tout le pays par la DSS", a dit Adetokunbo Mumuni qui est à la tête de l’ONG Socio-economic rights and accountability projet (Serap) défendant les droits socio-économiques. Selon lui, la légitimité de la lutte anti-corruption ne fait aucun doute, mais elle n’autorise pas à mener des opérations qui tendent à fragiliser l’Etat de droit et l’indépendance de la Justice.

Des critiques fusent de partout et bien sûr des hommes politiques. Le principal parti d’opposition, le PDP parle quant à lui de dérives autoritaires. Il regrette que le Conseil national judicaire, l’organe habilité à entendre les magistrats et juges, n’ait pas été saisi.

Ces arrestations n’ont que très peu de soutiens. L’ONG "Make a difference" qui milite pour la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption a affirmé son soutien envers l’opération. Néanmoins, son directeur général, Lemmy Ughegbe affirme que ces opérations auraient pu être menées en plein jour et de manière beaucoup plus courtoise.

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 10/10/2016 à 09h40, mis à jour le 10/10/2016 à 11h21