Le Ghana est connu pour être un pays paisible sur un continent marqué par les conflits, les dictateurs et la criminalité. Face à une élection présudentielle très disputée, certaines craintes sont toutefois légitimes. Pour parer à tout situation, les rastafariens ghanéens prennent les devant en prêchant pour la paix lors de ce scrutin crucial.
"C'est parce que nous avons placé le Ghana avant tout", affirme Martin Quarpong, un rastafarien proche de la quarantaine, vêtu d'une chemise verte et orange, les cheveux enroulés dans un large bandeau noir. "Nous nous voyons comme un seul peuple et nous pensons à notre avenir".
A part les dreadlocks et son penchant pour les tissus colorés, à bien des égards la communauté rastafarienne, omniprésente au Ghana, incarne l'engagement du pays pour la paix.
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Son message d'amour ne diffère pas beaucoup de celui des Ghanéens de la rue, qui se félicitent du respect mutuel qu'ils se portent - ainsi qu'au processus démocratique.
"Les rastafariens y contribuent beaucoup pendant et après les élections. Tout ce que nous faisons, c'est la paix, la paix et la paix", explique Quarpong à l'AFP.
"Nous devrions accepter le vainqueur de bonne foi, et leur faire savoir qu'ils (les politiciens) devraient placer le Ghana au dessus de tout".
A l'hôtel Rising Phoenix, sur une plage d'Accra, Quarpong vend des vêtements avec en musique de fond, une version reggae de White Christmas.
Un portrait en noir et blanc du défunt empereur éthiopien Hailé Selassié, une idole pour les rastas, est peint sur le mur à côté d'affiches annonçant un concert "Peace in Ghana" avec les stars du reggae local, Ras Kuuku et Jah Wyz.
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La paix est la raison pour laquelle Quarpong mettra un bulletin dans l'urne mercredi. "Oui, bien sûr je vais voter, je dois le faire en tant que patriote", déclare-t-il. "Ce n'est pas obligatoire, mais c'est nécessaire".
C'est en grande partie grâce à sa stabilité politique , que le Ghana est devenu une destination attrayante pour les investisseurs. Dans la dernière ligne droite de la campagne, les appels en faveur de la paix se sont multipliés.
Les candidats - y compris le président sortant John Mahama et son rival Nana Akufo-Addo - ont signé la semaine dernière une déclaration "contre la violence électorale, l'impunité et l'injustice".
"Notre démocratie et notre progrès sont trop précieux pour être remis en cause afin de prendre ou de conserver le pouvoir", a déclaré Mahama le jour de la signature.
Contrairement au géant anglophone nigérian, en proie à des tensions intercommunautaires, le Ghana a mis l'accent sur l'unité dès l'indépendance.
Même la devise en latin de l'illustre internat d'Accra, où Mahama a étudié, affichait cet état d'esprit: Ut Omnes Unum Sint (que tous soient un).
Les rastafariens rendent notamment hommage au père fondateur du Ghana pour la consolidation de la paix. "Si vous connaissez Nkrumah, vous savez tout, le Ghana est la mère-patrie", assure Kwaku Akupleca, 32 ans, qui porte une bague argentée en forme de feuille de marijuana.
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Kwame Nkrumah a mené le mouvement de libération du Ghana contre le colonisateur britannique, devenant le premier dirigeant démocratique du pays en 1957 et un héros du mouvement panafricain qui prônait l'unité noire.
"Nous avons vu la lumière", dit Akupleca, sur la plage de Labadi, à Accra.
Cette particularité a permis aux rastafariens de trouver leur place au Ghana, qui abrite aujourd'hui de nombreuses branches différentes, dont Bobo Shanti et les Douze Tribus d'Israël.
A 30 km à l'ouest d'Accra se trouve Kokrobite, une ville décrite comme un "pays des merveilles rasta" qui attire comme un aimant tous ceux de la région, mais aussi des États-Unis et de Jamaïque.
Cette année, les médias locaux ont rapporté que le Conseil Rastafari du Ghana a tenu sa première conférence nationale, en mettant l'accent sur le rapatriement des "frères et soeurs".
En 2013, la veuve de Bob Marley, Rita, a été nommée citoyenne d'honneur du Ghana. La légende du reggae jamaïcain, Bob Marley lui-même, est considéré comme un prophète dans la communauté rasta. "Quand vous avez la paix, c'est mieux que la richesse", estime Kwaku Francis. "Tout est question de paix et d'amour, voilà notre devise"