Cameroun: des routes de plus en plus meurtrières

Les routes camerounaises sont parmi les plus meurtrières d’Afrique.

Les routes camerounaises sont parmi les plus meurtrières d’Afrique. . DR

Le 21/08/2017 à 09h39

Près de 100 morts sur les routes en trois semaines. En cette période de retour des grandes vacances, le trafic est intense sur les axes routiers du pays. Leur mauvais état, couplé à l’incivisme des conducteurs, fait que les accidents et des morts se multiplient.

Samedi 19 août 2017, dix-huit Camerounais ont perdu la vie dans un accident de la circulation. Des hommes et des femmes qui revenaient des funérailles d’un proche Muyuka dans la région du Sud-Ouest.

L’autobus HIACE de 19 places, qui transportait les membres du groupe culturel "Wana Wa Wonja" a été écrasé autour de 5h du matin, par un camion qui aurait perdu le contrôle de ses freins sur la colline, dans la localité d’Ekona. Un seul survivant, un motard qui s’est éjecté du bus avant l’impact. Reçu d’urgence à l’hôpital régional de Buea, le jeune homme risque de perdre ses deux bras. Ça, c’était le week-end dernier.

Une semaine plus tôt, le vendredi 11 août , 13 autres Camerounais ont péri sur l’axe Yaoundé-Bafoussam. Cette fois, c’est le chauffeur d’un minibus qui a effectué un dépassement inopportun. Il s’est retrouvé nez à nez avec un gros-porteur de 70 places. En voulant l’esquiver, le minibus a percuté un autre bus qui roulait tranquillement dans la même direction que lui. Une étincelle survient lors du choc. Les deux engins prennent feu, leurs passagers meurent calcinés.

Le week-end précédent, précisément le 4 août 2017, cette fois sur l’axe Bafoussam-Bamenda, c’est un bus de transport en commun parti de Yaoundé qui a laissé sept morts sur la route, et de nombreux blessés graves. Les autorités policières ont conclu qu'un excès de vitesse avait causé cet autre accident de la circulation.

Ce sont là les cas les plus poignants, mais d’autres axes routiers du pays ont également fait parler d’eux depuis le début de ce mois août. Une période durant laquelle le trafic est important, du fait du retour des grandes vacances scolaires. Mais, selon Martial Manfred Missimikim, expert international de la sécurité routière, il y a aussi un relâchement des campagnes de sensibilisation menées par le ministère des Transports, la police et la Gendarmerie nationale.

«L’autre justification mineure reste la dégradation avancée de certains axes routiers importants. A cela, s’ajoute le déficit de signalisation routière horizontale et verticale et évidement, l’incivisme et le refus de l’application des dispositions règlementaires du code de la route CEMAC. Par ailleurs, le parc automobile est très vieillissant. 80% des véhicules en circulation sont des voitures de seconde main avec une moyenne d’âge de 15 ans», regrette l’expert. De fait, les statistiques nationales font état de près de 100 morts en trois semaines dans le pays.

En début d’année pourtant, lors de la traditionnelle conférence annuelle des services centraux et déconcentrés du ministère des Transport, le chef de département, Edgard Alain Mebe Ngo’o affirmait que : «La priorité absolue de 2017 est accordée à la sécurité routière. Car, le coût des accidents de la route au Cameroun, en termes de pertes en vies humaines et matérielles, estimé à 2% du PIB, continue à peser sur les indicateurs macroéconomiques du pays».

Le ministre invitait alors ses collaborateurs à redoubler d’efforts dans la sensibilisation et la répression des usagers de la route, mais aussi à assainir le processus de délivrance du permis de conduire, le contrôle des auto-écoles et des agences de voyages.

Hélas, les accidents se succèdent. Sans doute une invitation à investir davantage dans la construction et l’entretien routier. Parce qu’en vérité, les nids de poules se multiplient et s’élargissent sur les routes du pays.

A titre d’illustration, les 275 km entre Ngaoundéré et Garoua se parcourent désormais en sept heures au lieu de trois comme par le passé. Dans la foulée, des ponts cèdent sous le poids de l’âge. Pour mémoire, c’est justement la rupture du pont de Manyaï sur l’axe Yaoundé-Douala, qui a provoqué l'accident du train de la mort à Eséka…

En 2016, selon le rapport du Conseil national de la route (Conaroute), le Cameroun a enregistré 3.088 accidents de la circulation et 1.102 morts. Un chiffre en baisse par rapport aux années précédentes. Mais en 2017, la situation semble se dégrader et les habitudes accidentogènes revenir au galop. Or il faut compter avec les blessés et handicapés à vie…

Par Elisabeth Kouagne (Abidjan, correspondance)
Le 21/08/2017 à 09h39