Jadis considérés comme un peuple hostile à l’éducation occidentale, les pygmées sortent de plus en plus de leurs campements pour s’arrimer à la culture des autres peuples. Ils ne vivent plus foncièrement de la chasse, de la cueillette et du ramassage, et s’habillent de plus en plus en pantalons, chemises ou robes.
Les pygmées se nourrissent encore du gibier, certes, mais ils ne sont plus forcés de tailler leurs dents pour leur permettre de mastiquer la viande avant de l’avaler. Alors qu'ils vivaient uniquement dans les huttes fabriquées en pailles, ils peuvent désormais dormir dans des maisons faites en tôles. Bref, le quotidien des pygmées a changé depuis que la communauté internationale exige des Etats l’amélioration des conditions de vie de toutes les populations, y compris celles des minorités, les peuples autochtones en l’occurrence.
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Aujourd'hui, le changement dans les communautés pygmées du Cameroun est perceptible. Le pays en compte trois, à savoir les Baka, les Bakola et les Medzan répartis dans les régions du centre, de l’Est et du Sud. Majoritaires avec une population d’environ 40.000 individus, les Baka sont le groupe qui s’ouvre le plus facilement au changement des mentalités, et par conséquent le plus instruit.
Et nombre de leurs enfants s’apprêtent à affronter les examens officiels de cette fin d’année scolaire 2021-2022. Par exemple, Eric Ndoutou, en classe de terminale A4 allemand au Lycée classique de Mintom, dans le département de la Vallée du Ntem (Sud), prépare actuellement son baccalauréat. Comme lui, Tatiana Ntem Assokake, 19 ans, affrontera le probatoire A4 espagnol au Lycée de Messok, situé dans la région de l’Est.
Ils ne sont pas les seuls. Bien d’autres se retrouvent dans d’autres établissements scolaires et pas forcément en classe d’examens. Avant eux, de nombreux pygmées ont déjà flirté avec les bancs. Parmi ceux-ci, l’on retrouve aujour'hui des enseignants, des hommes d’affaires, des juristes et bien d’autres.
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Pourquoi s’intéresse-t-il à l’école alors que ses égaux sont dans les campements? Eric Ndoutou répond en ces termes: «J'ai remarqué dans mon village que les Bantous nous méprisent beaucoup parce que nous ne savons ni lire ni écrire. Ce sont eux qui prennent toutes les décisions et nous imposent ce qu’ils veulent. Nous ne sommes utiles que lorsqu’il faut leur fournir du gibier ou des remèdes traditionnels. J'ai alors demandé à une ONG de me mettre à l’école parce que mes parents n’ont pas d’argent. C’est cette ONG qui finance mes études depuis la classe du cours moyen 2ème année, et aujourd’hui, tout le monde est content de moi». Le jeune élève rêve de devenir un douanier pour mieux servir son pays.