Après des négociations longues et ardues, suivies des signatures des Accords de partenariat économique (APE), les pays d’Afrique subsahariennes continuaient à trainer les pieds pour la ratification de ces accords. Les craintes de pertes de recettes douanières et les pressions exercées par les organisations non gouvernementales et la société civile expliquent grandement cette situation.
Le Cameroun est passé à l'acte
Toutefois, la solidarité entre les pays africains face aux craintes liées à l’application des APE a volé en éclat. Le Cameroun est passé à la concrétisation de cet accord le 04 août 2016 courant. Le pays a d’ailleurs accueilli les premières cargaisons d’équipements industriels éligibles au régime préférentiel des Accords de partenariat économique (APE), en provenance de l’Union européenne, bénéficiant d’un abattement de 25% sur les droits de douane.
0% de droits de douane
Et conformément à l’accord, chaque année, à compter du 04 août 2016, des abattements de 25% sont prévus de manière à atteindre un taux de 0% sur 4 ans. Dès 2017, deux autres marchandises listées dans cet APE bénéficieront de ce mécanisme. Au final, entre le Cameroun et l’Union européenne, on devait aboutir à un démantèlement tarifaire complet au bout de 13 ans.
Risque de déséquilibre budgétaire
Reste que la ratification par le Cameroun de l’APE avec l’UE et son entrée en vigueur ne fait pas l’unanimité au sein de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) où certains pays hésitent dans un contexte de morosité économique craignant de déséquilibrer davantage leur budget à cause de moindres recettes douanières.
Il faut souligner que les APE prévoient en effet la suppression des droits de douane sur 75% des exportations de l’Union européenne vers l’Afrique subsaharienne. De leur côté, les pays de la région bénéficiaient déjà, en tout cas pour les pays les moins avancés (PMA), l’entrée de leurs produits sans droits de douane sur le marché européen.
L'UE, le grand bénéficiaire?
En clair, le grand bénéficiaire de cet accord demeure l’UE. Certains n’hésitent pas à qualifier l’APE d’un accord de dupe. Mais au fond, les pays de l’Afrique de l’ouest avaient-ils d’autres choix. Ceux qui avaient montré quelques signes de résistance –Côte d’Ivoire, Nigéria, Ghana et Cap Vert- ont été rappelés à l’ordre et les menaces de taxes à l’entrée de leurs produits sur le marché de l’UE ont fini par dissuader les plus récalcitrants.
Après le Cameroun, la Côte d’Ivoire et le Ghana ont aussi décidé de casser la solidarité entre les pays de la CEDEAO en signant les accords intérimaires avec l’UE. Il faut rappeler que les chefs d’Etat de la CEDEAO avaient le 10 juillet 2014 donné leur approbation définitive à l’APE, en négociation depuis septembre 2003. Or, les pays de l’Afrique de l’ouest dépendent beaucoup des recettes douanières qui constituent pour de nombreux pays une part importante des recettes budgétaires.
Loin de faire l'unanimité
Seulement, au niveau de cette zone aussi, cette décision est loin de faire l’unanimité. Pour le président de la Commission de la CEDEAO, Marcel Alain de Souza, "la signature d’accords de partenariat économique intérimaires par la Côte d’Ivoire et le Ghana constituerait une menace pour l’intangibilité du Tarif extérieur commun (TEC) dans notre communauté, car la mise en œuvre autorisera à terme l’entrée sur le marché communautaire des produits avec des droits de douane préférentiels, différents de ceux du TEC".
Toujours selon lui, "la conséquence de cette situation aujourd’hui, c’est qu’il va y avoir des tarifs différents dans notre zone, parce que le Ghana et la Côte d’Ivoire vont négocier des tarifs différents pour l’entrée des produits européens sur notre marché et ils vont aussi bénéficier de 100% pour l’entrée de leur produits dans l’UE. Ça fait une cassure dans la solidarité que nous devons maintenir".
Les Africains ont-ils le choix?
Mais au fond, comment tenir tête à l’UE quand on est dépendant financièrement (les institutions sous régionales dépendent en partie du soutien financier de l’UE pour leur besoin de fonctionnement) et militairement (lutte contre les groupes terroristes). En outre, certains dirigeants africains de la région, à l’instar du président ivoirien, sont résolument pour le libre-échange.
Pour les adeptes du libre-échange, les pertes de recettes douanières résultant des APE seront globalement mineures du fait que la période de transition, avec un démantèlement progressif des droits de douane sur 15 ans et parfois plus, permettre aux pays de restructurer leur assiette fiscale. En plus, certains produits dits sensibles peuvent être exclus par les Etats africains, cas des voitures, boissons alcoolisées, etc. En outre, la baisse des droits de douane sur les intrants et les produits intermédiaires importés, peut réduire les coûts de production et donc améliorer la compétitivité des économes locales.
En gros, les APE créent une nouvelle cassure entre pays à revenus intermédiaires et pays mon avancés de la région. En plus, en ouvrant davantage les produits primaires africains au marché de l’UE, on risque de perpétuer encore plus les pays de la région en tant fournisseur de matières premières et importateurs d’intrants et de produits intermédiaires et perpétuer ainsi la sous industrialisation du continent.