Afrique: les 6 ”Champions de la croissance” pour 2017-2018

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Le 15/05/2017 à 10h12, mis à jour le 15/05/2017 à 10h15

La croissance des économies africaines sera relativement faible en 2017 et 2018. Elle sera aussi très hétérogène. Les 6 pays ”Champions de la croissance” africaine enregistreront des taux de croissance annuelle moyenne supérieurs à 6%. Le pétrole et les mines ne font plus recette.

Après 1,4% de croissance en 2016, la croissance des économies d’Afrique subsaharienne sera modérée aussi bien en 2017 qu’en 2018. Selon les toutes dernières prévisions révisées du Fonds monétaire international (FMI), l’Afrique subsaharienne devrait afficher un taux de croissance de 2,6% en 2017 et 3,3% en 2018.

Plusieurs facteurs sont à l’origine de cette révision. Outre les insuffisances des politiques d’ajustement mises en place par les pays touchés par la crise, notamment les pays pétroliers (Nigeria, Angola, Guinée équatoriale), les perspectives de croissance sont aussi impactées par les effets des sécheresses qui ont touché l’Afrique de l’Est, les infestations parasitaires (chenilles qui ont ravagé les récoltes en Afrique de l’est et australe), les problèmes de sécurité en Afrique de l'ouest et au Sahel notamment, l’insécurité alimentaire résultant de ces différents facteurs et l’environnement extérieur qui reste encore peu favorable.

Toutefois, un certain nombre de pays africains ont bénéficié de l’impact du bas niveau des cours de pétrole. Cela a été particulièrement positif pour les pays africains non producteurs de pétrole. Pour preuve, parmi les 10 pays africains qui enregistrent les plus forts taux de croissance, il n’y a aucun grand producteur de pétrole.

Autre enseignement à tirer des nouvelles prévisions du FMI: la croissance africaine n’est plus tirée essentiellement par les pays de l’Est du continent. L’Afrique de l’ouest tend à devenir un moteur de la croissance africaine. La Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Ghana, le Burkina Faso et le Mali figurent parmi les 10 premières croissances du continent en 2017 et 2018. D’ailleurs, l’UEMOA est le regroupement régional qui enregistre les meilleures prévisions de croissance, avec une moyenne de 6,2% entre 2016 et 2018.

Ethiopie: la locomotive depuis plus d’une décennie

Train reliant l'Ethiopie à Djibouti.

La dynamique économique éthiopienne devrait connaître une certaine décélération. Après 10,08% de taux de croissance annuelle moyenne (TCAM) sur la période 2011-2015, le pays devrait enregistrer un TCAM de l’ordre de 7,7% sur la période 2016-2018. Cette décélération, liée notamment à la sévère sècheresse qui sévit dans cette région, n’empêche pas le pays de continuer à trôner au sommet des pays les plus dynamiques au niveau du continent.

Non producteur de pétrole, l’Ethiopie continuera à afficher des taux de croissance élevés, grâce notamment à son agriculture et aux investissements dans les infrastructures de base.

Un certain nombre de projets et d’infrastructures (barrages hydroélectriques, routes, chemins de fer, etc.) devraient ainsi entretenir cette dynamique. C’est le cas du train reliant Addis-Abeba à Djibouti, inauguré l’année dernière, et qui contribue au désenclavement du pays en réduisant les temps de livraison (12h contre 3 à 4 jours par camion) avec un impact socio-économique indéniable.

Outre ce train électrique transnational, l’Ethiopie devrait enregistrer très prochainement l’inauguration du grand barrage de la Renaissance doté d’une capacité de production électrique de 6.450 MW. Il permettra d’accroître le taux d’électrification du pays, faire face à la demande de l’industrie éthiopienne en pleine croissance et surtout générer des devises avec des exportations d’électricité vers les pays de la région (Soudan, Soudan du Sud, Kenya, Tanzanie, etc.).

Enfin, la réalisation par l’OCP d’une unité de production d’engrais de 1,1 million de tonnes de m3 d’urée et 1,5 million de tonnes m3 d’engrais pour un montant de 2,5 milliards de dollars, devrait contribuer au développement de l’agriculture éthiopienne, un pays qui importe actuellement 1 million de tonnes d’engrais par an.

Bref, l’Ethiopie continuera encore à être une des locomotives de la croissance en Afrique. Toutefois, les tensions sociales entre les différentes communautés du pays et la répartition inégale des ressources constituent des limites à la dynamique de croissance que connaît le pays depuis plus d’une décennie.

Côte d’Ivoire: un miracle fragile

cacao

En Côte d’Ivoire, le retour à la paix a été synonyme d’une croissance retrouvée. Après un taux de l’ordre de 9,2% en moyenne annuelle entre 2011 et 2015, la Côte d’Ivoire, après une croissance de 7,5% en 2016, devrait enregistrer un taux de l’ordre de 6,9 % en 2017 et 7,2% en 2018.

Comme c’est le cas pour l’Ethiopie, la croissance ivoirienne sera tire par le secteur agricole : cacao, anacarde, café, banane, etc.

En outre, le pays bénéficie de l’effet positif des investissements dans les infrastructures (routes, autoroutes, ports, chemin de fer, barrages hydroélectriques, centrales électriques, etc.). Le retour de la paix s’est traduit aussi par le retour des multinationales et l’implantation de plusieurs filiales d’entreprises étrangères dans ce qui constitue la première économie de la zone de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). 

Pour les années à venir, l’économie ivoirienne devra réduire sa dépendance vis-à-vis des produits agricoles, grâce à l’industrialisation où l'accent est mis sur la transformation des produits agricoles (cacao et anacarde notamment).

De même, la croissance devrait bénéficier de l’impact des investissements du Plan national de développement 2016-2020, doté d'une enveloppe de 50 milliards de dollars, et devant contribuer à l’industrialisation du pays.

Reste que le miracle ivoirien demeure fragile, car l'économie est trop dépendante du cacao. La chute de 30% du cours de la fève d cacao aura un impact négatif sur les recettes, de l’ordre de 43,4 milliards de francs CFA cette année, poussant l’Etat à revoir à la baisse son budget de 9%. En outre, les tensions liées notamment aux mutineries de soldats et des revendications sociales risquent de peser sur les budgets de l’investissement de l’Etat ivoirien et ralentir la croissance.

Sénégal: l’agriculture et le PSE

Selon les nouvelles prévisions du FMI, le Sénégal, après une croissance de l’ordre de 6,6% en 2016, devrait enregistrer un taux l’ordre de 6,8% en 2017 et 7,0% en 2018.

Le Sénégal tire sa croissance de sa stabilité politique, des bonnes performances de son secteur agricole grâce aux soutiens de l’Etat, notamment au niveau de la riziculture pour laquelle l’Etat sénégalais vise l’autosuffisance alimentaire, l’arachide et l’horticulture.

La croissance devrait aussi et surtout être tirée par le Plan Sénégal émergent (PSE) et ses investissements dans les infrastructures: aéroport, autoroutes, chemin de fer, centrales électriques, routes, etc.

Les investissements dans la production électrique ont permis, au cours de ces deux dernières années, de réduire considérablement les coupures de courant et améliorer ainsi l’environnement des affaires.

Pour l’avenir, outre les investissements attendus du PSE dont le Train express régional (TER) de 867 millions d’euros, les autoroutes et les investissements dans l’agriculture, le Sénégal se prépare déjà pour l’après 2021 et les premières exploitations des ressources importantes en pétrole et gaz découvertes le long de son littoral et à la frontière maritime avec la Mauritanie.

Reste qu’à l’instar des autres pays africains, la redistribution des richesses générées par la croissance forte enregistrée au cours de ces dernières années tarde à se faire sentir sur la population. Le niveau de chômage des jeunes demeure encore très élevé.

Tanzanie: un potentiel encore non exploité

Tanzanie

Le FMI a revu à la baisse les taux de croissance de la Tanzanie, tenant compte de la conjoncture économique mondiale difficile et de la sécheresse qui prévaut au niveau de l’Afrique de l’est. Ainsi, après une croissance de 6,6% enregistrée en 2016, le FMI table désormais sur des croissances de l’ordre de 6,8% en 2017e et 6,9% en 2018.

A l’instar de son voisin éthiopien, la croissance tanzanienne est tirée par le secteur agricole (coton, café, etc.) et les services (tourisme, télécommunication, finance, etc.).

Pour l’avenir, outre l’impact des découvertes de pétrole et de gaz qui attirent de plus en plus d’investisseurs, le pays peut compter sur son potentiel minier très faiblement exploité. Le pays est le 4e producteur d’or du continent.

La croissance du pays reste freinée par le faible accès à l’électricité. De même, la faible productivité agricole atténue l’apport du potentiel agricole de la Tanzanie qui bénéficie des terres arables et des cours d’eau importants.

La relance de la croissance pourrait bénéficier aussi des importants investissements chinois attendus et visant à dynamiser le secteur industriel du pays. Il est ainsi prévu la création de 200 unités industrielles avec à la clé la création de 200.000 emplois.

Ghana: la reprise annoncée

Après une période difficile liée à la chute des cours du baril de pétrole, l’économie ghanéenne se reprend. En 2016, elle a affiché une croissance de l’ordre de 4% et le FMI table sur des croissances de l’ordre de 5,8% en 2017 et 9,2% en 2018.

Outre le changement de régime, avec l’élection d’un nouveau président qui envisage de lutter efficacement contre la corruption et avec le soutien des institutions financières internationales, le pays compte sur la relance de son agriculture, notamment la reprise de la filière de cacao, et la remontée des cours du baril de pétrole. Le pays devrait aussi bénéficier du programme d’investissement dans les infrastructures (ports, autoroutes, routes, énergie, etc.). De même, le secteur minier devrait connaître une nouvelle dynamique grâce aux importants investissements prévus.

Pour l’avenir, outre l’ancrage démocratique exemplaire du Ghana, la croissance locale dépendra beaucoup de la hausse de la production pétrolière, du niveau des cours de l’or noir et du succès de la relance des secteurs agricoles et miniers.

Reste qu’à l’instar des autres pays du continent, la redistribution des fruits de la croissance est un gros problème au Ghana. Cela d’autant plus que le taux d’urbanisation, l’un des plus élevés du continent implique d’importants investissements dans les infrastructures de base (école, hôpitaux, universités, eau et assainissement, électricité, etc.).

Le Rwanda: les services comme locomotive

Le Rwanda est, depuis presque une décennie, l'une des économies les plus dynamiques du continent, malgré son enclavement et l’absence de ressources pétrolières et minières. Le pays a réalisé une croissance de 5,9% en 2016 et devrait afficher une croissance de 6,1% en 2017 et 6,8% en 2018.

La croissance sera tirée par les services (NTI, finance, tourisme, etc.) qui pèsent 46% du PIB, l’agriculture (thé, café, etc.) qui représente environ 33% du PIB et l’industrie (15% du PIB). Le pays table aussi sur une bonne évolution des exportations agricoles, notamment le café et le thé, ainsi que la montée de la production manufacturière locale suite au lancement du programme ”Made in Rwanda”.

Par ailleurs, le Rwanda poursuit le développement de ses infrastructures de base. Outre le chemin de fer devant relier le pays à la Tanzanie et au Kenya pour le désenclaver davantage, l’année en cours devrait être marquée par le lancement du nouvel aéroport de Kigali d’une capacité de 1,8 million de voyageurs par an.

De même, des investissements sont réalisés pour accroître la production d’énergie et faire face aux besoins d’industrialisation du pays.

Par Moussa Diop
Le 15/05/2017 à 10h12, mis à jour le 15/05/2017 à 10h15