Crise en Ukraine: la Banque mondiale baisse ses prévisions de croissance pour l'Afrique subsaharienne

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Le 10/06/2022 à 16h14, mis à jour le 10/06/2022 à 16h24

La guerre Russie-Ukraine aura des impacts négatifs sur la croissance des économies d’Afrique subsaharienne. C’est ce qui ressort du rapport de la Banque mondiale du mois de juin 2022 qui a revu à la baisse les perspectives de croissance du continent.

Après le rebond de 2021, l’économie africaine sera durement affectée par la guerre Russie-Ukraine, qui pèse sur les prix des matières premières, notamment les hydrocarbures et les produits agricoles dont le continent est fortement dépendant.

Face à cette nouvelle donne, la Banque mondiale (BM) a revu à la baisse ses prévisions de croissance pour les économies d’Afrique subsaharienne dans son dernier rapport. Désormais, l’institution ne table plus que sur une croissance de l’ordre de 3,3% en 2022 et 3,4% en 2023 (contre respectivement 3,7% et 3,8% auparavant). La crise sanitaire du Covid-19 et la guerre Russie-Ukraine vont impacter négativement l’économie mondiale, et plus particulièrement les fragiles économies africaines. «L’économie mondiale devrait connaître sa plus forte décélération suivant une reprise (…) en plus de 80 ans», souligne la BM dans son rapport sur les perspectives économiques mondiales du mois de juin. Pire, l’institution alerte sur les risques d’une «stagflation», c’est-à-dire une «période prolongée de croissance faible et d’inflation élevée».

La raison est que de nombreux pays du continent sont fortement impactés par la forte inflation, notamment au niveau des produits alimentaires, qui érode les revenus réels, la déprime de la demande à cause notamment de la forte hausse des prix, l’augmentation du nombre de pauvres après deux années de crise liée à la pandémie de Covid-19, l’inflation actuelle, etc. L’agriculture africaine, en particulier, sera durement affectée par la flambée des prix des fertilisants que la crise russo-ukrainienne a aggravée.

La révision à la baisse des perspectives de croissance concerne presque tous les pays africains. Parmi les exception, le Rwanda devrait afficher la plus forte croissance du PIB au niveau du continent avec une progression de 6,8%, contre 10,9% en 2021 et une prévision établie par la BM en janvier dernier de 7,1%. La République démocratique du Congo (6,0%), le Bénin (5,9%), l’ile Maurice (5,9%), la Côte d’Ivoire (5,7%), la Gambie (5,6%), le Kenya (5,5%), le Ghana (5,5%), le Cap-Vert (5,5%) et la Tanzanie (5,3%) vont aussi réaliser de bonnes performances, mais en deça des prévisions attendues.

D’autres pays seront plus affectés. C’est le cas du Niger, qui devait réaliser, selon les prévisions de janvier dernier, des croissances de l’ordre de 6,2% en 2022 et 9,4% en 2023. Mais la BM prédit désormais des croissances de 5,2% en 2022 et 7,1% en 2023, et ce, malgré le fait que ce pays sahélien soit producteur de pétrole. Le Sénégal devait aussi réaliser des croissances de l’ordre de 5,5% en 2022 et 9,2% en 2023 selon les premières prévisions, revues à la baisse à 4,4% en 2022 et 8,5% en 2023.

D'autre part, certains pays africains devraient bénéficier des prix élevés des produits de certaines matières premières, notamment les exportateurs d’hydrocarbures qui bénéficient d’un cours de baril de pétrole au-dessus de la barre des 100 dollars. Ce qui va impacter très positivement leurs recettes d’exportation et leur assurer davantage de recettes fiscales. C’est le cas du Nigeria, première économie et premier producteur de pétrole du continent, qui devrait voir son PIB croître de 3,4% en 2022, après un rebond de 3,6% en 2021. L’Angola aussi est concerné, en passe de réaliser sa plus forte croissance de ces dernières années avec un PIB en hausse de 3,1% en 2022, contre 0,7% en 2021 et -5,2% en 2020. Idem pour le Congo et le Gabon qui devraient enregistrer des croissances respectives de l’ordre de 3,5% et 3,3% cette année.

Ces pays demeurent toutefois handicapés par les importations de produits alimentaires et même des importations de produits pétroliers raffinés faute de raffineries à même de combler la demande nationale en carburants. Une situation qui atténue fortement l’impact de la hausse des cours des hydrocarbures, les pays devant consacrer une bonne partie des recettes d’exportation de leur pétrole brut à l’importation de produits raffinés. Un exemple parlant est celui du Nigeria, qui a consacré plus de 9 milliards de dollars à l’importation de carburants en 2021. Et cette facture devrait fortement augmenter cette année avec la hausse des cours du pétrole et donc des produits raffinés ainsi que la hausse du fret maritime.

Au niveau mondial, la croissance devrait chuter de presque de moitié, soit de 5,7% en 2021 à 2,9% en 2022, alors qu’en janvier dernier, l’institution prévoyait une évolution de l’ordre de 4,1%. Et la situation risque de s’aggraver durant le second semestre. Le cours du baril de pétrole se situe en effet à 120 dollars actuellement, avec des impacts négatifs sur les nombreux pays importateurs de pétrole et de carburants. Dans la même veine, l’impact du prix des carburants devrait fortement impacter les prix des produits importés et fabriqués localement à cause de la hausse des coûts de l’énergie et des transports, aggravant une inflation déjà galopante dans de nombreux pays du continent qui font face à des pénuries de certains produits alimentaires. Et en tenant compte des fragilités financières de nombreux pays africains pour faire face à la crise, il est fort probable que les perspectives de croissance soient encore revues à la baisse d’ici la fin de l’année.

Par Moussa Diop
Le 10/06/2022 à 16h14, mis à jour le 10/06/2022 à 16h24