La volonté du gouvernement ivoirien de labelliser l'attiéké tarde à se concrétiser six ans après avoir fait cette annonce. En effet, c'était le 3 août 2016 en conseil des ministres que les dirigeants ont émis le souhait de protéger juridiquement huit produits locaux dont l'attiéké, couscous traditionnel "Made in Côte d’Ivoire".
Ce mets à base de semoule de manioc est très apprécié dans le pays et au-delà de ses frontières. Il fait partie de l'identité culturelle et culinaire ivoirienne. Selon les autorités, le labelliser c'est le protéger contre la concurrence déloyale et augmenter la valeur ajoutée pour un meilleur positionnement du produit sur le marché. Nous sommes désormais en 2022 mais la labellisation n'est pas encore effective et cela inquiète certains Ivoiriens.
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«Il faut que l’Etat accélère les choses pour protéger l'attiéké, pour que l'attiéké soit la propriété privée de la Côte d’Ivoire, sinon dans quelques années on n'aura que des regrets quand d'autres pays nous voleront la vedette. Je demande même à l’Unesco de se saisir de la question pour inscrire l'attiéké à son patrimoine mondial», déclare Severin Nangu Djorogo, un consommateur d'attiéké.
L'annonce de la labellisation a également suscité beaucoup d'espoir chez de nombreux jeunes entrepreneurs ivoiriens. C'est le cas de Mohamed Diaby, qui dirige depuis 2017 une entreprise spécialisée dans la transformation du manioc en divers produits dont l'attiéké. Avec sa marque zeguen by zatwa, il exporte le plat ivoirien le plus connu dans le monde, vers le Canada, les Etats-Unis, l’Europe et bien d'autres pays africains. Sa marque est donc l'une des ambassadrices de l'attiéké à l'international mais, selon lui, la lourdeur de la procédure de labellisation est un frein pour le développement de ses activités.
«Aujourd’hui, nous sommes toujours dans l’attente de cette labellisation, comme vous le savez c’est un long processus mais il est un ralentissement pour nous parce qu’on aimerait faire encore plus et il y a beaucoup et beaucoup à faire pour promouvoir l'attiéké», soutient le jeune entrepreneur Mohamed Diaby.
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Piloté par l’Office ivoirien de la Propriété intellectuelle (OIPI), le projet national de labellisation a été officiellement lancé en 2019. Une enveloppe de 100 millions fcfa a été mise à disposition pour mener à bien le processus.
Et pour l'attiéké, la Côte d’Ivoire a opté pour le label indication géographique. Il s'agit de mettre en exergue la qualité du produit liée à son origine de production grâce à des liens historiques. Ce qui a permis de distinguer plusieurs qualités d'attiéké dans le pays. Mais la qualité supérieure est celle des lagunes, c'est-à-dire l'attiéké produit dans les zones d’Abidjan, de Dabou, de Grand-Lahou et de Jacqueville, au sud de la Côte d’Ivoire. A en croire les autorités ivoiriennes, c'est donc l'attiéké des lagunes de Côte d’Ivoire qui a été finalement retenu pour être labellisé et le dossier a été transmis à l'Office africain de la protection intellectuelle (OAPI) pour la suite de la procédure.
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«Le gouvernement a pris le sujet à bras le corps mais, comme vous le constatez, ce sont des procédures souvent assez longues car il y a plusieurs structures qui interviennent aux plans national et africain. Cependant, il est important de parachever ce processus parce qu’il y va de l’image de la Côte d’Ivoire et du produit, c’est-à-dire de l’image de l'attiéké», affirme Jean Baptiste Koffi, président de la confédération des organisateurs de consommateurs de Côte d’Ivoire.
En rappel, le manioc représente 12% du PIB agricole, soit 2,8% du PIB national, et les femmes font 90% de la chaîne de valeur de la transformation du manioc surtout en attiéké, d'après les autorités ivoiriennes. La Chine occupe le premier rang dans la commercialisation de l'attiéké, un mets made in Côte d’Ivoire.