Pour le nouvel arrivant en Côte d’Ivoire, une fois à l’aéroport d’Abidjan, il faut humer à plein poumon l’humeur de la ville. Si vous n’avez pas d’«asso» (ou ami intime) pour vous accueillir, pas de soucis. Vous verrez des «gon-mon» ou policiers qui sont «kalé comme Kalé Grégoire» (dans les parages) pour vous rassurer. Il ne vous reste plus qu'à «sassa» une fois sorti du hall pour «écraser une tomate» ou si vous voulez emprunter un taxi compteur (ou un «warren»). Dès lors selon votre langage ou vos yeux tiraillés par moult émotions (que nous espérons agréables), vous pourriez être susceptible de présenter le profil du parfait «gaou» ou «gbraizo» (étranger, dépaysé, nono) que le chauffeur essaiera de «mougou tapé» ou abuser avec un tarif exorbitant.
S’adresser au chauffeur en utilisant les termes «djo» ou «champion» pour faire l’habitué de la capitale. Pour une destination comme le Plateau (le centre des affaires) négocier 3 "krika" ou 3 mille francs CFA. Mais il va falloir lui demander de «sciencer en pro», c’est-à-dire être compréhensif. En cas d’accord, il vous répondra «y a pas drap». Alors, il faut se "poca" (s’assoir) à l'arrière et veiller à faire monter les vitres pour éviter les «deballouseur» ou pick pocket.
Direction le cœur de la capitale, certainement à vive allure. Interpellez-le «champion» : «il faut blai-blai (aller doucement) s’il te plaît». S’il essaie de se «fongnon» (ou faire le malin), vous pourriez même «panpan sur lui» (élever un peu la voix), mais pas sûr que ce soit nécessaire.
Pour faire la causerie, lancez-lui : «C’est «como» à Abidjan» (pour avoir les nouvelles de la ville) et l’amener à «kouman» (lui arracher une conversation). Il pourra vous appeler «le boss» ou «mon vié» en signe de respect. Une fois à destination, il peut arriver qu’il vous dise «mon viée, voilà ton fils». Ici ce sera pour demander un «gouassou» ou pourboire. Vous pourriez à votre convenance lui donner des «gbrin-gbrin» (quelques pièces) ou un gbaissai (500 francs), voire plus.
Ce langage peut paraître étrange pour qui n’a jamais mis les pieds dans la capitale ivoirienne mais ici, c’est le langage habituel dans les rues. Argot inspiré et crée au départ par des marginaux (enfants de la rue, drogués, voyous) et destiné à servir de code pour couvrir leurs activités peu recommandables, le nouchi a innervé tout le corps social ivoirien.
Manque de reconnaissance
C’est en 1986, selon le site spécialisé nouchi.com, qu’il fait l’objet d’un premier article de presse avant de s’imposer progressivement comme style d'expression populaire. Mais sa particularité est de pouvoir se réinventer constamment pour rester toujours attrayant pour les jeunes générations.
Régulièrement utilisé dans différents styles musicaux (zouglou, coupé décalé, hip hop), il fait l’objet d’émissions radio et dispose d’avocats affichés tels l'artiste Nash.
A la différence d’autres pays, la Côte d’Ivoire dispose officiellement d’une soixantaine d’ethnies et pour nombres d’intellectuels, le nouchi mériterait à être mieux promu comme langue nationale a l’image du wolof au Sénégal par exemple.
D’ailleurs, soutiennent-t-ils, les Ivoiriens sont plus enclins à s’exprimer en nouchi qu'à parler les ethnies locales qui suscitent de moins en moins d'engouement. Mais la requête n’a jusque-là pas trouvé un échos favorable auprès des autorités. C’est peut-être parce qu’il vient des quartiers populaires, au bas de la société, fustigent des internautes.