Côte d’Ivoire–Grève des fonctionnaires: dans les hôpitaux, la détresse des patients

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Le 26/01/2017 à 12h10

Cela fait bientôt trois semaines que la Côte d’Ivoire vit au rythme de la grève des fonctionnaires. Ecoles et services publics sont fermés. Les hôpitaux tournent au ralenti, au grand désarroi des patients et au profit des cliniques privées.

Depuis trois jours, Karidja Sangaré, la cinquantaine, commerçante de son état, multiplie ses déplacements à l’hôpital général de Yopougon (nord d’Abidjan). «Je peux venu ici à trois reprises, mais les soignants traînent les pieds. Ils me disent qu’ils ont déjà reçu le nombre limite de patients de la journée et ne peuvent plus rien faire», se lamente cette mère de famille.

Alertée par des courbatures et des douleurs persistantes, Karidja veut réaliser des examens poussés pour diagnostiquer son mal et se soigner au plus vite, mais se heurte à l’intransigeance du personnel soignant, en grève depuis bientôt trois semaines et qui assure un service minimum, tout aussi minimum. «Je vois d’autres malades se diriger vers des cliniques. Moi je n’ai pas ces moyens», affirme-t-elle, désemparée.

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L’hôpital public est en effet la seule alternative d’offre de soins pour la grande majorité des Ivoiriens et ces officines, d’ordinaire bondées de monde, sont presque désertes. «Mon fils de 3 ans est malade, ici au moins je peux avoir un traitement gratuit contre le paludisme, mais personne ne veut s’occuper de mon enfant», se plaint Jeanne, la mine renfrognée a l’entrée du centre.

Du côté du personnel soignant, l’on feint l’indifférence. «Nous assurons vraiment le service minimum, uniquement les urgences», nous lance sur un ton sec l’infirmier major Yao Venance.

Selon nos informations, seuls les malades hospitalisés avant le début de la grève bénéficient de la «générosité» du personnel. Même les urgences marchent au ralenti vu que le personnel ne se presse pas pour assurer le service. Selon certaines sources, des personnes seraient décédées du fait de cette situation, mais l’information n’a encore rien d’officiel.

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Comment font alors les Ivoiriens? C’est plutôt la ruée vers les cliniques privées, qui se frottent les mains sans le dire. «Ce qui est sûr, c'est que les gens viennent nombreux depuis cette grève-là», reconnaît un vigile à l’entrée de la clinique Mont Carmel, toujours dans cette commune d’Abidjan. Il faut débourser ici 5.000 francs CFA, soit 7,6 euros, pour une consultation. «Les mêmes qui refusent de nous soigner dans les hôpitaux publics viennent pourtant ici se faire de l’argent. Est-ce normal?», s'interroge un patient, informé de notre présence.

«Nous menons la lutte en toute solidarité. Certes, cela peut affecter certains d’entre nous, selon les différents secteurs d’activité, mais nous attendons que le gouvernement accorde une oreille attentive aux problèmes des fonctionnaires», soutient pour sa part Oro, fonctionnaire également en grève, venu pour des soins. «Nous sommes tous révoltés contre cette décision d’accorder des avantages à des soldats parce qu’ils ont des fusils, alors que depuis deux ans, j’ai obtenu un avancement indiciaire de 150 points dont je ne perçois pas les effets financiers. Il faut bien qu’on trouve le moyen de se faire entendre nous aussi», fulmine-t-il.

Ce mercredi, malgré l’appel des organisations syndicales pour la reprise du travail, les fonctionnaires semblent encore traîner des pieds. Aussi le gouvernement menace-t-il de de considérer les absences comme illégales et d’en tirer les conséquences. Reste à savoir s’il sera entendu.

Par Georges Moihet (Abidjan, correspondance)
Le 26/01/2017 à 12h10