Dès son jeune âge, Coulibaly Abdoulaye s’intéresse au tissage, un art qu’il a appris au fil du temps en observant son père, «chez nous à Ouaraniènè, le tissage est plus qu’un métier, c’est une tradition qui se transmet de génération en génération. Mon père m’a appris à respecter le coton, du champ jusqu’à la pièce finale», raconte-t-il.
Cependant, cette passion n’était pas un choix initial. Après avoir arrêté l’école très tôt, Abdoulaye s’est tourné vers l’artisanat comme solution grâce auquel il tire aujourd’hui l’essentiel de ses revenus pour subvenir aux besoins de familles. «L’école n’a pas marché pour moi mais m’a permis d’acquérir de la connaissance qui me permet de m’exprimer... Il fallait bien que je puisse me réinventer. Je me suis donc mis au tissage. Aujourd’hui, je ne m’en plains pas. Parce que plusieurs se disent n’y pas de rentabilité dans ce métier, surtout dans la filature», se réjouit-il.
Désormais maitre tisserand, Coulibaly Abdoulaye ne se contente pas de transformer le coton en étoffes. Il maîtrise à la perfection tout le processus, de la culture du coton à sa transformation en pagnes traditionnels. «Je peux mettre un mois pour confectionner un bon pagne. Il est important pour moi de comprendre et de contrôler chaque étape, car cela garantit la qualité des produits. Je ne confectionne divers articles notamment les tenues, nappe de table, sacs et bien d’autres objets», explique-t-il.
Son engagement dans chaque phase du travail lui permet non seulement de valoriser les ressources locales, mais aussi de préserver un savoir-faire artisanal qui tend à se perdre face aux textiles industriels.
Le maitre Coulibaly Abdoulaye, l’un des gardiens de cet art ancestral de tissage sénoufo, à l'oeuvre.. le360 Afrique/djidja
Le chemin vers le succès n’étant pas toujours sans défis dans tout domaine d’activité. Abdoulaye a et continue d’essuyer des difficultés dans son parcours pour lesquelles il s’arme de courage pour les surmonter. Car comme raconte-t-il, «les difficultés, il y en a toujours. On manque de grand magasin où nous pouvons stocker nos produits. On est donc obligé à chaque fois de recourir aux usines pour obtenir les fils. Ce qui impacte notre travail. Il y a eu des moments où je ne pouvais même pas honorer les commandes à cause du manque de matière première. Et cela a des répercussions indéniables sur les coûts», confie-t-il.
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A côté de cela faut-il ajouter la concurrence sur le marché, où les tissus industriels, souvent moins chers, attirent de nombreux consommateurs. Malgré cela, il n’a jamais baissé les bras, convaincu que la qualité et l’authenticité de son travail finiraient par payer.
Instruments, matériels de travail, tout est fait de manière artisanale, un chef-d’œuvre qui mérite l’accompagne des autorités qu’elles soient locales ou étatiques. Coulibaly Abdoulaye a l’ambition de faire perpétuer ce savoir-faire hérité de ses parents. Il rêve de construire un grand magasin qui ferait office d’atelier et de centre de formation pour les jeunes. Ce projet, cependant, nécessite des moyens financiers et logistiques qu’il ne possède pas encore. «Je veux former une relève. Il est important que ce savoir-faire ne disparaisse pas. Les jeunes doivent comprendre qu’il y a un avenir dans l’artisanat, s’ils s’investissent», explique-t-il.
Et d’ajouter, «nous essayons pour notre part de former les jeunes qui sont la relève de demain. Nous avons initié une coopération au village, au sein de laquelle ces jeunes gens viennent apprendre nous dispensons. Et avec l’aide du conseil du coton-anacarde, nous essayons de mobiliser ces jeunes-gens afin de les amener à la transformation du fil local pour qu’on ait toujours des pagnes locaux pour nos cérémonies. Nous avons besoin de soutien pour moderniser nos outils, avoir des locaux adaptés et former les jeunes. L’artisanat peut devenir un levier de développement pour nos régions. Il serait donc important que nos autorités nous viennent également aide afin de pouvoir atteindre cette ambition qui, pour nous est noble», plaide-t-il.
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Le maître-tisserand ne manque pas d’inviter l’ensemble des populations à visiter son lieu de travail où chacun peut s’approvisionner dans l’objectif de contribuer à la promotion de ces articles authentiques faits main. «J’invite tout le monde aussi bien Ivoiriens comme touristes à nous visiter le village des tisserands à Korhogo pour se procurer de nos beaux pagnes faits à la main, mais remplis de tradition de culture», conclu-t-il.
En attendant, il continue de tisser avec la même passion et la même rigueur le fil de coton à Ouaraniènè, montrant par son parcours qu’avec du travail et de la persévérance, il est possible de transformer un héritage familial en une véritable réussite personnelle et culturelle.
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Pour sa part, l’État ne ménage aucun pour accompagner ses braves artisans, ses tisserands qui par leurs œuvres ne cessent de faire la promotion du made-in Côte d’Ivoire, à travers l’organisation de forums, salon, des journées et bien d’autres activités afin de donner un espaces à ces créateurs de faire connaître leur savoir-faire, tel est le cas des «Journées nationales du producteur du Coton et de l’Anacarde» (JNPCA), qui nous permis de découvrir ce maître tisserand qui aujourd’hui fait la fierté de la Côte d’Ivoire profonde.
En Côte d’Ivoire, la filière coton a enregistré une production de 347.922 tonnes pour la campagne 2023-2024 contre 236.186 tonnes en 2022-2023.