Côte d’Ivoire: quand le pardon et la solidarité prennent des couleurs sacrées, c’est l’Abissa du peuple N’zima

Le festival de l’Abissa du peuple N’zima.

Le 31/10/2024 à 15h06

VidéoDe la fin octobre au début novembre, Grand-Bassam vit au rythme des tambours et des danses du peuple N’zima qui célèbre la nouvelle année. L’Abissa, ancrée dans la culture de ce peuple met à l’honneur les vertus du pardon et de la solidarité. Des qualités qui ont permis à ce peuple de traverser les siècles sans perdre une ride de leurs croyances.

Fête traditionnelle du peuple N’zima pour célébrer la nouvelle année, l’Abissa se déroule dans les villes de Grand-Bassam, première capitale du pays, Tiapoum ainsi que dans les villages de Nouamou, N’guiémé et Eboinda. Une célébration qui trouve ses origine dans la culture ancestrale. Cet événement qui dure plusieurs jours dans la ville balnéaire de Grand-Bassam, incarne l’identité culturelle des N’zima, et est une occasion de rassembler les communautés autour de leurs valeurs et croyance.

La fête débute par une cérémonie marquée par le retentissement des tambours sacrés. C’est ensuite «la danse des chefs», une cérémonie au cours de laquelle les chefs de chaque clan N’zima se retrouvent pour recevoir les bénédictions et demander aux ancêtres paix et prospérité pour la communauté. Cette année c’est la Reine mère qui a esquissé les premiers pas de danse au son du tambour au palais royal de Grand-Bassam.

Chaque jour, des moments forts sont organisés, parmi lesquels le défilé de la population, habillée de costumes traditionnels aux couleurs vives et maquillée, symbolisant l’identité et la fierté culturelle N’zima. Pendant ces festivités les hommes peuvent s’habiller en femme et les femmes en homme son complexe.

Durant cette période, tout individu issu d’une des sept familles, notamment les N’Vavilé (famille détentrice de l’Abissa), les Mafole, les Allôwoba ou les N’Djaoufo, doit se débarrasser de toute haine et rancœur pour se laisser emporter par la gaieté.

L’Abissa est une période offerte à tous ceux qui ont commis des fautes graves afin de se repentir publiquement et d’obtenir le pardon du peuple. Les bonnes actions sont également célébrées publiquement. Garçons et filles N’zima exemplaires sont honorés solennellement.

C’est un grand moment de libération de la parole sans risque de châtiments de la communauté. Des affaires mal tranchées au problème de leadership politique entre des fils et filles de la région en passant par des difficultés internes au bon fonctionnement de la communauté, tous les sujets sont abordés et les fautes sont dénoncées. Les mis en cause sont nommément cités.

Celui qui fait l’objet de critiques, qu’il soit roi, chef, dirigent ou gouvernant pour des actions jugées regrettables doit les accepter, se repentir et présenter ses excuses afin qu’il soit pardonné. Pendant cet exercice, le roi devient un citoyen ordinaire, l’Abissa autorise les sujets à le critiquer publiquement en chanson. Cette étape non moins importante est appelée, «la critique sociale.»

«Nous en avons profité pour dire nos vérités au roi sur les faits qui se sont déroulés durant l’année écoulée pour lesquels il n’a pas réagi alors qu’il avait été mis au courant», témoigne un chef de village au micro de Le360 Afrique.

Une forte délégation de peuples voisins et de touristes sont venus des quatre coins du pays pour prendre part aux festivités. Pour la jeunesse il est important d’y prendre une part active afin d’incarner les valeurs intrinsèques de cette célébration. «l’Abissa est très important pour la tradition apollonienne. Nos parents l’ont célébré avant notre naissance et aujourd’hui nous nous y mettons car nous sommes la relève de cette fête», explique Boha Yannick, danseur du clan Atchuim Kouassi.

Véritable ode à la culture ivoirienne, l’Abissa ne se limite pas à un simple spectacle, mais illustre également la manière avec laquelle une communauté peut utiliser la tradition pour maintenir des liens solides. En tant que témoin de l’histoire et de la mémoire des N’zima, l’Abissa devient alors le point d’union entre passé et présent, permettant à chaque génération de se réapproprier son identité culturelle. Ouverte le 27 octobre dernier, les festivités se poursuivent jusqu’au 3 novembre prochain.

Par Emmanuel Djidja (Abidjan, correspondance)
Le 31/10/2024 à 15h06