D’enfant des rues à ébéniste, de peintre à chef d’entreprise: les traits singuliers de l’Ivoirien Koffi Guy

Une oeuvre de l'artiste peintre Koffi Guy.

Le 21/06/2024 à 11h38

VidéoIl fait partie des rares artistes ivoiriens qui parviennent à marquer de leur empreinte les esprits et les cœurs. Ébéniste de sa formation, Koffi Guy qui a su se réinventer en se convertissant en artiste peintre, est aujourd’hui une figure connue du paysage artistique ivoirien.

C’est dans les années 1980 que Koffi Kouadio Guy débute sa carrière de menuisier et ébéniste, un métier qu’il a exercé pendant près de deux décennies. Travaillant avec minutie le bois, il a su créer des meubles remarquables. Ses œuvres, appréciées pour leur finition et leur esthétique, témoignaient de son sens artistique. «J’ai fait mes premiers pas dans l’artisanat en 1986. D’abord comme menuisier-ébéniste, ensuite par passion pour l’art, je me suis mis à l’apprentissage de la sculpture. Mais quant à la peinture, je m’y suis mis de manière autodidacte. Bien-sûr que dans la foulé, j’ai côtoyé de personnes de renoms, mais cela est venu naturellement», relate l’artiste.

Cependant, le début des années 2000 marque un tournant dans la vie de Koffi Guy. Désireux d’explorer de nouvelles formes d’expression, il se lance dans la peinture, une discipline qu’il aborde sans formation académique, mais avec détermination. Aujourd’hui le résultat est perceptible, il fait des prouesses dans ce domaine dans lequel il s’est ingéré par la force des choses.

Désormais bien engagé à la peinture et chef d’entreprise, il produit ses œuvres en s’inspirant de sa vie personnelle passée qui selon était parsemée d’embuches.

«J’ai eu une enfance assez douloureuse, errant dans les rues de Toumodi, ma ville natale jusqu’en 1986 où j’ai eu le déclic. J’ai alors pensé à me former à Abidjan. C’est pour cela que vous allez remarquer que mes tableaux parlent plus de l’enfant, la famille, la vie en communauté… C’est donc cette vie que j’exprime à travers mes œuvres (…). Je peux mettre une semaine, un mois, d’autres peintures vont jusqu’à un an d’exercice selon l’inspiration», confie le peintre.

Devenu aujourd’hui peintre chevronné, il est chef d’entreprise et président régional de la Chambre des métiers de Yamoussoukro. Cette transition n’a pas été sans défis, l’artiste a dû apprendre les techniques picturales, et comprendre les subtilités du métier sur le tas et se faire une place dans un milieu artistique souvent réservé aux diplômés des écoles d’art.

«Tout n’a pas été rose. Partir de la rue, c’est difficile. D’abord les difficultés d’ordre financier: obtenir des prêts pour me lancer était un casse-tête chinois, parce que pour pouvoir réussir, il faut produire à la chaine et en grande quantité. Mais aujourd’hui les choses ne sont plus comme avant», se réjouit-il.

Un parcours inspirant mais toujours pas rose certes, cependant le peintre ne regrette aucunement sa reconversion car selon lui, le métier permet de faire fortune et représente une part non moins importante dans le PIB du pays. «Il suffit de savoir ce qu’on veut et persévérer. Et ça devient passionnant quand on arrive à honorer les rendez-vous, les créances…», dit-il.

De sa casquette de président régional de la chambre des métiers dans la capitale politique ivoirienne, Guy Koffi, jette un regard assez positif sur les métiers artisanaux en Côte d’Ivoire qui pour lui sont en de bonnes voies. «Il y a de plus en plus de jeunes talents qui font la fierté de la Côte d’Ivoire et de l’Afrique. De plus, nous (artisans) représentons 40% de la population active et 12% du PIB du pays. Aujourd’hui on voit dans de grandes boutiques, les œuvres de qualité de maîtres artisans, cela témoigne qu’il y a du potentiel dans le domaine. Et donc c’est à nous de valoriser notre artisanat en consommant localement nos articles (…)», conseille le désigner.

Ainsi dit le peintre compte apporter sa part de contribution à l’édifice. Du haut de sa trentaine d’années de carrière, l’artiste veut laisser un riche héritage à la jeune génération. «Pendant ces 35 ans de métier, c’est ce qu’on a acquis qu’on peut transmettre. A ce jour nous avons formé 120 jeunes qui sont maintenant opérationnels. C’est une fierté pour moi ! Et nous continuerons tant que les moyens nous le permettront», déclare l’artiste avec satisfécit.

L’artisanat représente plus de 40% du tissu économique de la Côte d’Ivoire pour une contribution de 12% au produit intérieur brut.

Par Emmanuel Djidja (Abidjan, correspondance)
Le 21/06/2024 à 11h38