Guinée: les jeunes stylistes-modélistes veulent montrer leurs griffes

Une séance de formation en couture à Conakry, Guinée.

Le 29/09/2025 à 14h56

VidéoDans les ateliers de fortune comme dans les centres de formation, de jeunes couturières et stylistes s’accrochent à leurs rêves, celui de faire reconnaître leur métier porteur de l’identité nationale. Mais l’élégance des vêtements leur donne bien du fil à retordre dans un pays pourtant connu pour ses costumes à la mode depuis des siècles.

Sur ces murs s’accrochent bien plus que des dessins: des rêves, des projets et surtout des efforts pour redonner vie à un secteur en souffrance en Guinée, la couture. Dans cette salle, celles qui étaient couturières de quartier, cherchent aujourd’hui à se perfectionner dans l’art exigeant de la haute couture. Une discipline qui requiert rigueur, patience et créativité.

Le fondateur du centre, Mamadou Saidou Barry, a lui aussi a commencé avec une simple machine placée dans un coin de quartier. Sa reconversion, amorcée après une rencontre avec une créatrice marocaine, lui a donné la conviction qu’au-delà du talent brut, il fallait acquérir un savoir-faire, une discipline et une vision plus globale du métier «je rappelle que je suis devenu styliste grâce à une dame marocaine qui nous a appris le dessin à partir de 2023. Je dois beaucoup au Maroc et aux Marocains».

Ici, on parle de coupes précises, de dessins soignés, d’élégance et d’audace. Les apprenantes s’initient à ce langage de la création, où chaque trait et chaque point de couture portent une histoire. Mais malgré cet enthousiasme, les défis restent immenses. Trop d’étapes essentielles sont encore négligées.

Madjoula Sow, apprenante couturière, confie: «Au début, c’était difficile pour moi. Quand je suis arrivée ici, on m’a demandé de dessiner. C’était la première fois que je dessinais. Je me suis alors posé la question sur mes capacités à dessiner. On m’a appris, et j’ai commencé petit à petit. Maintenant, j’ai appris à tracer et à couper».

Pour Édouard Diakité, expert en couture, dans le lot des problèmes qui freinent la bonne progression de la haute couture figure l’absence d’une production régulière «en Guinée, personne n’a une véritable production, c’est-à-dire une ligne de vêtements. C’est donc une problématique. Le défilé ne rapporte pas d’argent mais sert seulement à se faire connaître, à être vu et connu».

La Guinée, pays riche en talents et en créativité, peine encore à donner à ses couturiers et stylistes la place qu’ils méritent. Leur combat quotidien est double: perfectionner leur art tout en revendiquant la reconnaissance d’un métier trop souvent relégué à l’informel.

Ibrahim Diallo, contrôleur général de mode regrette «le métier de la couture n’est pas reconnu par l’État guinéen. Même au ministère, il n’est pas pris en compte. Parmi les six métiers officiellement reconnus, la couture n’en fait pas partie. Mais si le métier n’est pas reconnu dans le pays, pensez-vous que les gens vont vraiment se mobiliser pour aider ceux qui en ont besoin? Non, et c’est bien là le premier problème».

Aujourd’hui, le véritable défi n’est plus seulement de coudre et de créer, mais de faire reconnaître la couture comme un métier à part entière: une fierté nationale, une industrie en devenir, et une voix de plus pour raconter la Guinée au reste du monde à travers ses fils et ses étoffes.

Par Mamadou Mouctar Souaré (Conakry, correspondance)
Le 29/09/2025 à 14h56