Furtivement, presque timidement, une femme prend quelques billets de 500 nairas (environ 0,31 centimes d’euros) de son sac à main et les éparpille sur le sol.
D’autres se joignent à elle, mais décident eux de déposer leurs liasses de billets de banque discrètement dans des bols argentés posés à leurs pieds, une nouvelle pratique de plus en plus fréquente dans le pays.
Elle permet aux Nigérians de contourner le «naira spraying» («douche de billets»), une tradition populaire désormais interdite, qui consiste à jeter des billets de banque à terre lors des mariages, fêtes et autres événements musicaux.
Pour lutter contre le «naira spraying», jugé comme irrespectueux par les autorités, la Commission des crimes économiques et financiers nigériane (EFCC) a mis en place une campagne de répression, ciblant plusieurs personnalités publiques.
Lors des festivités, les invités et les organisateurs sont désormais plus prudents, se méfiant des enquêteurs de l’EFCC, qui peuvent tomber sur les réseaux sociaux sur des vidéos dans lesquels ils apparaissent.
«Les gens jettent des billets de banque au sol, mais pas comme avant. Ils ne veulent pas de problèmes», a expliqué à l’AFP un musicien lors d’un récent mariage dans le quartier d’Ikeja à Lagos, capitale économique du Nigeria.
Certains Nigérians vont encore plus loin pour contourner l’interdiction.
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Un couple a partagé une vidéo sur les réseaux sociaux montrant des billets imprimés à leur effigie, afin que leurs proches puissent les jeter en l’air en toute légalité lors de leur union.
Cubana Chief Priest, une célébrité qui a conclu un accord avec l’EFCC après avoir été arrêtée pour «naira spraying», a brandit son téléphone vers un chanteur lors d’une fête, lui indiquant avoir transféré de l’argent sur son compte en banque via une application.
La campagne de répression de l’EFCC intervient au moment où l’Etat nigérian cherche à stabiliser sa monnaie, le naira, dont la valeur par rapport au dollar a fortement chuté depuis l’arrivée au pouvoir du président Bola Ahmed Tinubu en mai 2023, et la mise en place de nouvelles réformes économiques.
Aujourd’hui, le naira s’échange à 1.500 pour un dollar, contre environ 450 il y a un an.
Célébrités arrêtées
Selon Ayodele Yusuff, professeur à l’université de Lagos, le «naira spraying» trouve ses racines dans la culture Yoruba, où les personnes possédant des titres de noblesses et les artistes recevaient déjà sur la tête des pluies de billets en guise de remerciement lors de festivités.
La pratique s’est ensuite répandue à d’autres groupes ethniques du Nigeria, et est devenue incontournable lors des grandes occasions.
Ces dernières semaines, plusieurs arrestations très médiatisées ont mis un frein à l’enthousiasme pour cette tradition dans le pays, du moins en public.
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«Je ne vois aucun autre pays au monde où une telle pratique est autorisée. Nous sommes déterminés à changer cela», a déclaré Wilson Uwujaren, un porte-parole de l’EFCC lors d’une interview pour la chaîne de télévision Arise news.
La banque centrale du Nigeria estime que le «naira spraying» porte atteinte au symbole de la souveraineté du pays, et souligne qu’il peut valoir «une peine de prison, une amende, ou les deux».
Le mois dernier, un tribunal a condamné l’une des plus grandes célébrités LGBT+ du pays, une femme transgenre connue sous le nom de Bobrisky, à six mois de prison après avoir été reconnue coupable d’avoir jeté des billets de banque en l’air lors de l’avant-première du film Ajakaju, à Lagos le 24 mars.
L’actrice nigériane Oluwadarasimi Omoseyin a également été condamnée à six mois de prison en février après avoir été filmée en train de marcher sur des billets de banque qu’elle avait lancés en l’air.
Les critiques se demandent pourquoi certaines personnalités puissantes et certains hommes politiques filmés en train de faire de même ont pu s’en sortir sans être inquiétés par les autorités.
Pour certains, l’EFCC cherche à détourner les regards sur sa mission de lutte contre la corruption, en menant à grand bruit cette campagne contre le «naira spraying».
«Ils ont détruit les mariages», a déclaré à l’AFP un avocat de Lagos lors d’un événement musical, déplorant la campagne de répression de l’EFCC. «C’était le moment que les gens appréciaient le plus».