Braquons nos projecteurs sur les cinq pays africains, sur les 54 que compte le continent, où la proportion de citoyens disposant d’une assurance maladie est supérieur à 50%.
L’objectif étant d’examiner les disparités en matière d’assurance maladie en Afrique. En effet, les données d’Afrobarometer et le rapport State of Social Protection Report 2025 de la Banque mondiale, publiés à l’occasion de la Journée Mondiale de la Santé, célébrée le 7 avril dernier, révèlent des réalités contrastées, où l’engagement des gouvernements face aux besoins de santé des citoyens est mis à l’épreuve.
Que nous révèlent ces deux études? Globalement, l’Afrique est fracturée entre des modèles de couverture sanitaire prometteurs et des systèmes de protection sociale encore embryonnaires. De l’étude d’Afrobarometer, l’on retient que 70% des Africains estiment que leur gouvernement doit garantir l’accès à des soins de santé adéquats, même avec une augmentation des impôts. À cela s’ajoute que la couverture médicale est très limitée: seulement 23% des citoyens à travers 28 pays africains disposent d’une assurance maladie.
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Pour ce qui est des préoccupations des citoyens, 75% des Africains expriment des inquiétudes concernant leur capacité à obtenir ou payer des soins médicaux. Ces préoccupations sont particulièrement élevées dans des pays comme le Lesotho, le Malawi et l’Ouganda, où moins de 5% des citoyens ont une couverture médicale.
De son côté, le rapport de la Banque mondiale, qui on le rappelle dresse un état des lieux sur la protection sociale en 2025, note une progression en la matière à travers le monde: 4,7 milliards de personnes dans les pays à revenu faible et intermédiaire bénéficient désormais d’une forme de protection sociale. Malgré cela, 1,6 milliard de personnes restent encore sans accès à une protection sociale adéquate.
Cela dit, les deux études soulignent un besoin pressant d’améliorer l’accès aux soins de santé et à la protection sociale en Afrique. Egalement, une majorité des citoyens soutient des politiques qui augmenteraient les impôts pour financer ces services.
Les progrès réalisés par plusieurs pays africains en matière d’assurance maladie et de protection sociale pourraient être compromis par des failles dans la sécurité numérique. Cela est illustré par le récent piratage de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS) au Maroc, qui a exposé les données sensibles de près de deux millions de citoyens.
Gabon, Ghana et Maroc: le trio de tête
Selon l’étude d’Afrobarometer les pays comme le Gabon, le Ghana et le Maroc affichent des taux de couverture plus élevés, tandis que des pays comme le Lesotho et le Malawi sont à la traîne.
Le Gabon se classe en tête du palmarès africain avec une couverture médicale atteignant 83%, un résultat exceptionnel attribuable à une politique sociale ambitieuse, financée par les revenus pétroliers et structurée autour de programmes publics inclusifs. Suivi de près par le Ghana (72%), dont le National Health Insurance Scheme (NHIS), lancé en 2003, a permis de mixer contributions individuelles, subventions étatiques et exemptions pour les populations vulnérables, créant un modèle hybride souvent cité en exemple.
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Le Maroc occupe la troisième place (71%), grâce à l’élargissement progressif de son Assurance Maladie Obligatoire (AMO) aux travailleurs informels et à un objectif affiché de couverture universelle en 2025. La Tunisie, quant à elle, maintient un taux de 70% malgré les tensions économiques, en s’appuyant sur un système de santé historiquement solide, bien que dépendant de subventions publiques de plus en plus contestées.
Le Cabo Verde ferme ce top 5 et se distingue avec 63% de ces citoyens disposant d’une couverture assurance maladie. L’approche de ces pays d’Afrique de l’Ouest combine stabilité politique, partenariats internationaux et ciblage efficace des travailleurs du tourisme et des zones rurales.
Comme on le constate, la performance de ces pays africains sont le fruit de réformes majeures visant à généraliser l’assurance maladie obligatoire et à étendre la protection sociale, notamment pour les populations vulnérables. Cependant, ces progrès se trouvent fragilisés par des failles dans la sécurité numérique, comme en témoigne le récent piratage de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS) au Maroc.
Les cinq autres pays à suivre de près
Cinq autres pays se distinguent tant bien que mal, mais avec des taux de couverture inférieurs à 50%. C’est le cas pour le Kenya, qui affiche un taux de couverture de 39%. Ce qui révèle les limites des systèmes contributifs dans des économies majoritairement informelles: son National Hospital Insurance Fund (NHIF) peine à intégrer les travailleurs non salariés, qui représentent 80% de la population active.
En Côte d’Ivoire (31%), la couverture repose sur un patchwork de mutuelles communautaires et de régimes sectoriels, comme celui des fonctionnaires, laissant de côté les ménages les plus pauvres. Maurice, malgré un PIB élevé, n’atteint que 25%, illustrant les lacunes d’un système mixte public-privé qui exclut les jeunes et les travailleurs précaires.
En bas de ce top 10, la Tanzanie (16%) et la Zambie (15%) incarnent les défis structurels de l’Afrique rurale et informelle. En Tanzanie, le Community Health Fund (CHF) bute sur la faible adhésion dans les campagnes, où l’accès aux infrastructures sanitaires reste limité. La Zambie, malgré des programmes ciblés sur la santé maternelle et les maladies chroniques, pâtit de l’absence d’un régime national unifié, reflétant une fragmentation politique et financière caractéristique de nombreux pays à faible revenu. Des disparités qui soulignent l’écart entre les modèles émergents et une réalité continentale où 77% des citoyens restent sans protection médicale adéquate.
Ainsi, les leaders africains en assurance maladie démontrent que des progrès sont possibles, même dans des contextes économiques difficiles. Cependant, la majorité des Africains restent sans protection adéquate, soulignant l’urgence de réforme systémique. Les pays africains doivent non seulement renforcer les structures existantes, mais aussi s’engager dans des dialogues inclusifs pour élaborer des solutions adaptées aux réalités locales.
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Ce faisant, ils pourraient non seulement améliorer la santé publique, mais également stimuler le développement économique en réduisant les inégalités et en favorisant la résilience des populations face aux crises futures. La convergence des agendas sanitaires et climatiques, couplée à une mobilisation accrue des financements, pourrait offrir une fenêtre d’opportunité. Pour des pays comme le Lesotho, Malawi, Ouganda, l’enjeu sera de prioriser les investissements dans des registres sociaux numériques et des partenariats public-communautaire, garants d’une couverture inclusive.
Les pays où plus de la moitié de la population est assurée
Pays | Taux de couverture | Caractéristiques clés |
---|---|---|
Gabon | 83% | Politique sociale ambitieuse financée par les revenus pétroliers, programmes publics inclusifs. |
Ghana | 72% | Système hybride (National Health Insurance Scheme) avec contributions, subventions et exemptions pour populations vulnérables. |
Maroc | 71% | Élargissement de l’AMO aux travailleurs informels, objectif de couverture universelle dans un horizon proche. |
Tunisie | 70% | Système de santé historiquement solide, mais dépendant de subventions publiques contestées. |
Cabo Verde | 63% | Partenariats internationaux et ciblage des travailleurs du tourisme et des zones rurales. |
Source : Afrobarometer.