Banque mondiale: plusieurs pays africains devraient enregistrer des taux de croissance supérieurs à 6%

le360

Le 15/10/2024 à 16h42

La Banque mondiale a publié, lundi 14 octobre, son rapport Africa’s Pulse relatif à l’Afrique subsaharienne où elle revoit ses prévisions de croissance. Si la progression moyenne du PIB devrait ressortir à 3% selon les nouvelles projections, pas moins de 17 pays devraient afficher des croissances supérieures ou égales à 5%. Sept d’entre eux pourraient même afficher des taux de croissance entre 6 et 9,7% en 2024 et 2025. Les détails.

Après le rapport d’avril dernier, la Banque mondiale a publié son rapport Africa’s Pulse sous le titre «Transformer l’éducation pour une croissance inclusive». Ce document livre des données sur de nombreux indicateurs économiques et monétaires d’Afrique subsaharienne: croissance, dette, inflation, balance des paiements, réserves de change, taux directeurs…

Les projections de croissance figurent parmi les données les plus suivies en ce sens qu’une révision à la hausse ou à la baisse donne une idée sur les anticipations de la Banque quant à l’évolution des économies africaines. D’après le dernier Africa’s Pulse, la croissance des économies africaines devrait reculer de 0,4 point de pourcentage par rapport à la prévision d’avril dernier. En clair, les économies d’Afrique subsaharienne, prises globalement, devraient croitre de 3% en 2024 (au lieu de 3,4% en avril dernier) et de 4% en 2025 et 2026.

La reprise devrait se confirmer à mesure que la baisse de l’inflation augmente le pouvoir d’achat des ménages. En plus, la baisse des taux directeurs entamée par de nombreuses banques centrales devraient renforcer la confiance des entreprises et favoriser l’investissement. Ces facteurs devraient stimuler la croissance en 2025 et 2026. De même, les politiques économiques, notamment agricoles dans le cadre de la volonté de certains pays de réduire leur dépendance alimentaire, et la décrue des cours des hydrocarbures impactent positivement de nombreux pays du continent.

Si cette croissance sera meilleure que celle de 2023, avec une évolution du Produit intérieur brut (PIB) de 2,6%, celle-ci demeure faible pour un continent où tout est encore à construire. En plus, on est encore très loin des taux de croissance de la période 2000-2014 durant laquelle l’Afrique subsaharienne avait enregistré un taux de croissance annuel moyen robuste de 5,3%, grâce au super cycle des matières premières.

Depuis, le retournement des cours des matières premières a entrainé une chute des taux de croissance avant que la crise du Covid-19 et la guerre Russie-Ukraine ne viennent ralentir les évolutions des économies de cette région. À ces facteurs s’ajoute l’impact de la destruction de l’économie soudanaise à cause de la guerre civile que vit le pays, sans laquelle le PIB d’Afrique subsaharienne devrait croitre de 3,5%, selon la Banque mondiale. À cause des destructions et l’arrêt de l’économie du pays, le PIB du Soudan devrait baisser de -15,1% en 2024, après une chute de -20,1% en 2023.

À ces facteurs s’ajoutent d’autres risques qui peuvent impacter négativement la croissance du continent: les conflits qui ravagent certaines régions, les impacts du changement climatique (sécheresse, inondations, cyclones…). Conséquence, le nombre de personnes vivant avec moins de 2,15 dollars par jour ne cesse de croître, passant de 448 millions en 2022 à 464 millions en 2024.

Reste que le taux de croissance moyen projeté par la Banque mondiale cache d’importantes divergences. En effet, la faible dynamique de l’économie sud-africaine, avec des taux de croissance de seulement 1,1% en 2024 et 1,5% en 2025, après 0,7% en 2023, pèse lourdement sur la balance sachant que celle-ci est actuellement la première économie de la région, devant le Nigeria.

L’économie sud-africaine est plombée par plusieurs facteurs dont les délestages d’électricité, la corruption, la faiblesse des investissements à cause d’un environnement des affaires en détérioration continue… À l’opposé, l’économie nigériane, la seconde de la région, devrait enregistrer des taux de croissance de 3,3% en 2024 et 3,6% en 2025 a fortement contribué à la reprise économique de la région.

Au-delà, si certains pays devraient être en situation de récession -Soudan (-15,1%), Soudan du Sud (-7,8%)-, pas moins de 17 pays vont enregistrer des taux de croissance allant de 5% à 9,7% en 2024 et 2025. En clair, la croissance sera bel et bien au rendez-vous dans de nombreux pays. Si la palme devrait revenir au Rwanda avec une croissance de 7,6% en 2024, c’est le Sénégal qui devrait enregistrer la plus forte croissance en 2025 avec une évolution de son PIB de 9,7%.

Plusieurs facteurs expliquent le fait que ces pays réalisent des performances de beaucoup supérieures à la moyenne continentale et même le double, voire plus. Les moteurs de ces croissances ne sont pas les mêmes. Si certains pays continuent à miser sur les services et/ou l’agriculture, d’autres tablent sur la diversification économique, porteuse d’une croissance moins cyclique. Un troisième groupe réunit les pays devant enregistrer les plus fortes croissances grâce au démarrage de l’exploitation de nouvelles ressources naturelles, notamment les hydrocarbures. On note toutefois, que globalement les taux de croissance de ces pays ont été revus légèrement à la baisse, comparativement au précédent rapport d’avril 2024.

Ainsi, le Rwanda qui devrait afficher des taux de croissance de 7,6% en 2024 et 7,8% en 2025 devrait continuer à tirer son économie grâce aux services, notamment les technologies de l’information, le tourisme et la finance. Les services demeurent la locomotive de l’économie de ce petit pays dansement peuplé. Ce secteur attire des investissements directs étrangers, crée des emplois, augmente les revenus et contribue à la croissance du pays. D’ailleurs, les services représentent 46% du PIB du Rwanda, devant l’agriculture (25%) et l’industrie (23%).

Selon un rapport de la Banque mondiale sur le Rwanda, le PIB a progressé de 9,7% au premier trimestre 2024, dépassant le taux de croissance moyen de 8,2% enregistré en 2023, tiré par une consommation robuste. L’économie rwandaise repose également sur une agriculture dynamique. Les principales cultures sont le café, le thé, les haricots et le manioc. Toutefois, étant essentiellement pluviale, celle-ci est vulnérable aux chocs climatiques.

Le Sénégal qui devrait réaliser des taux de croissance de 6,1% en 2024 et 9,7% en 2025, la meilleure progression du continent, devrait tirer profit du démarrage de l’exploitation de ses hydrocarbures. Après le lancement de la production pétrolière en juin dernier, le pays devrait devenir gazier avec l’entrée en production, début 2025, du gisement prometteur de Grand Tortue Ahmeyim qu’il partage avec la Mauritanie.

Ces deux nouvelles ressources devraient stimuler l’économie sénégalaise tirée ces dernières années par l’agriculture, les infrastructures réalisées dans le cadre du Plan Sénégal émergent (PSE). Un plan enterré lundi 14 octobre avec le lancement de la vision «Sénégal 2050». En juillet dernier, le FMI projetait des taux de croissance de 7,1% en 2024 et 10,1% en 2025, suite à une élection présidentielle apaisée. La nouvelle vision, le nouveau modèle économique et la lutte contre la corruption devraient contribuer à redynamiser l’économie sénégalaise.

Dans le même sens, les économies mauritaniennes et nigériennes seront tirées par les hydrocarbures. La Mauritanie devrait enregistrer des taux de croissance de 6,5% en 2024 et 7,8% en 2025 grâce à l’exploitation du gisement gazier de Grand Tortue Ahmeyim que le pays partage avec le Sénégal. La croissance viendra également des ressources minières (fer, or, cuivre…). La flambée des cours du métal jaune devrait également bénéficier au pays.

Toutefois, la faiblesse des infrastructures, le déficit énergétique et l’absence d’une vision stratégique font que les impacts de ces ressources restent négligeables et ne contribuent pas à transformer de manière fondamentale l’économie d’un pays riche en ressources naturelles (poisson, or, uranium, phosphate, gaz, cuivre…).

Quant au Niger, les progressions estimées du PIB en 2024 (5,7%) et 2025 (8,5%) dépendront de l’augmentation attendue des exportations des hydrocarbures après que la production locale est passée de 20.000 à 110.000 barils/jour. Or, les exportation de l’or noir via le Bénin étaient interrompues ces derniers mois en raison des tensions politiques entre la junte militaire du Niger et les dirigeants béninois. Une certaine reprise a été amorcée ces derniers semaines.

Idem pour l’Ouganda dont la croissance sera tirée par la production pétrolière et la réalisation de l’oléoduc devant traverser le Kenya pour faciliter les exportations de via le port de ce pays.

Les pays africains devant enregistrer les taux de croissance les plus élevés en 2024 et 2025

PaysTaux de croissance 2023Taux de croissance 2024Taux de croissance 2025
Bénin6,4%6,3%6,4%
Côte d’Ivoire6,2%6,5%6,4%
Éthiopie7,2%6,1%6,5%
Mauritanie6,5%6,5%7,8%
Niger2,05,7%8,5%
Rwanda8,2%7,6%7,8%
Sénégal4,6%6,1%9,7%
Ouganda5,3%6,0%6,2%

Source: tableau confectionné à partir des données d’Africa’s Pulse (Banque mondiale) d’octobre 2024

Pour la Côte d’Ivoire, si les hydrocarbures boostent quelque peu l’économie et devraient, à moyen terme, devenir le second levier d’une croissance soutenue et durable, c’est l’agriculture qui demeure le moteur de la croissance.

Premier producteur mondial de cacao (avec une part de marché de 40%) et de l’anacarde (noix de cajou), le pays tire profit de l’embellie des cours de l’or brun (cacao) dont les prix ont flambé ces deux dernières années, mais aussi de la diversification accrue de l’économie et des impacts des projets d’infrastructures.

Idem pour l’Éthiopie dont l’agriculture, grâce aux bonnes récoltes attendues, et l’industrie, grâce notamment aux délocalisations chinoises, seront les moteurs d’une économie qui bénéficiera du retour de la paix après la guerre au Tigré. L’économie va continuer à tirer profit des retombées positives du Grand Barrage de la Renaissance Éthiopienne qui permet aujourd’hui au pays de faire face au déficit en électricité et d’en exporter vers les pays voisins.



Par Moussa Diop
Le 15/10/2024 à 16h42