Bilan et perspectives des relations sino-africaines au lendemain du Focac 2024

Le président chinois prononçant un discours en présence des chefs d'Etat et de gouvernement africains.

Le 07/09/2024 à 16h53

Les rideaux sont tombés sur la 9e édition du Forum sur la coopération sino-africaine (Focac) qui s’est tenue du 4 au 6 septembre à Pékin. Outre l’annonce d’un plan de soutien financier de 50 milliards de dollars sur 3 ans, des nombreux accords commerciaux et engagements de financements de différents projets, la clôture a été marquée par l’annonce de 10 plans d’action couvrant divers domaines. Toutefois, des voix s’élèvent et appellent à revoir la nature des relations économiques entre les deux partenaires afin que Pékin contribue davantage à la transformation industrielle de l’Afrique.

Plus de 50 dirigeants africains, dont une vingtaine de chefs d’État, ont participé au 9e Focac placé sous la thématique: «S’unir pour faire progresser la modernisation et construire une communauté sino-africaine avec un avenir commun». Le sommet du Focac 2024 ambitionne d’explorer les moyens de renforcer l’amitié et la coopération et surtout d’écrire un nouveau chapitre dans la construction d’une communauté sino-africaine liée par un avenir commun.

Cette manifestation, comme les précédentes qui se sont tenues depuis 2000, a été marquée par des annonces d’engagement de la Chine, des signatures d’accords bilatéraux, des accords de financement dans divers secteurs. Dans un environnement mondial en mutation, la Chine a fait de nombreuses promesses.

Pour la Chine, le Focac est l’occasion de consolider ses relations économiques avec le continent au moment où la seconde puissance économique mondiale connait un ralentissement économique notable.

Presque tous les pays africains sont venus munis de leurs listes de projets cherchant des financement. Certains ont réussi à trouver des engagements de financement importants. C’est le cas du Gabon qui a signé des accords d’investissement d’un montant colossal de 4,3 milliards de dollars avec des investisseurs chinois selon le ministère gabonais de l’Economie et des Participations. Ces engagements concernent notamment les secteurs des travaux publics et de l’énergie.

Il faut dire que depuis la création du Focac en 2000, les relations entre la Chine et l’Afrique n’ont cessé de se développer. A titre d’exemple, les échanges commerciaux entre la Chine et l’Afrique sont passés de 10,5 milliards de dollars en 2000 à 282,1 milliards de dollars en 2023, c’est-à-dire multipliés par 26. Et le stock des investissements directs de la Chine en Afrique a dépassé les 40 milliards de dollars.

La Chine a été durant cette période derrière d’importantes réalisations, notamment au niveau des infrastructures, en participant à la réalisation de près de 100.000 km de routes, plus de 10.000 km de voies ferrées, près d’un millier de ponts, d’une centaine de ports et de centrales électriques…

Mais les relations économiques Chine-Afrique restent globalement déséquilibrées. A titre d’exemple, la balance commerciale est largement excédentaire au profit de la Chine. En 2023, elle a exporté pour 173 milliards de dollars vers les 54 pays africains et a importé de la région pour un total de 109 milliards de dollars, engrangeant un excédent de 64 milliards de dollars.

Une situation qui s’explique par la nature des échanges commerciaux. La Chine exporte des produits manufacturés (textile-habillement, machines, électronique…) et importe des matières premières (minerais, pétrole, produits agricoles…). Et si la Chine offre à une trentaine de pays africains un accès sans droits de douane pour de nombreux produits, c’est essentiellement pour alimenter ses usines et les rendre plus compétitives.

Et concernant les financements, notamment des infrastructures, sur les 23 dernières années, la Chine a accordé 1.306 prêts pour une valeur de 182,3 milliards de dollars à 49 pays africains et 7 institutions régionales.

Nonobstant leur utilité, ces prêts ont contribué à l’endettement de nombreux pays du continent dont certains ont été obligés de gager et/ou de brader leurs ressources naturelles pour rembourser la seconde puissance mondiale. Une situation qui a poussé la Chine à revoir sa stratégie en optant pour des prêts moins importants pour financer des projets plus modestes. Cette stratégie vise à assurer que la Chine continue sa coopération avec le continent d’une manière plus solide et durable.


Ainsi, la Chine qui souhaite s’éloigner du financement de grands projets, veut se concentrer sur la vente de technologies vertes, notamment des véhicules électriques et des panneaux solaires. Cette nouvelle donne pourrait profiter aux pays africains qui ont des déficits électriques importants. A ce titre, la Zambie a signé des accords pour la réalisation de centrales solaires pour atténuer son déficit énergétique.

Cela n’empêche pas que des accords de financement importants aient été signés avec de nombreux pays africains durant le Focac 2024. De nombreux accords ont été signés par les pays africains avec la Chine dans divers domaines: agriculture, énergie, infrastructures…

Le président chinois, Xi Jinping a ainsi annoncé un soutien financier de 360 milliards de yuans RMB, soit plus de 50 milliards de dollars sur 3 ans à l’Afrique dont des lignes de crédits (210 milliards de yuans), aides diverses (80 milliards de yuans) et investissements d’entreprises chinoises (70 milliards de yuans).

Toutefois, des voix s’élèvent pour demander l’allègement du poids de la dette qui commence à devenir un fardeau pour de nombreux pays africains et à la diversification des investissements chinois au-delà des secteurs miniers infrastructure et énergétique pour toucher la transformation et contribution à l’industrialisation de l’Afrique.

«L’allègement du poids de la dette constitue pour de nombreux États africains un impératif urgent pour donner à l’économie de ces pays débiteurs une respiration économique vitale. Il est, également, souhaitable que, dans le contexte de notre effort d’industrialisation, le portefeuille des investissements privés en Afrique soit suffisamment diversifié pour s’étendre au-delà du champ classique des ressources minières et énergétiques», a souligné le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat.

La faute n’incombe pas à la seule Chine. Comme on dit dans le jargon diplomatique, les pays n’ont pas d’amis mais des intérêts à défendre. La Chine défend d’abord ses intérêts. «En vingt-quatre ans de forum de coopération sino-africaine, les pays africains n’ont toujours pas de stratégie cohérente à l’égard de la Chine. Au cours de cette période, la Chine a publié trois ou quatre stratégies globales à l’égard de l’Afrique», a souligné Paul Naptulya, du Centre d’études stratégiques de l’Afrique.

A ce titre, lors de ce Focac, la Chine a présenté les 10 plans d’action de partenariat couvrant les domaines de l’apprentissage mutuel entre les civilisations, la prospérité commerciale, la coopération de la chaîne industrielle, la connectivité, la coopération au développement, la santé, l’agriculture et les moyens de subsistance, les échanges entre les peuples, le développement vert et de la sécurité commune.

Toutefois, une certaine prise de conscience de la nécessité de revoir les relations économiques avec le reste du monde commence à se manifester au niveau du continent. Les pays africains ne souhaitent plus être cantonnés dans le rôle de pourvoyeurs de ressources naturelles et d’importateurs de produits finis. Bon nombre de pays commencent à contraindre les entreprises étrangères à la transformation locale de leurs ressources minières. C’est le cas de la République démocratique du Congo qui souhaite que les Chinois qui exploitent les importantes ressources minières stratégiques du pays (cobalt, lithium,…) transforment sur place et y produisent des batteries électriques.


Face à cette demande africaine, le président chinois Xi Jinping a souligné que la Chine est déterminée à lancer une initiative de soutien à l’industrialisation de l’Afrique, qui aidera le continent à développer son secteur manufacturier et à concrétiser l’industrialisation et sa diversification économique. Aux Africains d’imposer à la Chine de respecter cette initiative qui permettra aux pays africains de transformer une partie de leurs ressources naturelles et apporter de la valeur ajoutée à leurs exportations.

Par Moussa Diop
Le 07/09/2024 à 16h53