Le cours du cacao, dont la Côte d’Ivoire et le Ghana assurent 65% de la production mondiale, flambe depuis fin 2022 et vient d’atteindre son plus haut niveau depuis 46 ans à l’International Exchange de Londres où le cours a atteint, le 28 juin, les 2.590 livres sterling la tonne, se rapprochant de plus en plus du record des 2.725 livres sterling de1977. Sur le marché américain où est également coté le cacao, le cours s’est établi le 28 juin courant, à 3.261 dollars la tonne, contre 2.329 dollars, un an plus tôt, affichant ainsi une évolution annuelle de 40%.
Depuis plusieurs mois, le marché du cacao est en ébullition sous l’effet des perspectives de déficit de la production mondiale. Dès le début de l’année, l’Organisation international du cacao (ICCO) avait fait état d’un déficit de 142.000 tonnes pour la campagne 2022-2023 qui a démarré en octobre 2022. Il s’agit d’un déficit non négligeable qui a porté le cours du cacao vers les sommets. Et certaines prévisions avancent que la saison agricole 2023-2024 pourrait encore être déficitaire avec le risque de porter les cours à hauteur de 3.600 dollars la tonne.
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Cette flambée du cours du cacao s’explique essentiellement par les phénomènes météorologiques tels que la sécheresse en Afrique de l’Ouest. Le marché a ainsi connu deux années consécutives de déficit avec des stocks de cacao en fin de campagne qui ont chuté à des niveaux inhabituellement bas.
Rien que pour cette année agricole, les livraisons des deux premiers producteurs mondiaux de cacao ont baissé de 5%. Les prévisions ne sont pas bonnes pour la récolte prochaine à cause du phénomène météorologique en Afrique de l’Ouest, principale zone de production du cacao dans le monde. Une situation qui a poussé la Côte d’Ivoire, premier producteur mondial avec une part de marché de 40%, a limité, en mars dernier, les achats de deux géants mondiaux du chocolat, contribué à l’envolée du prix du chocolat sur le marché mondial.
Ensuite, les fortes pluies enregistrées dans certaines zones de production en Côte d’Ivoire et qui ont provoqué des inondations, alimentent les craintes sur la récolte principale qui doit débuter d’ici trois mois. Ces conditions météorologiques sont globalement défavorables au séchage des fèves de cacao, une étape cruciale dans la production.
En outre, il y a aussi les craintes que fait planer le phénomène climatique El Nino sur l’Afrique de l’ouest, notamment sur les pays de la ceinture cacaoyère.
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Enfin, d’autres facteurs dont les maladies touchant les plantations de cacao et la cherté des engrais dans le sillage de la guerre Russie-Ukraine impactent négativement sur la production ouest-africaine de fève de cacao.
Il en résulte la certaine rareté de la fève de cacao sur les marchés où le ratio «stock/utilisation», indicateur de la disponibilité du cacao, est tombé à 32,2%, soit son plus bas niveau depuis la saison 1984-1985.
Conséquence de cette flambée des cours du cacao, certains pays africains devraient en tirer pleinement profit. C’est le cas particulièrement de la Côte d’Ivoire (2,2 millions de tonnes en 2022) et le Ghana, second producteur mondial (environ 1 million de tonnes) avec une part de marché de 20%. Ainsi, les deux pays ouest-africain qui contrôlent environ 65% du marché mondial du cacao, devraient logiquement être les principaux bénéficiaires de cette flambée des cours du cacao. Pour la Côte d’Ivoire, la culture du cacao représente entre 15% et 20% du Produit intérieur brut (PIB), 40% des recettes d’exportation du pays, emploie près de 600 000 planteurs et fait vivre plus de 6 millions d’Ivoiriens, soit le quart de la population. C’est dire que la culture du cacao est stratégique pour le pays.
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Seulement, la Côte d’Ivoire ne perçoit qu’une faible part dans la valeur ajoutée de la filière (entre 5 et 7%), alors que les producteurs de chocolat européens et occidentaux se taillent la part du lion. Conséquence, plus de la moitié des producteurs de cacao ivoirien vivent en dessous du seuil de pauvreté.
Une situation qui s’explique surtout par l’incapacité des autorités ivoiriennes et ghanéennes à peser sur le cours de la fève de cacao. Du fait de la flambée des cours, l’Etat ivoirien compte faire bénéficier les planteurs de l’évolution favorable du cours de la fève en augmentant le prix d’achat du cacao de 9% cette année, permettant aux agriculteurs de bénéficier d’une partie de la hausse du cours mondial de cacao.