En 2023, l’activité du capital-investissement en Afrique a dû s’adapter à un environnement économique mondial difficile. Le dernier rapport de l’Association africaine du capital-investissement et du capital-risque (AVCA) illustre cette nécessaire résilience face aux vents contraires macroéconomiques.
Après une année 2022 euphorique, le secteur du capital-investissement africain a fait face en 2023 à un environnement économique difficile, marqué par l’inflation galopante et la hausse des taux d’intérêt. Malgré ce contexte défavorable, l’Afrique a démontré une remarquable résilience en conservant des niveaux d’activité parmi les plus élevés jamais enregistrés, dit le rapport.
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Le capital-investissement africain se réfère aux activités d’investissement dans des entreprises africaines menées par des fonds de capital-investissement focalisés sur le continent africain. Plus précisément, le capital-investissement africain comprend les investissements dans des start-ups et PME africaines innovantes, souvent dans les secteurs de la tech, en phase de démarrage ou de croissance, le rachat d’entreprises africaines matures, seuls ou avec la participation de l’équipe managériale, dans le but d’en accélérer la croissance, les prises de participation majoritaires ou minoritaires dans des PME africaines en phase d’expansion.
Les acteurs du capital-investissement africain sont principalement des fonds régionaux ou panafricains levant des capitaux auprès d’investisseurs institutionnels internationaux (caisses de retraite, fonds souverains, family offices, etc). Leur objectif est d’accompagner le développement du secteur privé en Afrique et la croissance d’entreprises à fort potentiel sur le continent.
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C’est un secteur en forte croissance ces dernières années, reflet de l’émergence de l’économie et des marchés africains. Il joue un rôle clé dans le financement des PME africaines et dans le développement de champions locaux et régionaux.
L’année dernière, 450 transactions ont été réalisées en Afrique pour une valeur totale de 5,9 milliards de dollars, soit une baisse respective de 28% en nombre d’opérations et de 22% en valeur par rapport à 2022. Ce repli s’explique principalement par l’effondrement du capital-risque (-34% en volume), pénalisé par les turbulences économiques mondiales. Toutefois, ces chiffres placent 2023 comme la deuxième meilleure année de l’histoire pour le continent.
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Face à la tourmente, l’Afrique australe s’est distinguée avec 26% des transactions, au coude-à-coude avec l’Afrique de l’Ouest (26%). Mais c’est surtout en valeur que la région s’est imposée en captant 44% des investissements, en hausse sur un an. Cette prééminence s’explique notamment par la relative stabilité économique en Afrique du Sud dans la seconde moitié de l’année.
Énergie verte, financials ou technologies, qui a la faveur des investisseurs ?
Le secteur des utilities, qui englobe les industries des services publics (eau, assainissement, électricité...) a séduit les investisseurs, trustant 35% des investissements en valeur. L’Afrique du Sud a particulièrement profité de cet engouement avec deux méga-transactions de plus de 250 millions de dollars chacune dans les énergies renouvelables.
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Malgré le ralentissement, les secteurs des financials (21% du nombre d’opérations) et des technologies de l’information (17%) ont su rester attractifs. Le dynamisme des fintechs, qui connectent ces deux univers, explique en grande partie cet attrait renouvelé.
Les fonds de capital-risque révisent leurs stratégies
Face au défi que représente l’environnement actuel, les fonds se sont montrés plus prudents dans leurs investissements en capital-risque. Les très grosses opérations se sont raréfiées au profit de tickets d’entrée plus raisonnables, répartissant mieux les risques.
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Autre fait marquant, les nouveaux gestionnaires indépendants ont réussi à capter 35% des engagements finaux en 2023, un record historique. Ce succès reflète la confiance renouvelée des investisseurs dans le potentiel de croissance africain et l’émergence de nouvelles équipes de gestion de talent.
Le Nigéria et le Botswana se démarquent
Fer de lance du capital-risque africain, le Nigéria a réussi à maintenir un bon niveau d’activité malgré les vents contraires, renforçant son positionnement de plaque tournante technologique du continent. Le potentiel inexploité de la fintech et des technologies appliquées aux services reste élevé.
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Longtemps délaissé par les investisseurs, le Botswana est sorti du bois en 2023 grâce à plusieurs levées de fonds réussies de startups locales dans des secteurs comme l’agritech, l’énergie ou encore l’e-santé. La diversification économique pragmatique du pays commence à porter ses fruits.
Tendances sectorielles contrastées
Le secteur de la consommation discrétionnaire, historiquement en tête des investissements, a reculé à la 3e place avec 15% du volume total en 2023, dépassé par les services financiers et les technologies de l’information. Cette baisse reflète une certaine prudence des investisseurs face à l’érosion anticipée du pouvoir d’achat des consommateurs.
Le « secteur de la consommation discrétionnaire » fait référence à une catégorie spécifique d’entreprises qui fournissent des biens et des services non essentiels ou liés au luxe. Ces entreprises opèrent principalement dans des industries où les dépenses des consommateurs sont liées à des choix personnels et à des préférences individuelles, plutôt qu’à des besoins de base.
Les services financiers ont affiché une résistance malgré un net repli de 47% du volume et de 43% de la valeur des investissements. La fintech, moteur récent du secteur, a particulièrement souffert avec des baisses respectives de 52% et 27%. L’Afrique de l’Ouest a été la région la plus impactée, illustrée par le recul des volumes et valeurs de plus de 2 et 5 fois respectivement.
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Les entreprises technologiques ont représenté 61% du nombre total d’investissements en 2023, marquant toutefois un repli de 36% sur un an. Chaque secteur, à l’exception de la consommation de base, a connu une baisse des investissements dans les sociétés tech.
Toutes les voies de sortie ont accusé des baisses en 2023. La vente à des acquéreurs industriels reste la plus fréquente malgré un recul de 54%, tandis que la part des cessions à d’autres fonds d’investissement privés a progressé à 33% contre 23% en 2022. Une seule introduction en bourse a été rapportée sur le continent en 2023.
Part du volume des transactions de capital privé de 2017 à 2023
Régions du continent | 2017-2021 | 2022 | 2023 |
---|---|---|---|
Afrique du Nord | 17% | 18% | 16% |
Afrique de l’Ouest | 25% | 31% | 26% |
Afrique centrale | 1% | 1% | 1% |
Afrique australe | 26% | 21% | 26% |
Afrique de l’Est | 16% | 19% | 19% |
Collecte de fonds: premiers signaux encourageants
Après deux années consécutives de baisse, la levée de fonds par les fonds d’investissement africains s’est établie à 1,9 milliard de dollars en 2023, soit une diminution contenue de 9%. Ce montant reste le deuxième plus faible depuis 2012 après 2020 impacté par le Covid-19.
Les fonds de dette privée et de capital-risque ont connu des hausses respectives de leurs levées de fonds, tandis qu’une préférence accrue des investisseurs pour les fonds sectoriels spécialisés par rapport aux généralistes s’est dessinée.
Avec 700 millions de dollars collectés, soit 35% du total, les fonds émergents ont bénéficié d’un niveau record d’allocations, signe d’une confiance renforcée des investisseurs. Ils ont capté 72% des capitaux alloués au capital-risque et 82% des fonds de taille inférieure à 250 millions de dollars.
Part de la valeur des transactions de capital privé de 2017 à 2023
Régions du continent | 2017-2021 | 2022 | 2023 |
---|---|---|---|
Afrique du Nord | 12% | 17% | 15% |
Afrique de l’Ouest | 22% | 23% | 11% |
Afrique centrale | 6% | 1% | 1% |
Afrique australe | 18% | 19% | 44% |
Afrique de l’Est | 8% | 15% | 14% |
Si quelques signaux encourageants émanent du dernier trimestre 2023, caractérisé par une hausse des transactions technologiques, les incertitudes macro-économiques suggèrent une poursuite de l’adaptation de l’industrie du capital-investissement africaine. Une adaptation indispensable pour construire un écosystème entrepreneurial et financier africain durable et résilient.