Le chassé-croisé au sommet du classement des puissances économiques du continent se poursuit. Et s’il était prévisible que le Nigeria perde son rang de première puissance économique en Afrique en 2024, l’ampleur d’une telle dégringolade qui le fait sortir du podium des puissances économiques du continent laisse pantois. En effet, le Nigeria, qui était la première puissance économique africaine en termes de Produit intérieur brut (PIB) à prix courant exprimé en dollars depuis de nombreuses années, recule au 4e rang des pays les plus riches d’Afrique.
En effet, selon les données actualisées du Fonds monétaire international (FMI), le Nigeria affiche désormais un PIB de seulement 253 milliards de dollars à fin 2023. Un niveau qui le fait rétrograder au 4e rang des puissances économiques africaines, derrière l’Afrique du Sud (373 milliards de dollars), l’Egypte (347,60 milliards de dollars) et l’Algérie (266,80 milliards de dollars).
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Pourtant, ce recul ne résulte pas d’une récession aiguë de l’économie nigériane. Au contraire, le pays a enregistré une croissance de plus de 3% en 2023. Comment expliquer alors cette forte chute du PIB du pays? Cela a simplement pour raison le mode de calcul retenu, à savoir le PIB à prix courant exprimé en dollars. Autrement dit, la richesse du pays est calculée au prix courant en monnaie locale, le naira nigérian, avant d’être convertie en dollar américain. Seulement, si le PIB exprimé en naira n’a pas connu de recul, et a même augmenté, surtout grâce à l’inflation, celui exprimé en dollars a connu une chute exceptionnelle. Une situation qui s’explique essentiellement par le changement de la parité entre la monnaie nigériane, le naira, et le dollar américain, à coup de dépréciations dans le sillage de la majorité des monnaies africaines, mais aussi et surtout à cause des «dévaluation» déguisées.
Ainsi, alors qu’il fallait 461,63 nairas pour 1 dollar le 18 avril 2023, il en faut 1149,01 nairas pour 1 dollar une année plus tard (le 18 avril 2024). Pire, le taux de change dollar-naira avait même atteint un pic de 1625,21 nairas pour 1 dollar le 11 mars dernier lorsque les autorités monétaires ont fortement dévalué la monnaie locale dans le sillage de la réforme du régime de change.
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Conséquence de cette dégringolade du naira vis-à-vis du dollar, le PIB à prix courant du Nigeria, exprimé en monnaie américaine, a chuté, passant de 574 milliards de dollars au cours de l’année 2023, chiffre qui classait le pays sur le toit de l’Afrique et au 30ème rang des pays les plus riches au monde, à 253 milliards de dollars, selon les projections du FMI d’avril 2024, soit une perte de 55,92% de la richesse du pays exprimée en dollars.
Cette situation a aussi affecté la richesse des hommes d’affaires nigérians. En effet, selon les données du cabinet britannique Henley & Partners, le pays ne compte désormais que 3 milliardaires, loin derrière l’Egypte, l’Afrique du Sud et le Maroc. La fortune des riches nigérians exprimée en dollars a été fortement impactée.
Le même phénomène a été observé pour l’Egypte dont la monnaie a subi plusieurs «dévaluations» durant l’année dernière, impactant négativement son PIB à prix courant exprimé en dollars qui est tombé, selon le FMI, à 347,60 milliards de dollars, contre 476,7 milliards de dollars en 2022. En cause, la dépréciation de la livre égyptienne, passée de 30,90 livres pour 1 dollar (19 avril 2023) à 48,34 livres pour 1 dollar actuellement (19 avril 2024), suite aux dévaluations successives opérées par les autorités cairotes.
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A l’opposé, l’économie sud-africaine, qui a enregistré une croissance de seulement 0,6% de son PIB, se positionne désormais en tant que première puissance africaine. En effet, le PIB à prix courant du pays n’a pas été impacté par le taux de change. En effet, le rand sud-africain a fortement résisté vis-à-vis du dollar. Ainsi, sur la période allant du 18 avril 2023 à avril 2024, la monnaie sud-africaine ne s’est dépréciée que légèrement de 5,44% face au billet vert.
Pour le cas de l’Algérie, sa position tient surtout au rebasage des comptes économiques en septembre 2023, prenant comme année de base l’année 2021 au lieu de 1989. Cela a permis d’ajuster la valeur courante du PIB de 2022 qui s’est répercutée sur les perspectives des années 2023 à 2026. Ainsi, en septembre 2023, suite au rebasage, le PIB algérien est passé de 187 à 233 milliards de dollars du fait d’un simple changement de méthode de calcul, soit un accroissement mécanique de 46 milliards de dollars sur le PIB recalculé de 2022.
Mais le recul du Nigeria au 4e rang des puissances économiques africaines ne devrait pas s’inscrire dans la durée. Le pays devrait améliorer son PIB dans le sillage de l’appréciation du naira. Déjà, après avoir atteint un plancher de 1.625,21 nairas pour 1 dollar le 11 mars dernier, la monnaie nigériane ne cesse de s’apprécier depuis et s’échange désormais à 1149,01 nairas pour 1 dollar. Cette appréciation reste toutefois fragilisée par l’évolution du niveau des réserves en devises du pays. A ce titre, les sorties de devises ne cessent de s’accélérer au cours de ces dernières semaines. Ainsi, depuis le 18 mars, date à laquelle la monnaie nigériane a entamé son rebond après avoir atteint des niveaux historiquement bas vis-à-vis du dollar, les réserves ont diminué de 5,6% pour s’établir à 31,7 milliards de dollars le 12 avril, soit la plus forte baisse en si peu de temps depuis avril 2020.
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Si les réserves arrivent à se maintenir à un niveau acceptable, les réformes engagées par le nouveau régime (réforme monétaire, fin des subventions…), les investissements colossaux initiés actuellement (raffinerie de Dangote par exemple qui réduira la facture des importations de carburants) et ceux annoncés au niveau du secteur gazier devraient conduire à une croissance plus forte dans les années à venir.
Rappelons que c’est en 2014 que le Nigeria est devenu la première puissance économique du continent, en supplantant l’Afrique du Sud, avec un PIB de 510 milliards de dollars en 2013. Cette année-là, le pays a vu son PIB augmenter d’un coup de 56 milliards de dollars après l’adoption d’une nouvelle méthode de calcul de sa richesse, dans le sillage des recommandations des Nations Unies qui demandent aux Etats de modifier, tous les cinq ans, le mode de calcul de leur PIB pour prendre en compte les évolutions dans la production et la consommation. Avant ce changement, le mode de calcul du PIB du Nigeria avait comme base de référence 1990.