Alors que Royal Air Maroc (RAM) dévoile neuf nouvelles liaisons internationales pour 2026, deux d’entre elles, Casablanca/Pointe-Noire (Congo) et Casablanca–Tripoli (Libye), viendront renforcer sa toile africaine. Une stratégie qui s’inscrit dans une vision plus large: hisser le Maroc en hub continental et accélérer l’intégration économique africaine. Analysons les impacts pour les acteurs économiques du continent.
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Les liaisons vers Pointe-Noire et Tripoli, dont le lancement est prévu dès avril 2026, complètent un réseau africain déjà dense, mais ciblent des économies à potentiel relativement peu exploité. Des choix géographiques qui, loin d’être aléatoires, répondent à une analyse fine des dynamiques économiques régionales et des déficits de connectivité.
En effet, Pointe-Noire représente un pivot économique pour l’Afrique centrale, concentrant des activités pétrolières majeures et une infrastructure portuaire critique. En y établissant une liaison directe, RAM ne fait pas que capter un trafic d’affaires et de diaspora, la compagnie marocaine intègre cette économie-clé à son réseau global, faisant de Casablanca la plateforme privilégiée pour les flux entre cette région et l’Europe ou les Amériques.
À l’inverse, l’ouverture sur Tripoli relève d’une logique prospective de réintégration économique. En anticipant la stabilisation et la reconstruction de la Libye, la compagnie nationale du Maroc se positionne de manière à capter les flux commerciaux et de mobilité émanant d’un marché à fort potentiel, et consolidant ainsi son rôle de hub nord-africain incontournable.
Des choix qui reflètent une logique de diversification géographique et sectorielle, soulignée par Abdelhamid Addou, PDG de RAM. «Ces nouvelles lignes concrétisent notre ambition de croissance et constituent une étape clé de notre plan de développement. Depuis 2023, nous avons accueilli une dizaine d’appareils supplémentaires, augmenté nos fréquences sur plusieurs destinations stratégiques et ouvert près d’une vingtaine de lignes internationales», fait-il valoir. Deux nouvelles liaisons sur le continent qui s’ajoutent au renforcement de la présence au Caire, clé de voûte pour l’Égypte et la région.
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En parallèle, l’activisme démontré au Caire, souligné comme une destination stratégique, révèle l’ambition de créer des nœuds secondaires ou des «sous-hubs». La cérémonie organisée mercredi 10 décembre 2025 au Caire, sous le signe «Vivons la passion du football», centrée sur la CAN et le réseau d’agents locaux, vise à ancrer la RAM dans l’écosystème économique de la région, utilisant cette plateforme pour mieux desservir l’Afrique de l’Est et le Moyen-Orient.
Comme l’a déclaré Moustapha Stachi, directeur régional en Égypte, l’engagement est de «renforcer les liaisons aériennes entre le Maroc et l’Égypte et partant, entre l’Égypte et le reste du monde». Cette phrase résume parfaitement la vision en réseau: Casablanca est le centre, mais sa puissance rayonne via des partenariats locaux solides. L’ensemble de ces mouvements– ajoutés aux récentes ouvertures vers N’Djamena ou Sal au Cap-Vert, dessine une cartographie aérienne de plus en plus dense et intelligente.
Ilham Kazzini en a donné la clé de lecture: «chaque nouvelle route que nous ouvrons est un symbole de notre ambition et de l’extension du rôle du Maroc dans le ciel africain». Il ne s’agit pas seulement de desservir des villes, mais de tisser une toile d’influence et d’échanges qui repositionne sur le plan géostratégique le Maroc comme une plaque tournante continentale.
Le sport accélère la connexion
La CAN 2025 opère comme un catalyseur sans précédent de la stratégie africaine de la RAM, transcendant le cadre strict du sponsoring pour devenir un levier opérationnel et narratif puissant. Sur le plan opérationnel, l’événement fournit une justification économique immédiate et massive au renforcement des capacités. La demande prévisible de transport de supporters, d’équipes et d’officiels valide les investissements en flotte et accélère l’optimisation du réseau, notamment vers les villes hôtes marocaines.
Les offres promotionnelles ciblées et les cérémonies comme le «Top Sellers Maroc» sont des outils concrets pour stimuler les ventes et fidéliser les partenaires commerciaux dans cet environnement de forte demande. Stratégiquement, la CAN est instrumentalisée comme une plateforme de diplomatie économique de haut niveau. Les récents événements au Caire et à Casablanca, réunissant des centaines d’opérateurs du tourisme et du voyage, transforment la compagnie aérienne en ambassadrice des intérêts économiques marocains et en facilitatrice de partenariats intra-africains. L’hommage aux agents de voyages égyptiens les plus performants illustre cette volonté de construire des relations gagnant-gagnant et d’ancrer localement la distribution de ses services.
Enfin, et c’est peut-être l’aspect le plus subtil, la RAM bâtit un narratif puissant d’intégration et de fierté continentales à travers le sport. Le discours d’Ilham Kazzini, directrice Pôle Commercial de RAM, est emblématique de cette construction: «RAM ne transporte pas seulement des passagers, mais des rêves, des victoires, de l’espoir et de la fierté africaine». En se présentant comme le transporteur des «champions africains», la compagnie s’identifie aux aspirations du continent et se place au service de son unité et de son dynamisme. Ce récit, qui associe la performance sportive à la performance commerciale et logistique de la RAM, consolide son image d’acteur panafricain essentiel.
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Une dynamique qui trouve son prolongement naturel dans la perspective de la Coupe du Monde 2030, présentée comme un horizon justifiant l’expansion continue vers une flotte de 130 appareils. La CAN 2025 n’est donc pas une fin en soi, mais une étape démonstrative et accélératrice d’une stratégie de long terme visant à faire de la RAM l’épine dorsale de la mobilité et de l’intégration économiques africaines.
Ainsi, la stratégie d’expansion africaine de la RAM n’est pas un simple fait d’entreprise, mais déclenche une série d’effets structurants sur l’ensemble de l’écosystème économique continental. Pour les entreprises, l’ouverture de corridors aériens directs vers des pôles économiques comme Pointe-Noire ou la réactivation de liaisons vers Tripoli et Le Caire réduisent significativement les coûts de transaction et les délais logistiques.
En connectant ces marchés clés à la plateforme de Casablanca, elle-même renforcée par de nouvelles liaisons européennes (Lille, Bilbao, Alicante) et long-courrier (Los Angeles, São Paulo), RAM crée des ponts aériens qui facilitent les flux d’investissement, les déplacements des cadres et l’émergence de chaînes de valeur régionales. Cette infrastructure de mobilité est un prérequis opérationnel concret à la mise en œuvre effective de la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAf), en rapprochant physiquement les marchés.
Le secteur touristique est un bénéficiaire immédiat et double: d’une part, l’accessibilité accrue au Maroc, destination phare, est boostée par les nouvelles routes et les fréquences; d’autre part, le rôle de transporteur officiel de la CAN 2025 fait de RAM l’artère principale d’un méga-événement générateur de flux touristiques intra-africains massifs.
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Les opérateurs locaux, notamment les agences de voyages partenaires célébrées au Caire et à Casablanca, devraient voir leurs revenus et leur importance stratégique renforcés, s’inscrivant dans un réseau de distribution continental intégré. Pour les infrastructures, les aéroports de Pointe-Noire et de Tripoli devraient gagner en trafic, en connectivité internationale et donc en attractivité pour les investisseurs.
Sur le plan logistique, le développement concomitant de la flotte long-courrier et la densification du réseau sous-tendent une capacité de fret accrue, essentielle pour des secteurs comme l’agro-industrie, la pharmacie ou le e-commerce, permettant d’intégrer les économies africaines dans des chaînes d’approvisionnement plus réactives et moins dépendantes des escales extérieures au continent. Enfin, cette stratégie aérienne constitue un instrument de premier ordre de la politique africaine du Maroc. Elle matérialise sur le terrain, par les routes et les appareils, une vision de leadership économique et d’intégration.
Comme l’a exprimé Ilham Kazzini, il s’agit de «l’extension du rôle du Maroc dans le ciel africain». Une extension qui bénéficie aux acteurs économiques africains en leur offrant des alternatives de connectivité, tout en repositionnant géostratégiquement le Maroc comme un pivot et un pont renforcé entre l’Afrique et le monde.
Ainsi, les nouvelles liaisons africaines de RAM, Pointe-Noire, Tripoli, et le renforcement stratégique du Caire, ne sont pas des décisions isolées. Elles s’inscrivent dans un plan d’expansion cohérent visant à ériger Casablanca en hub mondial et à faire de la compagnie nationale marocaine un acteur pivot de la connectivité continentale. La synergie avec la CAN 2025, puis la Coupe du monde 2030, fournit un catalyseur puissant et un narratif mobilisateur autour de l’unité et de la fierté africaines.
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Les impacts pour les acteurs économiques africains sont profonds: facilitation des échanges, stimulation du tourisme intra-africain, renforcement des opérateurs locaux et amélioration de l’intégration logistique. Au-delà du Royaume, c’est bien la circulation des personnes, des biens et des opportunités à travers le continent que RAM entend fluidifier, se positionnant ainsi comme un architecte clé de l’intégration économique africaine pour les années à venir.
Royal Air Maroc: le double ancrage africain au cœur de l’expansion 2026
| Pays | Ville concernée | Contexte | Impact économique/stratégique |
|---|---|---|---|
| Congo | Pointe-Noire | Nouvelle liaison (avril 2026) | Pivot de l’Afrique centrale: hub logistique pour les flux Europe/Amériques via Casablanca. |
| Libye | Tripoli | Nouvelle liaison (avril 2026) | Réintégration d’un marché post-conflit: anticipation des flux commerciaux. |
| Égypte | Le Caire | Renforcement stratégique (CAN 2025) | Ancrage commercial pour desservir l’Afrique de l’Est et le Moyen-Orient ; consolidation des partenariats locaux (tourisme, voyages). |
| Tchad | N’Djamena | Ouverture récente | Densification du réseau: connectivité des marchés émergents et facilitation des échanges intra-africains. |
| Cap-Vert | Sal | Ouverture récente | Renforcement des liaisons atlantiques: soutien au tourisme et aux échanges économiques insulaires. |
| Maroc | Casablanca | Hub central | Plateforme continentale: intégration des flux internationaux (Europe, Amériques) et levier pour la CAN 2025/Coupe du Monde 2030. |




