Dette des pays africains: 70% de la hausse dus à la dépréciation des monnaies locales

Les 10 pays africains les plus endettés auprès du FMI en août 2025

Le 05/11/2025 à 16h00

Makhtar Diop, directeur général de la Société financière internationale, filiale du Groupe de la Banque mondiale, a annoncé la possibilité d’un élargissement des prêts en monnaies locales africaines. L’objectif est de permettre aux projets d’atteindre une taille susceptible d’attirer des capitaux institutionnels mondiaux et par la même occasion réduire considérablement le poids de la dette.

«Ce que les investisseurs nous disent, c’est que lorsque nos actifs sont inférieurs à un milliard de dollars, cela ne les intéresse pas», a expliqué Makhtar Diop lors la conférence de l’AFIS le 4 novembre à Casablanca. «Quand on parle à BlackRock, quand on parle à tous ces gens-là, ils nous disent qu’il nous faut un certain volume d’actifs pour pouvoir investir dans nos pays et disposer de ressources à long terme», a-t-il ajouté.

Selon le directeur général de la Société financière internationale (SFI), la stratégie vise à mobiliser davantage de capitaux privés dans les économies en développement, à un moment où l’aide publique des pays industrialisés s’amenuise et où les financements concessionnels deviennent plus rares. Les prêts en monnaie locale, a-t-il souligné, offrent une protection contre la volatilité des taux de change, un risque majeur pour les économies africaines.

L’Afrique a représenté plus de 15 milliards de dollars d’engagements de la SFI l’an dernier, principalement sous forme de dettes et de financements commerciaux. Makhtar Diop a précisé que près de 30% du portefeuille actuel de la SFI est déjà constitué de prêts libellés en monnaies locales. L’institution cherche par ailleurs à développer des partenariats avec les banques commerciales pour échanger des ressources en dollars contre des lignes de crédit en monnaie locale. Une meilleure intégration des marchés africains, notamment par l’interopérabilité des bourses régionales, constituerait selon lui un levier essentiel pour mobiliser l’épargne domestique et attirer des investisseurs à long terme.

Le Bureau du Conseiller spécial des Nations Unies pour l’Afrique (OSAA) a rappelé que la dégradation des conditions financières mondiales pèse lourdement sur les économies du continent. «Suite à la pandémie de COVID-19, les conditions de financement mondiales se sont durcies, pesant lourdement sur de nombreuses économies africaines. Ce durcissement a restreint l’accès aux marchés financiers internationaux, réduit les marges de manœuvre budgétaires et fait exploser le service de la dette», indique l’OSAA.

Un contexte de vulnérabilité financière aggravée

Les chiffres dressent un constat sévère: le service de la dette africaine a atteint près de 90 milliards de dollars en 2024, un niveau qui asphyxie les budgets publics et freine les investissements dans des secteurs essentiels comme la santé, l’éducation ou les infrastructures. Vingt-cinq pays africains étaient alors en situation de surendettement.

Plus de 70% de l’augmentation de la dette africaine en 2023 provenait de la dépréciation monétaire. Celle-ci a provoqué une envolée du coût de la dette extérieure, menaçant la stabilité financière. Plus de la moitié des pays africains ont subi une dépréciation de leur monnaie pouvant atteindre jusqu’à 40%, à l’image de la livre égyptienne, du cedi ghanéen ou du leon sierra-léonais. Le kwacha malawite s’est, quant à lui, déprécié de 25% en 2022 et de 44% supplémentaires en 2023.

Malgré les multiples programmes d’allègement de dette, ces initiatives n’ont pas résolu la question de la volatilité des devises, cause structurelle du surendettement. L’OSAA estime que le recours accru aux prêts en monnaie locale auprès d’institutions internationales pourrait contribuer à stabiliser les finances publiques et à renforcer la viabilité de la dette.

Toutefois, plus de 80% des prêts accordés aux pays à faible revenu et à revenu intermédiaire de la tranche inférieure par les banques multilatérales de développement et les institutions financières internationales demeurent libellés en devises fortes, principalement en dollar américain. En transférant le risque de change aux États, ces pratiques aggravent les vulnérabilités budgétaires et accentuent la dépendance extérieure.

Selon l’OSAA, les prêts en monnaie locale constituent un instrument de stabilisation à long terme : ils protègent contre la dépréciation monétaire, renforcent la prévisibilité budgétaire et favorisent une gestion plus soutenable de la dette. En permettant aux pays africains de bâtir une résilience financière durable, ces mécanismes pourraient devenir un levier déterminant pour atteindre les Objectifs de développement durable (ODD).

Par Mouhamet Ndiongue
Le 05/11/2025 à 16h00