Droits de douane de Trump appliqués à l’Afrique: les pays qui laissent des plumes et ceux qui en profitent

Les surtaxes douanières de Trump impactent négativement les exportations de certains pays.

Le 04/10/2025 à 16h10

Avec la fin de l’African Growth and Opportunity Act, tous les produits exportés d’Afrique vers les États-Unis subissent des droits de douane. Certains produits venant de 21 pays du continent sont même soumis à des surtaxes qui les rendent moins compétitifs sur le marché américain. Des baisses des exportations et des pertes d’emplois sont d’ores et déjà signalées. Toutefois, l’exemption de taxes de plusieurs minerais, décidée le 8 septembre dernier, profite à de nombreux pays.

Si le taux de droit de douane de 10% frappant tous les produits importés par les États-Unis et la taxe sur l’automobile de 25% sont en vigueur depuis avril, ce n’est qu’en août dernier que les nouveaux tarifs douaniers américains sont devenus effectifs après leur publication par l’administration Trump. Les impacts de ces taxes douanières se font déjà sentir sur certaines économies.

Le continent africain, dont seulement 6% des exportations partent vers les Etats-Unis, n’a pas été du épargné, même s’il a été relativement épargné par la dernière mouture des taxes du président Trump signée le 31 juillet dernier. En détail, sur les 51 pays africains concernés par les nouvelles taxes, quatre (Afrique du Sud, Algérie, Tunisie et Libye) sont assujettis à des surtaxes élevés (27% à 30%), dix-sept pays subissent des surtaxes de 15% et le reste des pays du continent ne supportant que la taxe de 10%.

En clair, 21 pays africains subissent les surtaxes de Trump. Or, ces droits de douane augmentent le prix des produits africains sur le marché américain pouvant entrainer des pertes de parts de marché pour certains produits et certains pays.

Il faut dire que les exportateurs africains n’ont pas le choix. Ils doivent répercuter les coûts de la surtaxe, soit sur les importateurs américains, soit sur leurs propres marges. Une situation qui peut affecter les exportations des pays touchés, notamment les produits agricoles, le textile, l’automobile… particulièrement vulnérables aux droits de douane américains et qui constituent des piliers importants pour de nombreuses économies africaines.

L’impact principal est que ces taxes et surtaxes signent la fin de l’African Growth and Opportunity Act (Agoa), pilier de la politique commerciale américaine envers le continent africain depuis vingt-cinq ans. Cet accord, qui a pris fin le 30 septembre dernier, permettait l’entrée en franchise de douane de nombreux produits (produits agricoles, minerais, véhicules…) exportés par les pays d’Afrique subsaharienne sur le marché américain. L’arrêt de l’Agoa implique donc la fin d’un avantage compétitif pour de nombreux produits venant de cette région.

Et certains pays africains sont plus impactés que d’autres. L’Afrique du Sud qui était le grand bénéficiaire africain de l’Agoa, et de loin le premier partenaire commercial africain des Etats-Unis, est logiquement le pays le plus impacté par les surtaxes de Donald Trump. Avec une surtaxe de 30%, le pays qui exporte des minerais, des voitures, des produits agricoles… subit de plein fouet l’impact de la surtaxe américaine, sachant que les États-Unis absorbent annuellement environ 6 à 8% de fruits et environ 26.000 véhicules sud-africains.

Ayant longtemps bénéficié de la franchise de douane offerte par l’Agoa, les exportations de véhicules sud-africains, qui représentaient 15% des exportations du pays vers les États-Unis, sont soumises depuis mars 2025 à une surtaxe douanière de 25%. Or, parmi les principaux modèles exportés par le pays figure en bonne place la BMW X3 dont la fabrication est délocalisée par le constructeur allemand en Afrique du Sud et aux États-Unis (en Chine pour le modèle électrique).

Avec la taxe de 25%, à laquelle il faut ajouter les frais de logistique liés à l’exportation (transport et autres frais), le véhicule produit en Afrique du Sud perd sa compétitivité vis-à-vis du même modèle fabriqué aux États-Unis. D’où la chute des exportations de véhicules sud-africains vers le marché américains.

Ainsi, entre janvier et juillet 2025, les exportations de véhicules sur le marché américain se sont établies à 9,8 milliards de rands, contre 26,5 milliards de rands durant la même période de l’année précédente, accusant une perte de 16,7 milliards de rands, soit plus de 966 millions de dollars en sept mois. Selon The Daily Investor, «les exportations de véhicules et de pièces détachées d’Afrique du Sud vers les États-Unis ont diminué en glissement annuel de 65% en juin et de 80% en juillet», citant les données du Bureau américain du recensement sur le commerce international de biens et de services.

La situation s’est même corsée depuis août, l’Afrique du Sud étant désormais soumise à un tarif général de 30%. Un tarif qui augmente encore plus le coût pour les entreprises américaines importatrices des véhicules sud-africains. C’est dire que la baisse des exportations automobiles sud-africaines va s’intensifier et pourrait même s’effriter complètement d’ici la fin de l’année.

L’impact sur les exportations sud-africaines, notamment sur les secteurs automobiles et agricoles, se traduira par une baisse des recettes d’exportation et des pertes d’emplois qui viendront accroître le taux de chômage dans le pays actuellement au-dessus des 30%.

Cette situation a poussé Standard Bank Group, l’une des principales institutions financières d’Afrique du Sud, à revoir à la baisse la croissance du Produit intérieur brut et ses prévisions de croissance, les ramenant de 1,7% (prévision de mars) à 0,9% pour 2025 et de 2% à 1,3% pour 2026.

L’impact aurait pu être beaucoup plus important si les exportations des minerais, de loin les plus importantes vers les États-Unis en termes de valeur, étaient impactées. Heureusement pour l’Afrique du Sud, ces produits sont désormais exonérés de surtaxes par l’administration Trump.

Outre l’Afrique du Sud, au Kenya, certains secteurs économiques sont affectés par les droits de douane de Trump, à cause notamment de la fin de l’Agoa. Le secteur du textile est le plus touché à cause de la taxe de 10% qui frappe les exportation kenyane vers les États-Unis. Habitués à bénéficier d’un accès en franchise de douane, les exportations du pays doivent désormais faire face à d’autres acteurs plus compétitifs. Ainsi, United Aryan, une des plus grandes entreprises du pays fabriquant des jeans Wrangler et Levi’s a annoncé le licenciement de 1.000 de ses 10.000 salariés avec la fin de l’Agoa.

Au-delà des répercussions sur les exportations, l’incertitude concerne également les acheteurs américains qui devront supporter une partie de la hausse des coûts occasionnée par la taxe douanière, mais aussi les prêteurs (banques) qui pourraient manquer de visibilité.

D’autres pays sont dans la même situation. C’est le cas du Lesotho dont l’industrie du textile s’est développée grâce à l’Agoa qui permettait à ce petit pays d’exporter d’importantes quantités de jeans sur le marché américain en franchise de douane. Désormais, ces exportations sont soumises à une surtaxe de 15%.

Face à cette situation, il urge pour les pays africains impactés de trouver des marchés alternatifs. Cela passe par des diversifications économiques afin de réduire les dépendances sur des produits essentiellement écoulés sur le marché américain, comme c’est le cas notamment du marché des jeans du Kenya et du Lesotho, le renforcement du commerce intra-africain dans le cadre de la Zlecaf pour compenser les pertes sur le marché américain, la diversification géographique des exportations, …

A noter tout de même que tous les pays africains ne sont pas perdants dans leurs relations commerciales avec les États-Unis. Et pour cause, les exportations de plus d’une trentaine de pays africains ne supportent que la taxe de 10%. Ce qui leur procure un avantage compétitif par rapport à leurs concurrents asiatiques (Bangladesh, Cambodge, Laos, Malaisie, Pakistan, Inde, Philippines, Taïwan,…) et latino-américains plus taxés. C’est ainsi que certains pays ont tiré profit de la conjoncture avec des exportations en hausse vers les États-Unis. C’est le cas de la RDC, de l’Éthiopie, du Kenya (en dépit des impacts sur le secteur du textile),…

Selon la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA), la RDC est le plus important bénéficiaire avec une augmentation de ses ventes vers les États-Unis de plus d’un milliard de dollars entre avril et juillet 2025, comparativement à la même période de l’année précédente. De même, l’Éthiopie et le Kenya ont vu leurs échanges avec les États-Unis croitre respectivement de 95% et 22% durant la même période.

Ces performances s’expliquent par plusieurs facteurs dont la flambée des cours des minerais sur le marché international, les effets de détournement des échanges commerciaux à cause du différentiel des tarifs douaniers appliqués par les États-Unis, la forte demande américaine pour les minerais…

En effet, si la RDC est taxée à 15%, l’Éthiopie et le Kenya ne le sont qu’à 10%. Une situation qui offre un avantage certains pour ces pays par rapport aux exportateurs asiatiques ou latino-américains imposés jusqu’à 30%.

Globalement, les pays africains les moins affectés et ceux qui tirent le plus de profits des taxes imposées par Trump sont ceux qui exportent des minerais. La situation de ces exportateurs devrait d’ailleurs s’améliorer avec la décision du président américain, prise dans la cadre d’un Executive Order du 5 septembre 2025, d’exempter des droits de douane certains minéraux stratégiques, dont l’uranium, l’or, le graphite, le tungstène,…

Des exemptions qui s’expliquent par le fait que ces minéraux sont des intrants stratégiques pour des secteurs américains tels que l’énergie nucléaire, l’aérospatial, les technologies de pointe, les énergies renouvelables… Ces exemptions visent ainsi à sécuriser des approvisionnements jugés essentiels pour la sécurité économique américaine et soutenir la compétitivité des secteurs de pointe américains qui font face à la flambée des cours de certains minéraux dont les États-Unis sont dépendants.

Bref, en l’absence de recul, les impacts des droits de douane sont pour le moment mitigés sur les pays africains. Il faudra attendre une année d’application des surtaxes pour avoir une idée claire des impacts et ce d’autant plus que rien n’est encore définitif avec les taxes douanières de Trump.

Certains pays africains, dont particulièrement l’Afrique du Sud, continuent de négocier afin d’obtenir une réduction de la taxe. En plus, l’exemption de droits de douane, depuis le 5 septembre dernier, des minerais considérés comme stratégique illustre clairement que rien n’est figé dans les relations commerciales entre les Etats-Unis et les pays du continent.

Par Moussa Diop
Le 04/10/2025 à 16h10