Élection du président de la Banque africaine de développement: le mode d’emploi

Les cinq candidats à l'élection à la présidence de la Banque africaine de développement (BAD).

Le 21/05/2025 à 16h37

La succession du Nigérian Akinwumi Adesina à la tête de la BAD aura lieu en marge des Assemblées générales du Groupe de la Banque africaine de développement (BAD) qui se tiendront du 26 au 30 mai 2025 à Abidjan. Ce sont les 81 actionnaires régionaux (54 pays Africains) et non- régionaux (27 pays non-africains) qui élirons le futur président qui devra obtenir une double majorité des voix. Décryptage.

Qui sera le futur président du Groupe de la Banque africaine de développement? La réponse sera connue jeudi 29 mai à Abidjan, en Côte d’Ivoire. Le dernier Africa CEO Forum, les 12 et 13 mai à Abidjan, a été le théâtre de lobbying de la part de certains chefs d’État venus soutenir leur candidat. C’est le cas du président sud-africain Cyril Ramaphosa, du sénégalais Bassirou Diomaye Faye et du mauritanien Mohamed Cheikh el Ghazouani. Cet intérêt illustre les enjeux de cette élection dans laquelle toutes les voix peuvent compter, même si elles sont loin d’avoir le même poids sur la balance.

Cinq candidats sont en lice et battent campagne avec l’appui de leurs gouvernements respectifs pour engranger le maximum de soutien afin de maximiser leurs chances. Il s’agit du Mauritanien Sidi Ould Tah, ancien président de la BADEA, du Sénégalais Amadou Hott, ancien ministre de l’Economie et des Finances du Sénégal, du Zambien Samuel Maimbo, ancien vice-président à la Banque mondiale, de la Sud-africaine Swazi Tshabalala, ancienne vice-présidente principale de la BAD, et du Tchadien Abbas Mahamat Tolli, ancien gouverneur de la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac).

Ce sont les 81 actionnaires de la BAD, représentés au sein du Conseil des gouverneurs, qui éliront le futur président. Ceux-ci sont constitués des 54 pays régionaux, c’est-à-dire les 54 pays africains, et les 27 actionnaires non-régionaux qui regroupent les pays non-africains actionnaires de la banque.

Chacun de ces actionnaires a un droit de vote correspondant à son poids dans le capital de la BAD. En clair, plus un pays détient un pourcentage élevé du capital de l’institution panafricaine, plus il pèse dans l’élection.

Selon les données de la BAD à fin avril 2025, les pays régionaux détiennent 59,044% du capital et les pays non régionaux 40,956% du capital et donc des droits de vote.

Pour être élu président, le candidat doit recueillir deux majorités lors des élections du 29 mai. Il doit obtenir 50,01% des droits de vote des pays régionaux (majorité régionale), et 50,01% de l’ensemble des 81 actionnaires (la majorité des membres régionaux et non-régionaux).

Le Nigeria est le premier actionnaire avec 9,333% du capital de la banque, alors que les Comores n’en détiennent que 0,012% et ont en conséquence un poids insignifiant dans l’élection du président.

Ainsi, si toutes les voix comptent dans cette élection, certaines étant plus courues que d’autres. C’est le cas de celle du Nigeria, premier actionnaire de la BAD et l’un des principaux faiseurs de rois au sein de l’institution panafricaine.

En effet le vote du pays le plus peuplé d’Afrique et premier actionnaire de la BAD fait souvent pencher la balance. Le pays pèse 15,80% du vote des pays africains et constitue un bon socle pour espérer disposer de la majorité des votes au niveau régional. C‘est donc l’un des pays les plus courtisés.

Contrairement à certains pays qui ont déjà ouvertement déclaré leur soutien à l’un des cinq candidats, le Nigeria n’a pas officiellement prononcé son soutien. Une chose est toutefois sure, si le Nigeria décide de voter pour l’un des favoris de cette élection, celui-ci aura beaucoup de chance de passer.

L‘Égypte, second actionnaire avec 6,33% des droits de vote, va peser aussi sur le choix du futur président, comme c’est le cas de l’Algérie (5,331%), du Maroc (4,761%) et de la Côte d’Ivoire (3,824%) au niveau africain.

Les cinq premiers actionnaires africains pèsent 29,579% des droits de vote globaux et 50,096% des votes régionaux, soit plus que la majorité des votes africains (50,01%).

Au niveau des actionnaires non-régionaux, les États-Unis, 3e actionnaire de la BAD avec 6,092% des droits de vote, pèsent sur la balance du fait de son influence sur certains pays anglo-saxons. Certains observateurs pensent que le premier actionnaire non-africain de la BAD voterait en faveur du candidat zambien Samuel Munzele Maimbo qui bénéficie de la proximité avec l’ancien président de la Banque mondiale, David Malpass, dont il a été le chef de cabinet. Samuel Munzele Maimbo jouit également de la proximité avec l’actuel président de la Banque mondiale, l’américain Ajay Banga, dont il a été, jusqu’à sa récente démission, vice-président de la Banque mondiale.

En dehors des États-Unis, le vote du Japon (4e actionnaire de la BAD), de l’Allemagne (4,139%), du Canada (3,853%) et de la France (3,713%) seront déterminants.

En clair, l’élection du président de la BAD repose sur une poignée de pays. Les dix premiers actionnaires de la banque (régionaux et non-régionaux) représentant 52,819% du capital de la BAD sont déterminants dans le choix du futur président de l’institution.

Seulement, ces pays ne votent pas de manière uniforme. Plusieurs facteurs entrent en jeu. Des affinités politiques, linguistiques (rivalités anglophones et francophones) et régionales (Afrique de l’Ouest, Afrique Australe, Afrique Centrale, Afrique du Nord et Afrique de l’Est) influent sur les votes des différents pays régionaux.

Ainsi, les pays d’Afrique Centrale soutiennent le candidat tchadien Abbas Mahamat Tolli, alors que ceux de l’Afrique australe, en dehors de l’Afrique du Sud, misent sur le Zambien, Samuel Munzele Maimbo.

Par contre, il n’y a pas de consensus au niveau de l’Afrique de l’Ouest autour du candidat sénégalais Amadou Hott, et encore moins de l’Afrique du Nord autour de la candidature du mauritanien Sidi ould Tah. Ce dernier est plutôt soutenu par de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest dont la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Togo, le Mali….

D’autres critères sont aussi passés au peigne fin, notamment par certains actionnaires non-régionaux: la compétence, l’éthique,...

La géopolitique aussi et les relations historiques entre les pays africains et certains de leurs partenaires occidentaux peuvent influer sur les décisions de certains membres non-régionaux de soutenir tel ou tel candidat.

Ainsi, tout porte à croire que l’élection du président de la BAD risque de se jouer sur plusieurs tours du fait de l’absence de consensus sur l’un des candidats. Chaque tour verra l’élimination du candidat ayant recueilli le moins de voix et ainsi de suite jusqu’à ce que l’un des candidats obtienne la double majorité requise pour être déclarée président du groupe de la BAD.

Par Moussa Diop
Le 21/05/2025 à 16h37