Encore un aveu d’échec du régime algérien: après des années d’interdiction, les importations à nouveau autorisées

Le port d'Alger.

Le 12/10/2023 à 17h38

Les autorités algériennes ont délivré, en catimini, des licences d’importation de nombreux produits, attestant ainsi de l’échec de la «politique économique» adoptée par le régime, synonyme de privations de la population algérienne avec à la clé des pénuries et des hausses des prix. Toutefois, si ces deux facteurs sont avancés pour justifier cette décision de reprise des importations, un autre facteur pourrait avoir beaucoup pesé sur la balance.

C’est un revirement de taille que vient de connaître la politique économique suivie par l’Algérie au cours de ces dernières années et qui vient d’être annoncé par Mohamed Hassani, président du Forum algérien import-export. Un revirement que les autorités ont effectué en catimini, afin de dissimuler leur lamentable échec. Ce sont les opérateurs économiques eux-mêmes qui ont communiqué sur l’évènement en lieu et place des autorités, certainement gênées par cet énième revirement.

Ainsi, selon Mohamed Hassani, cité par les médias algériens, de nombreux opérateurs économiques ont reçu des licences de la part des autorités concernées pour importer à nouveau des produits de l’étranger. Il explique que les autorités souhaitent réduire la pression sur le marché national. Parmi les produits concernés figurent, entre autres, les pièces détachées, les chaussures, les habits, les médicaments, les cosmétiques, ustensiles, meubles de maison…

Selon ObservAlgérie, les opérateurs économiques algériens ont obtenu les certificats de domiciliation bancaire et la couverture de tous les produits peu ou pas disponibles sur le marché national. Cette mesure devrait concerner presque tous les produits qui étaient interdits à l’importation au cours de ces dernières années par les autorités.

Il s’agit d’un véritablement revirement de la politique adoptée par le régime. Pour rappel, au cours des dernières années de Abdelaziz Bouteflika et ensuite, plus particulièrement depuis l’avènement du président Abdelmadjid Tebboune à la tête du pays en décembre 2019, l’Algérie a fait de l’interdiction des importations l’alpha et l’oméga de sa politique économique. Une politique qui s’est traduite par des interdictions d’importations de plus d’un millier de produits, toutes catégories confondues: voitures neuves et d’occasion, pièces détachés, produits alimentaires, matières premières, demi-produits…

Une très longue liste de produits dont l’importation est interdite a été dressée par les autorités à laquelle est venue se greffer, plus tard, des produits très lourdement taxés (des taxes allant de 30 à 200%) pour dissuader toute velléité d’importation.

A travers ces mesures, les dirigeants algériens, qui avaient dilapidé les importantes réserves en devises du pays, lesquelles avaient fondu de presque 194 milliards de dollars en 2014 à moins de 30 milliards en 2021, cherchaient à préserver le minimum de réserves, et tant pis pour les conséquences.

Et ces dernières ont été néfastes et le seront encore durant plusieurs années. A titre d’exemple, plusieurs vies humaines ont été perdues à cause de l’interdiction d’importation de médicaments vitaux entrainant une grave pénurie qui a privé de nombreux enfants cancéreux des médicaments qui leur étaient indispensables.

Récemment, en avril dernier, ce sont les pénuries d’anesthésiants dentaires qui ont touché les cliniques spécialisées algériennes entrainant l’arrêt de nombreuses d’entre elles. Le président du Conseil national de l’ordre des médecins dentistes d’Algérie, Dr Dib Mohamed Réda, avait alors annoncé qu’«on compte 10.000 à 15.000 dentistes qui sont à l’arrêt». Une pénurie qui s’explique uniquement par l’interdiction d’importation de produits anesthésiants par les autorités.

Au niveau du secteur automobile, cette politique s’est traduite par le vieillissement du parc local qui ne s’est pas renouvelé depuis de nombreuses années. Ce vieillissement, aggravé par la pénurie de pièces détachées, a contribué à la hausse des accidents meurtriers de la route. Et même en cas de retour des importations de véhicules neufs, il faudra des années pour que le parc automobile algérien, retrouve sa qualité.

A travers ces interdictions, les Algériens ont été sevrés par le régime politico-militaire alors que l’offre locale, quand elle existe, demeure insuffisante. A titre d’exemple, l’interdiction d’importations de véhicules neufs, s’est traduite par une flambée des prix des voitures d’occasion. Ainsi, le prix d’une voiture ayant roulé plus d’une décennie revenait plus cher qu’une voiture neuve.

Mais du fait que les voitures nouvellement immatriculées soient introuvables sur le marché, à cause de l’arrêt des unités de montage automobiles, les Algériens n’avaient plus le choix. Une rareté qui se poursuit encore et toujours.

Cette politique d’interdiction des importations n’avait qu’un seul objectif: éviter la disparition du matelas des réserves en devises, tant pis si le peuple devrait souffrir et même mourir faute de soins ou alors en raison de produits écoulés à des coûts inaccessibles,…

Désormais, et grâce à la guerre Russie-Ukraine qui a permis à l’Algérie d’engranger d’importantes recettes en devises, poussant les autorités à dévoiler le montant alors qu’il avait cessé de communiquer sur le sujet lorsque celui-ci tournait autour des 20 milliards de dollars, les autorités ont rouvert les vannes de l’importations en soulignant que l’objectif était de faire face aux pénuries et à l’inflation.

Que nenni. Si ces deux facteurs sont cités pour expliquer les autorisations d’importation, ils n’expliquent pas tout. Sinon, pourquoi attendre alors que les pénuries ont été légion. En Algérie durant ces dernières années avec des files et des rationements de certains produits alimentaires de première nécessité.

Aujourd’hui, un autre facteur semble beaucoup influer sur la décision des autorités. C’est l’approche de l’élection présidentielle de 2024, pour laquelle le coût de la vie et les pénuries risquent de peser sur la balance. Du coup, le président Tebboune qui vise un second mandat à la tête de l’Algérie essaye de soulager les populations algériennes durement affectées par les pénuries et l’inflation causées par ses politiques malavisées.

A quelques mois de la présidentielle, l’inflation et les pénuries pourraient porter un rude coup au président, surtout que le soutien de la grande muette est loin d’être totalement acquis à cause des divisions qui rongent les clans opposés. Tebboune essaye donc d’amadouer le peuple en rétablissant les importations et atténuer les tensions sur le marché en augmentant l’offre de produits disponibles via les importations et abaisser par la même occasion les prix.

Il faut dire que les Algériens sont excédés par les privations. En 2021, le ministre algérien de l’Industrie pharmaceutique, Abderrahmane Lotfi Djamel Benbahmed, affichait sa satisfaction débordante pour avoir économisé près de 800 millions de dollars sur la facture des importations de médicaments, en faisant chuter celle-ci de 2 à 1,2 milliard de dollars, tout en faisant fi des sacrifices en vie humaines à cause l’indisponibilité de plus de 320 médicaments vitaux.

La situation était telle que le trafic de médicaments entre la France et l’Algérie était devenu un business très lucratif. Mais ce qui importe au ministre, c’est d’avoir satisfait le président Tebboune qui n’avait cessé de marteler aux ministres de réduire les factures des importations de leurs départements.

Une chose est claire, cette politique était vouée à l’échec. D’abord, si elle a contribué à réduire la facture des importations, celle-ci demeure encore colossale. En dépit des interdictions d’importations touchant plus d’un millier de produits, la facture s’est établie à 39 milliards de dollars en 2022. Une addition qui demeure importante du fait que le pays ne produit pas grand-chose. D’où les pénuries de nombreux produits. Ensuite, le pays étant dépendant des matières premières et de certains demi-produits pour faire fonctionner son industrie, ces interdictions ont plombé de nombreux opérateurs économiques et réduit la production industrielle locale de certains secteurs naissants.

Bref, cette politique a été un fiasco en ce sens qu’elle n’a pas permis l’émergence d’une offre locale à même de contrebalancer les produits jadis importés. La présidente de la Confédération générale des entreprises algériennes (CGEA) a dressé un tableau sombre de la situation économique en Algérie, dénonçant un «marasme généralisé» et un «échec général» de la politique économique menée dans le pays. Elle réclame la mise en place d’une commission d’enquête pour faire la lumière sur la délivrance des licences d’importations et les quotas dont bénéficient certains et pas d’autres….

Par Karim Zeidane
Le 12/10/2023 à 17h38