Extrême-Nord du Cameroun: du coton et du mil pour lutter contre la précarité et l’injustice

Une femme séparant séparant le mil de de la paille, des poussières et des déchets dans le Nord-Est du Cameroun.

Le 26/11/2024 à 11h11

VidéoLes cultivateurs de Extrême-Nord, l’une des régions les plus pauvres du Cameroun, sont pris en tenailles par de sévères conditions climatiques et par un système de rémunération inéquitable qui les prive d’une partie de leurs revenus. Reportage.

La région de l’Extrême-Nord Cameroun est la région la plus peuplée du pays et s’étend sur une superficie de 34.246 km². Bien servie par la géographie, un riche patrimoine culturel et sa diversité, cette région est pour beaucoup l’une des plus belles du pays. Les populations dans cette région frontalière du Tchad et du Nigéria, vivent essentiellement de l’élevage, de la pêche et de l’agriculture. L’élevage et l’agriculture assurent plus de 90% de leurs revenus.

Mais ces activités ont pour théâtre une nature plutôt sévère. «Au Cameroun, la région de l’Extrême-Nord est sujette à un climat semi-aride, amplifié par des dérèglements climatiques de plus en plus fréquents, avec des effets plus graves sur la vulnérabilité des populations rurales, en particulier celle des petits producteurs» rapporte l’Organisation onusienne en charge de l’agriculture et de l’alimentation (FAO) qui a organisé, du 4 au 6 juin 2024 à Maroua un atelier sur l’identification d’actions anticipatoires en vue d’atténuer les aléas de la sécheresse.

C’est dans ce contexte peu favorable que sont cultivés mil et coton. Si la culture du coton est destinée essentiellement à l’exportation, la culture des céréales comme le mil est entièrement destinée à la consommation locale, «notre mil finit généralement dans nos marmites et que nous consommons en couscous, bouillie ou encore du vin alcoolisé fabriqué localement» témoigne un agriculteur.

Mais pour le coton c’est une autre histoire. Pour cette fibre végétale, il faut obligatoirement l’intervention de la Société de Développement du Coton (Sodecoton) chargée d’exporter les dérivés ce produit dans d’autres pays sous formes d’huile végétale et de fibres qui est la plus utilisée par l’industrie du textile à travers le monde.

Cultiver n’est donc pas chose aisée, surtout dans un contexte où la précarité fait corps avec les populations. En 2022, la cinquième enquête camerounaise auprès des ménages révélait que s’agissant de la pauvreté «les taux les plus élevés sont enregistrés dans les régions d’enquête de l’Extrême-Nord, du Nord-Ouest et du Nord» des régions qui concentrent 34% des 28 millions d’habitants que compte ce pays d’Afrique centrale.

Les cultivateurs se battent bec et ongles pour avoir des meilleures récoltes. Saïdey Ardey est un cultivateur de mil. Pétri d’expérience, il en témoigne, «la culture du mil s’étend sur quatre mois avant la récolte. Dès le mois de juillet, nous préparons le terrain avec des produits chimiques. Les premières pluies nous permettent de labourer. Une fois le semi réalisé, nous attendons environ un mois avant d’enlever les mauvaises herbes. Une fois fait, chaque cultivateur se prépare à la récolte. C’est un travail très laborieux parce qu’il nécessite beaucoup d’énergies et de patience», a-t-il déclaré.

La plus grande difficulté de tous ces cultivateurs est qu’ils ne vivent pas réellement du fruit de leur labour. Le coût très élevé des intrants en est la cause. Pire, pour les cultivateurs du coton, c’est la Sodecoton qui fixe le prix d’un kilogramme du coton de manière unilatérale, ce qui prive les cultivateurs de revenus équitables. Créée en 1974, la Sodecoton, unité agro-industrielle à capitaux mixtes, encadre plus de 220 000 producteurs de coton dans la partie septentrionale du Cameroun, et produit notamment du coton et de l’huile.

Par Jean-Paul Mbia (Yaounde, correspondance)
Le 26/11/2024 à 11h11