Les banques nationales de développement (BND) jouent un rôle clé dans le comblement des importants besoins de financement en Afrique, estimés à 1,6 trillion de dollars d’ici 2030 pour atteindre les objectifs de développement durable. Ces BND font partie des outils de renforcement institutionnel et de planification du développement des pays africains. La Banque mondiale définit une BND comme toute institution financière possédée ou contrôlée en totalité ou en partie par un gouvernement national, dotée d’un mandat légal explicite pour atteindre des objectifs socio-économiques.
Lire aussi : Voici les 10 pays africains les plus endettés vis-à-vis de l’extérieur
Généralement, leur mandat est formulé à travers le financement de secteurs spécifiques, qui sont sélectionnés sur la base de la dotation naturelle et de l’avantage comparatif du pays ou d’objectifs stratégiques tels que le développement des infrastructures, la promotion de la production agricole locale et de l’exportation ou le développement des micro, petites et moyennes entreprises (MPME), entre autres. Un récent rapport de la Banque africaine de développement (BAD) permet de constater quelles sont les principales BND du continent et quels défis elles doivent surmonter.
Le classement des 10 plus grandes BND africaines en termes d’actifs totaux dévoile une forte concentration au Maroc et en Afrique du Sud. La Caisse de Dépôts et de Gestion du Maroc arrive en tête avec 32,5 milliards de dollars d’actifs en 2022, suivie du Crédit Agricole du Maroc (13,7 milliards). L’Afrique du Sud place deux BND dans le top 10: l’Industrial Development Corporation au 3ème rang avec 8,983 milliards de dollars, et la Development Bank of Southern Africa au 4ème rang avec 6,121 milliards. Le Nigeria se classe 5ème avec la Bank of Industry (5,303 milliards), suivie de l’Export Development Bank of Egypt en 6ème position (3,971 milliards). La Caisse des Dépôts et Consignations de Tunisie arrive 7ème avec 3,410 milliards. Le Maroc place une troisième BND, le Fonds d’Equipement Communal (FEC), au 8ème rang avec environ 2,867 milliards. La Zambian Investment Holding se classe 9ème avec 2,692 milliards d’actifs. La 10ème BND du classement est la Banque nationale d’investissement de côte d’Ivoire (BNI) avec 2,613 milliards de dollars d’actifs.
Des totaux actifs en croissance continue.. DR.
Les 4 pays africains ayant le plus grand nombre de BND
Le Maroc est ainsi le pays comptant le plus de BND dans le Top 10 des actifs avec 3, suivi de l’Afrique du Sud qui en compte 2. Le rapport souligne que «les régions d’Afrique du Nord et Australe concentrent 82,4 milliards de dollars d’actifs de BND, soit 84% du total continental». Mais sur le total de 87 BND que compte l’Afrique, peu importe leur classement, 4 pays se démarquent pour en avoir le plus grand nombre. Il s’agit du Nigéria (8 banques), l’Afrique du Sud (7 banques), le Maroc et le Zimbabwe (5 banques chacun).
Des mandats flexibles ou sectoriels
Environ 44% des 87 BND africaines ont un mandat flexible pour soutenir le développement économique, social et environnemental de manière générale. Elles représentent 67% des actifs totaux. Les autres se concentrent sur des secteurs spécifiques comme l’agriculture (16% des actifs), l’infrastructure, l’export, le logement social ou les PME.
Il faut dire qu’un mandat flexible permet aux BND de s’adapter aux priorités et d’avoir un impact transversal. Mais les BND sectorielles restent cruciales, notamment pour développer des expertises pointues comme le financement agricole ou des PME innovantes.
Une capitalisation insuffisante
Le principal défi demeure cependant la faible capitalisation des BND africaines. Avec seulement 98,6 milliards de dollars d’actifs totaux, elles ne représentent que 0,5% des actifs mondiaux des BND, contre 31% pour l’Amérique du Nord.
Disons que le défi de la faible capitalisation des banques nationales de développement (BND) africaines est un enjeu majeur qui freine leur capacité à financer les investissements nécessaires au développement du continent. Plusieurs éléments permettent d’expliquer et de contextualiser ce constat.
Tout d’abord, les économies africaines restent de taille relativement modeste comparées aux grandes puissances économiques mondiales. Cela se traduit mécaniquement par des masses financières plus faibles à allouer aux BND. Ensuite, les difficultés budgétaires chroniques de nombreux États africains limitent leurs capacités à recapitaliser suffisamment leurs BND nationales. Les priorités de dépenses publiques sont souvent contraintes.
Lire aussi : 5ème édition de l’Africa Investment Forum (AIF): 29,2 milliards de dollars d’intérêts d’investissement cumulés
Par ailleurs, l’accès aux marchés de capitaux internationaux pour lever des fonds reste limité pour la plupart des BND africaines en raison de notations de crédit peu élevées. Un autre facteur est le manque d’épargne longue disponible au niveau domestique sur le continent pour alimenter durablement les BND en ressources stables. Enfin, des faiblesses de gouvernance ont pu par le passé fragiliser la solidité financière de certaines BND africaines.
Renforcer les fonds propres est donc un défi prioritaire pour ces institutions, afin qu’elles puissent pleinement jouer leur rôle moteur de catalyseur des investissements structurants dont le continent a besoin (infrastructures, industries, agriculture, énergie, etc.).
Autres défis: l’expertise, la politique et les mandats
Au-delà des ressources, le rapport identifie d’autres freins majeurs comme le manque d’expertise technique, notamment pour évaluer les impacts sur le développement des projets financés. L’ingérence politique représente aussi un risque de dérive vers des objectifs électoralistes plutôt qu’économiques.
Enfin, des mandats trop larges avec des moyens limités, ou trop étroits réduisant les opportunités, peuvent entraver l’efficacité des BND. Au Nigeria et en Afrique du Sud, qui comptent respectivement 8 et 7 BND sur les 87 africaines, ces dernières pourraient gagner en complémentarité par une rationalisation de leurs mandats.
Lire aussi : Sénégal: plus de 35% des PME n’ont pas accès aux services financiers
Pour se financer, les BND africaines s’appuient principalement sur les émissions d’obligations, les apports publics et l’aide internationale, plus que sur les dépôts ou les bénéfices réinvestis.
Ce rapport livre ainsi un éclairage riche sur les atouts et les défis considérables des banques publiques de développement en Afrique pour financer l’émergence durable du continent.
Le Top 10 des Banques nationales de développement (BND) africaines en termes d’actifs (en USD)
Nom des BND | Pays | Total actif à fin 2022 (en USD) | Rang |
---|---|---|---|
Caisse de Dépôts et de Gestion du Maroc | Maroc | 32,550 milliards | 1er |
Crédit Agricole du Maroc | Maroc | 13,678 milliards | 2ème |
Industrial Development Corporation | Afrique du Sud | 8,983 milliards | 3ème |
Development Bank of Southern Africa | Afrique du Sud | 6,121 milliards | 4ème |
Bank of Industry | Nigeria | 5,303 milliards | 5ème |
Export Development Bank of Egypt | Egypt | 3,971 milliards | 6ème |
Caisse des Dépôts et Consignations de Tunisie | Tunisia | 3,410 milliards | 7ème |
Fonds d’Equipement Communal (FEC) | Maroc | 2,867 milliards | 8ème |
Zambian Investment Holding | Zambia | 2,692 milliards | 9ème |
Banque nationale d’investissement (BNI) | Côte d’Ivoire | 2,613 milliards | 10ème |
Source : BAD.