«Payer les taxes, c’est normal, mais il y a un moment, il faut savoir ce que l’on paie». Devant le micro du Le360 Afrique, Daniel, vendeur d’ananas sur le trottoir au grand marché Mont-Bouët, fait part de son calvaire journalier. Ce jeune Camerounais liste pas moins de cinq taxes dont il doit s’acquitter pour vendre ses produits sur cet espace public. «Je paie la sécurité, le nettoyage et le timbre pour l’occupation de la place qui s’élève à 2.000 francs CFA. Tout ceci me parait normal. Sauf qu’à cette liste vient de s’ajouter la taxe de la fermeture», renchérit-il.
À la suite des événements post-électoraux d’août 2023, qui ont entraîné la destruction des biens de certains opérateurs économiques, et pour compatir au sort de ces commerçants, la mairie de Libreville avait décidé, dans une note d’information, de lever des taxes pour une durée indéterminée. Mais la reprise du recouvrement des taxes sur les marchés s’est brutalement accélérée. Depuis plus d’un an, outre la mairie, d’autres administrations exercent un prélèvement sans commune mesure sur les opérateurs économiques.
Ruinée par cette pression fiscale, Mireille Solange ne sait plus où donner de la tête. «Je me suis endettée au point de ne plus pouvoir honorer mes engagements. Nous payons nos loyers ici au plus tard le 30. Mais avec l’accumulation des taxes, beaucoup parmi nous ne parviennent plus à s’en sortir», s’indigne cette restauratrice.
Celestine est propriétaire d’un magasin de linge à Petit Paris avec son compagnon. Aujourd’hui, elle n’a qu’une envie: tout abandonner à cause des charges. «Le peu que nous gagnons ne couvre pas nos charges domestiques. S’il faut encore payer les taxes, on trouve tout ça où. On avait vraiment envie de parler de ce problème à la télé pour alerter les autorités sur la situation des jeunes commerçants gabonais», confie-t-elle.
Cette accumulation de redevances, qui implique aussi les régies financières, découragent les nouveaux débrouillards du business. Ils découvrent à l’ouvrage un monde des affaires sans pitié. «On a maintenant les impôts, le Trésor et chacun vient prendre sa part. Le marché est devenu une vache à lait. Autant d’administrations qui opèrent de façon indépendante. Le 31 décembre 2024, plus d’une cinquantaine d’agents de recouvrement ont débarqué ici et ont mis plusieurs magasins sous scellés. Et là, pour la réouverture, il faut payer pas moins de 50.000 francs CFA», déclare Jean Michel, un jeune commerçant gabonais.
Les commerçants déplorent certains dérapages qui donnent l’impression d’une opération de racket avec violences verbales. Le phénomène est certes ancien. Il semble s’accentuer par l’absence de sanctions contre les agents véreux sur les marchés et l’immobilisme des syndicats censés défendre les intérêts des commerçants. Pour un importateur du marché Mont-Bouët qui a requis l’anonymat, «ils feraient même le jeu de leurs bourreaux».