Le gel massif du financement par l’Agence américaine pour le développement (USAID), voulu par le président Donald Trump qui a placé «l’Amérique d’abord!» à son agenda, a laissé des milliers de personnes au chômage aux Etats-Unis et à l’étranger. Cette décision a également provoqué l’interruption de programmes humanitaires à travers le monde.
«Je ne sais pas ce qui va m’arriver», a déclaré à l’AFP un patient séropositif à Accra faisant partie des quelque 150.000 personnes au Ghana dépendant des médicaments antirétroviraux financés par l’USAID.
Des médecins mettent aussi en garde contre de possibles perturbations dans l’approvisionnement de médicaments dans tout le pays.
«Nous sommes confrontés à d’éventuelles ruptures de stock, qui pourraient entraîner une augmentation des maladies évitables, des décès maternels et une résurgence de virus comme le paludisme et la tuberculose», a déclaré le directeur médical de la région Nord du service de santé du Ghana, Abdulai Abukari, pointant notamment les difficultés dans les zones rurales.
La fermeture de l’USAID, qui a laissé bon nombre de ses initiatives dans les limbes, survient alors que la Maison Blanche et le conseiller du président Trump, Elon Musk, ont mis en avant la gabegie de l’agence, alléguant des fraudes et des dépenses inutiles.
Les contestations judiciaires se sont multipliées alors que l’administration Trump poursuit les coupes budgétaires sans l’approbation du Congrès, des responsables affirmant que des programmes vitaux pourraient être exemptés.
Lire aussi : En Afrique, la première salve de Trump se fait sentir: et si c’était une bénédiction?
Mais au Ghana, les perturbations dans le financement américain commencent déjà à se faire ressentir.
«C’est terrifiant de penser que ma survie dépend d’une aide qui peut être supprimée comme ça», a déclaré le patient séropositif, qui a refusé de donner son nom.
Le secteur de la santé se prépare à un déficit de 78,2 millions de dollars, sur un déficit de 156 millions de dollars auquel le pays est actuellement confronté suite au retrait des initiatives financées par les Etats-Unis, a déclaré le porte-parole présidentiel, Felix Kwakye Ofosu.
Des agriculteurs sans engrais
Sulemana Iddrisu, un agriculteur dans le nord du pays, qui se prépare à la prochaine saison des pluies, s’inquiète d’être privé des engrais ou semences qui étaient subventionnés par l’USAID.
Alors que le Programme alimentaire mondial a noté des progrès au cours des deux dernières décennies dans la réduction de la faim au Ghana, le nord rural du pays en particulier lutte contre la pauvreté, le changement climatique et des infrastructures médiocres.
«Si nous ne recevons pas les engrais et les semences à temps, nos rendements chuteront considérablement (...) cela signifie moins de nourriture sur les marchés, des prix plus élevés pour tout le monde et d’éventuelles pénuries alimentaires dans tout le pays», estime M. Iddrisu, 56 ans.
Lire aussi : Au Kenya, le gel de l’aide américaine déjà «dévastateur» pour les séropositifs
«Cela signifie moins de nourriture pour ma famille et moins d’argent pour payer les frais de scolarité de mes enfants», dit-il à l’AFP.
«Nous ne pouvons que prier»
Le Ghana, allié de longue date des Etats-Unis dans la région, cherche désormais des moyens de combler les déficits de financement, notamment en réaffectant des fonds vers des programmes essentiels comme la prévention du paludisme, la santé maternelle et le traitement du VIH/sida.
Le gouvernement s’est tourné vers «les partenaires internationaux et les institutions financières, notamment la Banque mondiale, la Banque africaine de développement et l’Union européenne, pour obtenir des subventions et des prêts pour soutenir des projets de développement clés», a déclaré M. Ofosu.
Le président John Mahama a déclaré qu’il avait chargé le ministère des Finances «d’explorer toutes les voies de financement possibles» pour aider des secteurs critiques comme la santé et l’agriculture à «rester opérationnels».
Pourtant, à court terme, nombreux sont ceux qui s’inquiètent.
«C’est une bonne chose que le gouvernement essaie d’intervenir», a déclaré M. Abukari, du service de santé du Ghana. «Mais sans un soutien international immédiat, la situation pourrait devenir incontrôlable.»
Pour les agriculteurs comme Sulemana Iddrisu, les perspectives sont sombres. «Nous ne pouvons que prier».