Hubs commerciaux mondiaux: ces 4 pays d’Afrique qui peuvent prétendre à une place de choix

Le port Tanger Med au nord du Maroc.

Le 17/11/2024 à 12h23

Dans le nouveau paysage géo-économique en pleine reconfiguration, où l’ordre mondial est façonné par la rivalité sino-américaine, l’Afrique ne reste pas en marge. Selon la récente étude d’Allianz Trade intitulée «Global Trade Outlook 2024», quatre pays du continent émergent comme des hubs commerciaux nouvelle génération mais à des degrés divers.

Selon l’étude d’Allianz Trade «Global Trade Outlook 2024», la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine reprend de plus belle avec le retour de Trump au pouvoir. La nouvelle donne géoéconomique mondiale impactée par les tensions exacerbées entre les deux puissances redessine les équilibres du commerce mondial. Dans ce contexte de fragmentation des chaînes d’approvisionnement et d’émergence de nouveaux pôles logistiques, l’évaluation de l’efficacité des économies se révèle primordiale.

Françoise Huang, économiste Senior chez Allianz Trade, souligne qu’au-delà «des économies à croissance rapide comme l’Inde, ce changement ouvre des portes à des nations comme le Vietnam, la Malaisie, l’Indonésie et les Émirats arabes unis pour s’imposer comme des hubs commerciaux ‘Next Generation’». Mais pas que. L’étude dénombre 25 pays comme futurs plateformes commerciales nouvelle génération, parmi lesquels figurent quatre africains. Il s’agit du Maroc, en première place en Afrique (20ème mondial), l’Algérie (21ème), de l’Afrique du Sud (23ème) et du Nigéria (24ème). Elément à noter: les 4 pays africains sont tous mieux classés que le Qatar (25ème sur 25 au classement global).

Il faut souligner que le Maroc affiche des scores solides à la fois sur son potentiel commercial, sa connectivité et son efficacité opérationnelle, ce qui en fait le carrefour commercial le plus prometteur. Bien que classés dans la seconde moitié du palmarès, ces pays disposent d’atouts non négligeables pour tirer leur épingle du jeu dans le nouveau paysage géo-économique mondial marqué par la montée des tensions entre Pékin et Washington.

L’étude évalue tous les marchés émergents autour de trois piliers: efficacité, connectivité et potentiel commercial. Ces piliers servent à identifier les plus aptes à jouer un rôle important dans le système commercial et financier complexifié.

L’efficacité avant toute chose

Sur le plan de l’efficacité, mesurée par des critères tels que la productivité du travail, la performance logistique, la santé du secteur bancaire et la sécurité énergétique, le classement établi par Allianz Trade révèle des positions contrastées pour les pays africains. L’Afrique du Sud, 12ème, semble relativement bien positionnée comparée au Nigeria (15ème), au Maroc (23ème) et à l’Algérie (24ème).

L’Afrique du Sud, malgré ses défis structurels, fait figure de bon élève grâce à une certaine robustesse de son secteur financier et de ses infrastructures logistiques. Cependant, sa productivité pénalisée par des problèmes sociaux endémiques constitue un frein majeur. L’Afrique du Sud bénéficie d’atouts indéniables comme un réseau routier et ferroviaire relativement développé facilitant l’acheminement des marchandises. Néanmoins, les problèmes récurrents d’approvisionnement en électricité entravent sérieusement sa compétitivité industrielle.

Le Nigeria, malgré son poids démographique et économique, pâtit d’importantes défaillances structurelles entravant son efficacité. La faiblesse de ses infrastructures de transport représente un handicap majeur pour l’acheminement efficace des marchandises. Par ailleurs, un secteur bancaire fragile conjugué à une dépendance énergétique aux hydrocarbures fragilise durablement les bases de son économie.

Bien que distancés par des nations comme la Malaisie (1ère sur le plan de l’efficacité), l’Inde (4ème) ou le Brésil (3ème), les quatre pays africains du classement disposent d’avantages comparatifs certains dans la nouvelle donne géoéconomique.

La connectivité, le talon d’Achille

La connectivité, évaluée par la qualité des infrastructures portuaires, ferroviaires, aériennes et numériques, constitue en revanche un point faible pour l’ensemble des quatre pays africains retenus comme futurs hubs commerciaux potentiels. Alors que le Maroc se classe 17ème sur 25 en termes de connectivité, l’Afrique du Sud n’arrive qu’à la 18ème place. L’Algérie (20ème) et le Nigéria (25ème) ferment la marche, menaçant leurs aspirations à devenir des plaques tournantes incontournables du commerce mondial.

Cette faible connectivité handicape lourdement le continent dans un contexte de fragmentation des chaînes d’approvisionnement mondiales. Si certains pays comme le Maroc ou l’Afrique du Sud ont entrepris des réformes pour moderniser leurs grands ports maritimes, la densité du réseau portuaire africain reste très insuffisante. De nombreux pays enclavés du continent sont pénalisés par un accès limité aux océans, avec des coûts logistiques très élevés pour l’acheminement de leurs marchandises.

La connectivité aérienne de l’Afrique souffre également de grands retards, avec des infrastructures vieillissantes et une desserte intra-continentale très limitée. Les réseaux ferroviaires constituent l’un des principaux goulets d’étranglement, avec des infrastructures héritées de l’époque coloniale et un besoin criant de modernisation. Enfin, le retard numérique de l’Afrique est abyssal, avec moins de 40% de la population disposant d’un accès à internet. Selon les données les plus récentes de l’Union internationale des télécommunications (UIT), en 2023, environ 37% de la population africaine utilise Internet. Une fracture numérique qui pénalise lourdement les échanges de données indispensables à la fluidité des échanges commerciaux, ainsi que les processus logistiques dématérialisés.

Le pilier du potentiel commercial

Sur le pilier du potentiel commercial, qui prend en compte la liberté des échanges, les prévisions de croissance, l’ouverture aux investissements et l’intégration financière, le classement place le Maroc au 16e rang, l’Algérie à la 20e position, le Nigeria à la 24e place et l’Afrique du Sud à la 25e.

Avec une 16e place au classement du potentiel commercial, le Maroc apparaît comme le pays africain le mieux loti pour tirer son épingle du jeu dans la nouvelle donne commerciale. L’Algérie, classée 20e sur ce pilier, fait figure d’éternel pays riche en potentiel mais aux portes fermées. Ce qui bride son immense potentiel commercial. Cependant, ses réserves d’hydrocarbures font de l’Algérie un acteur incontournable, à condition qu’elle s’ouvre davantage aux échanges. À la traîne, le Nigeria (24e) et l’Afrique du Sud (25e) déçoivent sur le pilier du potentiel commercial, malgré leur poids économique sur le continent.

États-Unis ou Chine?

Dans ce jeu d’influences entre l’oncle Sam et l’Empire du Milieu, les quatre nations africaines se situent, selon les scores de distance géoéconomique d’Allianz Trade, plus près de Pékin que de Washington. Une proximité principalement liée aux liens commerciaux et d’investissement avec la Chine.

«La plupart des pays africains sont plus proches de la Chine avec une note moyenne de 0,5 contre 0,7 pour les États-Unis», souligne l’étude. L’Algérie (21ème au classement global) enregistre ainsi le score le plus favorable à la Chine (0,4) parmi les quatre économies africaines du classement.

Une position ambivalente qui pourrait s’avérer inconfortable si la confrontation entre les deux géants venait à s’intensifier. La guerre commerciale et les mesures de rétorsion pourraient en effet fragiliser les liens économiques de part et d’autre.

En somme, l’avènement d’un monde multipolaire plus fragmenté représente à la fois une opportunité économique et un défi géostratégique de taille pour les futures plaques tournantes africaines du commerce international. Une équation complexe que ces pays devront résoudre pour tirer leur épingle d’un jeu à bien des égards imprévisible.

Classement des hubs commerciaux africains «Next Generation» d’Allianz Trade :

PaysRang global (sur 25 pays retenus)Rang en matière de connectivité (sur 25 pays retenus)Rang en matière d’efficacité (sur 25 pays retenus)Rang en matière de potentiel commercial (sur 25 pays retenus)
Maroc20ème17ème23ème16ème
Algérie21ème20ème24ème20ème
Afrique du Sud23ème18ème12ème25ème
Nigeria24ème25ème15ème24ème

Source : Allianz Research

Par Modeste Kouamé
Le 17/11/2024 à 12h23