De nombreux pays africains se positionnent pour tenter de s’assurer une part du marché prometteur de l’hydrogène vert en raison de l’appétit mondial croissant pour cette énergie et ses produits dérivés (ammoniac notamment). La concurrence s’annonce rude entre pays africains, notamment ceux de l’Afrique du Nord, Egypte comprise, qui, en plus des potentialités de production d’énergies renouvelables nécessaires à la production d’hydrogène vert, bénéficie de la proximité géographique avec l’Europe, le principal marché d’importation de la production africaine.
En effet, si l’Union européenne compte produire 10 millions de tonnes d’hydrogène vert à l’horizon 2030, elle compte aussi en importer 10 autres millions pour remplacer ses énergies fossiles: charbon, pétrole et gaz. Pour y parvenir, les pays européens comptent sur des partenariats avec les pays africains.
Et en Afrique subsahariennes, certains pays aussi souhaitent tirer profit de cette nouvelle opportunité. C’est le cas particulièrement de la Namibie qui s’investit pour attirer de nombreux et grands investisseurs européens du secteur. Les dirigeants namibiens espèrent lancer la première centrale à hydrogène d’Afrique sur son territoire. Une manière claire d’afficher ses ambitions.
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A ce titre, le ministre des Finances namibien a annoncé le lancement du projet de construction de la première unité de production d’hydrogène vert avec le concours du consortium franco-allemand Hyphen Hydrogen Energy, un des acteurs les plus actifs du secteur.
Selon les partenaires, ce projet d’un coût d’investissement de 10 milliards de dollars, soit plus de 80% du Produit intérieur brut (PIB) de la Namibie, a été lancé le 20 juin courant et la première phase du projet devrait entrer en service à fin 2026. L’opérateur disposera des droits sur le projet pendant 40 ans.
L’unité qui sera construite par étape produira à terme 2 millions de tonnes d’ammoniac vert par an à l’horizon 2030 et sera destiné à des marchés régionaux et mondiaux. L’Allemagne sera le principal client destinataire de la production. En plus du marché européen, ce projet bénéficiera également aux pays voisins comme l’Angola, l’Afrique du Sud et le Botswana dans le cadre de la Zone de libre échange continentale (Zlecaf) et du pool énergétique d’Afrique australe.
«Le parc national de Tsau Khaeb fait partie des cinq premiers sites au monde pour la production d’hydrogène à faible coût, bénéficiant d’une combinaison de ressources éoliennes et solaires onshore co-localisées près de la mer et des routes d’exportation terrestres vers le marché mondial», a expliqué Marco Raffinetti, PDG de Hyphen Hydrogen Energy.
Si ce grand projet est pour le moment le plus avancé, d’autres acteurs ont également signé des partenariats pour la production d’hydrogène vert avec la Namibie. C’est le cas du producteur d’électricité français HDF Energy qui lancera en 2024 une centrale verte à hydrogène. Ce projet d’un montant d’investissement de 3,1 milliards de dollars namibiens, soit 181 millions de dollars US, prévoit une unité de centrale solaire de 85 mégawatts qui alimenteront des électrolyseurs afin de produire de l’hydrogène vert qui pourra être stocké pour livrer de l’électricité décarbonisée.
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Le pays prépare aussi l’arrivée d’autres acteurs du secteur pour faire de la Namibie un pôle de production d’hydrogène vert. Et pour atteindre son objectif, la Namibie mise sur un certain nombre d’atouts. D’abord, il y a les atouts naturels du pays. Peuplé d’à peine 2,54 millions d’habitants, sur une superficie de 825.418 kilomètres carrés, soit une densité de moins de 2,5 km2/habitant, la deuxième densité de population la plus basse au monde après la Mongolie. Ce pays d’Afrique australe dispose d’immenses terres inhabitées propices à l’installation de grands parcs éoliens et solaires pour produire de l’énergie renouvelable nécessaire à la production de l’hydrogène vert.
Le pays figure aussi parmi les plus ensoleillés au monde et est donc propice à la mise en place de grandes centrales solaires pour produire de l’électricité à très faible coût. La disponibilité des terres et l’ensoleillement permettent le développement d’énergie renouvelables à grande échelle nécessaire à l’électrolyse et donc à la production d’hydrogène vert. En plus, avec une côte de 650 kilomètres sur l’Atlantique, la Namibie dispose l’eau de la mer qui doit être désalinisée et contribuer à la production d’hydrogène vert.
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Ensuite, en plus des ressources naturelles, la Namibie peut attirer des investissements directs étrangers du fait qu’elle est l’une des démocraties les plus stables d’Afrique et le pays est doté d’un environnement des affaires très favorable. Par ailleurs, afin d’encourager l’implantation des grands producteurs d’hydrogène vert, les autorités ont annoncé la création d’un fonds souverain doté d’un capital de 1,1 milliard de dollars en association avec deux sociétés publiques néerlandaises d’investissement.
L’Etat namibien détiendra 24% du capital de ce fonds qui va contribuer au développement des projets d’hydrogène vert en apportant des financements à ces projets très capitalistiques. L’existence de ce fonds pourrait encourager les investisseurs étrangers à s’implanter en Namibie.
La disponibilité de l’eau pose problème
En dépit de ces atouts, certains observateurs doutent quant à la possibilité pour la Namibie, pays pauvre en eau et relativement éloignés des principaux marchés d’exportation (Union européenne, Chine, Inde…), à fournir de l’hydrogène vert compétitif au niveau des coûts, et concurrencer les pays d’Afrique du Nord qui pourront compter sur leur proximité géographique avec le vieux continent.
En effet, pour ce qui est de l’approvisionnement en eau pour la production d’hydrogène vert, la seule alternative demeure l’installation d’unités de dessalement d’eau de mer, sachant que le pays dispose d’une longue côte maritime sur l’Atlantique offrant d’énormes possibilités de dessalement et assure la liaison portuaire pour les expéditions d’hydrogène vert. Seulement, le processus de désalinisation coûte cher et va impacter négativement sur le coût de production d’hydrogène vert, sachant qu’en plus qu’il faudra tenir compte du coût du transport de l’hydrogène et de l’ammoniac produits vers le marché européen.
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Une chose est sure, l’hydrogène vert va impacter positivement l’économie namibienne. Elle va contribuer à la diversification de l’économie du pays et augmenter ses recettes d’exportation. Actuellement, l’économie namibienne repose essentiellement sur l’exploitation des minerais (diamant, cuivre, or, uranium, terres rares…) et le tourisme. Ensuite, ces différents projets vont aider la Namibie, qui importe environ 40% de son énergie à partir de l’Afrique du Sud, à assurer son indépendance énergétique.
Enfin, pour tirer pleinement profit de cette nouvelle manne, le pays a signé avec l’Allemagne, l’ancienne puissance coloniale, un partenariat formel pour former des professionnels du secteur. C’est à ce titre qu’un institut namibien de recherche sur l’hydrogène vert a été créé, puis intégré à l’Université de Namibie avec comme objectifs l’accélération de la recherche et le développement au niveau local et la formation des professionnels qualifiés pour répondre aux besoins des entreprises tout au long de la chaîne de valeur de l’hydrogène vert.