Investissements hôteliers: où trouver les opportunités à long terme les plus solides en Afrique

L’Indice d’Évaluation Hôtelière (HVI) du spécialiste du conseil dans l’hôtellerie HVS révèle les marchés où le capital se déplace, où le risque évolue et où trouver les meilleures opportunités à long terme en matière d'investissement.

Le 18/12/2025 à 16h03

L’édition 2025 du HVS Hotel Valuation Index (HVI) pour le Moyen-Orient et l’Afrique révèle une Afrique hôtelière en pleine transformation, où opportunités et défis s’entremêlent.

L’édition 2025 de l’Indice d’Évaluation Hôtelière (HVI) du spécialiste du conseil en l’hôtellerie HVS pour le Moyen-Orient et l’Afrique offre plus qu’un bilan. Elle dessine une cartographie stratégique des flux de capitaux, de l’évolution des risques et des opportunités durables sur le continent.

Pour l’investisseur avisé, le message central, porté par Hala Matar Choufany, présidente de HVS Moyen-Orient, Afrique et Asie du Sud, est clair: «les rendements récompensent les investisseurs qui analysent correctement la demande, gèrent bien les risques et privilégient la valeur à long terme plutôt que le volume à court terme».

L’analyse des 14 marchés africains passés au crible révèle précisément où ces principes s’appliquent. L’indice met en lumière une réalité: si la valeur moyenne des hôtels africains a progressé de 13% depuis 2019, la performance varie radicalement d’un marché à l’autre.

Les leaders de la croissance

MarchéCroissance valeur (2019-2025)Tendance HVI 2025Drivers clésRisques majeurs
Dar es Salaam (Tanzanie)+57%Augmentation significative de la valeurDiversification demande, politique MICEDépendance aux stratégies publiques
Accra (Ghana)+39%Augmentation significative de la valeurCampagnes touristiques, demande mixteStabilité politique à long terme
Zanzibar (Tanzanie)+36%Augmentation significative de la valeurSéjour long (8 jours), clientèle internationaleExposition aux chocs globaux
Cape Town (Afrique du Sud)+49%Augmentation significative de la valeurVols directs, partenariats public-privéConcurrence régionale accrue
Le Caire (Egypte)+59%Augmentation significative de la valeurMarge EBITDA en hausseInflation élevée (40% en 2023)
Marrakech (Maroc)+32.7%Augmentation significative de la valeurADR +17%, marge EBITDA à 30%Occupation <70%

Source: Cabinet HVS.

L’analyse de l’HVI 2025 identifie les piliers fondamentaux sur lesquels se construisent les opportunités d’investissement les plus solides et durables en Afrique. Le premier pilier réside dans la résilience exceptionnelle des destinations à la demande diversifiée, qui transcendent les cycles économiques en mélangeant tourisme international premium, clientèle régionale en croissance, segment corporatif et tourisme domestique.

Dar es Salaam et Accra en sont les archétypes, ayant muté de capitales économiques purement corporatives en destinations composites grâce à des stratégies gouvernementales visionnaires et à la montée en puissance du voyageur intra-africain.

Une diversification, couplée à une discipline relative de l’offre, qui se traduit par une croissance saine du revenu par chambre disponible (RevPAR) et, plus crucial encore, par une amélioration des marges EBITDA, véritable moteur de la création de valeur à long terme.

Zanzibar illustre quant à elle la maturité d’une destination loisir qui a su étendre sa saisonnalité et diversifier ses marchés émetteurs, renforcée par une pénétration accrue des marques internationales.

En parallèle, l’émergence de modèles innovants constitue le second pilier structurant. L’adoption croissante de concepts tels que le résidentiel de marque et les projets à usage mixte répond à une demande de biens de services et de liquidités de la part d’une classe moyenne et d’une diaspora investisseuses, tout en offrant des flux de revenus complémentaires à l’hôtellerie traditionnelle.

Dans le même temps, le paysage africain, marqué par des défis d’exécution et de financement, ouvre un vaste champ d’opportunités pour le repositionnement stratégique d’actifs sous-utilisés ou en détresse. Ces opérations de recapitalisation, souvent menées par du private equity, permettent de recréer de la valeur en implantant de nouveaux modèles opératoires, en optimisant la gestion ou en rebrandant (repenser en profondeur l’identité d’une marque) des propriétés, démontrant que la valeur future se construira autant dans l’optimisation de l’existant que dans le développement du neuf.

Les mouvements de capitaux en Afrique suivent une logique de plus en plus discriminante, fuyant les risques macro-structurels pour se concentrer sur les marchés où les fondamentaux de demande sont tangibles et diversifiés. L’investissement afflue ainsi massivement vers des destinations «axées sur les fondamentaux», où la croissance de la valeur est soutenue par des stratégies touristiques claires et une exécution efficace.

Cape Town en est le paradigme: la collaboration proactive entre acteurs publics et privés pour développer la connectivité aérienne, associée à son attractivité internationale incontestée, a catalysé une appréciation de la valeur de 49%, portée par une hausse des tarifs moyens.

De même, Nairobi, en dépit d’un pipeline de développement significatif, continue d’attirer les capitaux grâce à sa capacité démontrée à absorber une nouvelle offre via une base de demande large et résiliente, couvrant les segments corporate, MICE et loisirs.

Le pipeline continental de 577 hôtels en développement symbolise cette confiance mesurée, bien que sa croissance annuelle de 13% et les retards récurrents dans sa concrétisation signalent une prudence des investisseurs face aux obstacles structurels. À l’inverse, on observe une désaffection nette pour les marchés mono-stratégiques ou en proie à des déséquilibres persistants.

Johannesburg incarne ce reflux: la capitale économique historique souffre d’un décrochage structurel, perdant son statut de hub aérien au profit du Cap et pâtissant de perceptions négatives, ce qui a conduit à une érosion de la valeur de 10% et découragé les investissements nouveaux.

Lusaka, malgré une fréquentation touristique record, peine à attirer des capitaux massifs en raison de tarifs moyens parmi les plus bas du continent, limitant la rentabilité potentielle et confinant le marché à une croissance marginale.

Ainsi, le capital suit une trajectoire claire: il se déplace des modèles hérités, vulnérables aux chocs sectoriels, vers les écosystèmes touristiques intégrés et gérés de manière disciplinée, où la création de valeur est prévisible et ancrée dans des dynamiques de long terme.

Et le Maroc dans tout ça ?

Le marché marocain, à travers le prisme de Marrakech, se distingue dans le paysage africain par une trajectoire de valorisation robuste et maîtrisée. Avec une croissance de +32,7% de la valeur par clé depuis 2019, dépassant largement la moyenne continentale (+13%), Marrakech démontre une capacité à générer de la valeur par l’efficacité opérationnelle plutôt que par la simple expansion.

Cette performance, classée comme une «augmentation significative de la valeur», repose sur deux piliers: une augmentation significative de l’ADR (+17% par rapport à 2019), qui compense un taux d’occupation encore inférieur à 70%, et un contrôle rigoureux des coûts ayant propulsé la marge EBITDA (excédent brut d’exploitation) à 30%, un niveau compétitif au-dessus de nombreux standards régionaux. L’ADR est un certificat émis par une banque américaine représentant des actions d’une société étrangères .

La résilience du marché est notable, ayant enchaîné une reprise soutenue après un recul significatif en 2019, témoignant de la solidité de son attractivité fondamentale. L’absence de mention de risques macroéconomiques majeurs (inflation, devises) ou de surabondance structurelle dans l’analyse HVS suggère un environnement d’investissement relativement stable et prévisible.

Pour les investisseurs, Marrakech représente ainsi une opportunité claire centrée sur une croissance tirée par les tarifs et soutenue par des marges opérationnelles saines.

La vigilance requise porte sur la nécessité de poursuivre la différenciation et l’optimisation de l’expérience client pour reconquérir une occupation optimale et consolider la performance. En cela, Marrakech incarne parfaitement la transition sectorielle soulignée par Hala Matar Choufany: «le passage d’un investissement porté par les promoteurs à un investissement porté par la performance s’accélère».

La destination allie avec succès la puissance de sa marque à une discipline tarifaire et opérationnelle, créant un modèle de valeur durable qui en fait un pôle d’attraction capital dans la région MEA.

Les marchés en transition (croissance modérée/stagnation)

MarchéCroissance valeur (2019-2025)Tendance HVI 2025Drivers clésRisques majeurs
Nairobi (Kenya)+15%Augmentation significative de la valeurDemande corporate/MICE/loisirsPipeline de développement
Lagos (Nigeria)+14%Augmentation significative de la valeurOccupation en hausseVolatilité du naira, rapatriement
Maurice+13%Augmentation significative de la valeurADR élevé, clientèle internationaleDépendance tourisme premium
Lusaka (Zambie)+1%Valeurs stablesFréquentation record (2.1 millions de touristes)Tarifs bas, saisonnalité
Addis Abeba (Ethiopie)0%Valeurs stablesMarge EBITDA à 40%Surabondance offre upscale

Source: Cabinet HVS.

Comme l’on peut le constater, l‘environnement d’investissement africain est marqué par des risques en évolution rapide, qui exigent une analyse fine pour être anticipés et mitigés. Les risques macroéconomiques et structurels figurent en tête de liste.

L’inflation galopante, comme au Caire où elle a atteint 40% en 2023, peut créer une illusion de croissance nominale tout en érodant la valeur réelle des actifs et des revenus.

De même, l’instabilité monétaire, illustrée par la volatilité du naira à Lagos, constitue un frein majeur en compliquant les modèles financiers et en décourageant les investisseurs internationaux soucieux du rapatriement des capitaux.

En parallèle, le risque de surabondance et de concurrence déstabilisatrice est palpable dans des marchés comme Addis-Abeba ou Windhoek, où l’arrivée de nouvelles offres brandées, bien que signe de maturation du secteur, exerce une pression à la baisse sur les tarifs moyens et peut temporairement dépasser la croissance organique de la demande, compressant ainsi les marges et la valeur par clé.

Ces vulnérabilités sont exacerbées par des dépendances opérationnelles et géopolitiques. Les destinations de pur loisir international, telles que Zanzibar ou Maurice, bien que performantes, conservent une exposition intrinsèque aux chocs exogènes (sanitaires, géopolitiques, conjoncturels) qui peuvent interrompre brutalement les flux de touristes.

Enfin, le risque opérationnel de déploiement reste systémique: le faible taux de concrétisation du vaste pipeline de développement, dû à des environnements réglementaires complexes, des difficultés de structuration financière et la nécessité de partenariats locaux solides, transforme nombre d’annonces prometteuses en opportunités manquées, retardant la matérialisation de la valeur et testant la patience des investisseurs.

Ainsi, la cartographie établie par l’Indice d’Évaluation Hôtelière (HVI) dessine une feuille de route stratégique, invitant les investisseurs à allier une prudence analytique à une audace ciblée. Le premier impératif est de cibler les «points forts» géographiques et sectoriels où convergent les fondamentaux solides et les tendances structurelles favorables.

L’Afrique de l’Est, avec le tandem Dar es Salaam-Zanzibar et l’épine dorsale de Nairobi, représente un pôle de croissance intégré, porté par le tourisme intra-africain, le segment MICE et une pénétration stratégique des marques.

En Afrique de l’Ouest, Accra démontre comment une politique publique volontariste peut transformer un marché en attirant une demande nouvelle et diversifiée. Enfin, l’exception de Cape Town offre un modèle de collaboration public-privé et de marketing destination qui peut inspirer d’autres métropoles du continent. Pour naviguer avec succès, l’investisseur doit adopter des stratégies de mitigation robustes.

Un processus d’évaluation et de modélisation des risques discipliné est non négociable, privilégiant les marchés où la dynamique offre-demande est clairement favorable, comme à Lagos où une forte croissance de l’occupation peut compenser les risques de change. La gestion active des actifs devient un levier de création de valeur essentiel, permettant de transformer des situations de sous-performance, comme à Abidjan, en opportunités de reprise via des repositionnements et des optimisations opérationnelles.

Enfin, une perspective résolument long terme est indispensable pour capitaliser sur le dividende démographique africain, en développant des offres adaptées à la demande domestique et régionale émergente.

Comme le souligne Hala Matar Choufany, le véritable enjeu est de transformer les données en décision. «L’HVI n’est pas qu’un benchmark mais un outil décisionnel. Il montre où le capital se déplace, où le risque évolue et où existent les meilleures opportunités à long terme», fait-elle valoir.

En définitive, l’Indice d’Évaluation Hôtelière (HVI) de HVS ne révèle pas une Afrique unie dans la croissance, mais un continent où la valeur se concentre de manière sélective, exigeant des investisseurs une capacité d’équilibre éclairée.

La dichotomie est nette entre, d’une part, les marchés diversifiés et bien gouvernés, qui captent les capitaux et enregistrent des appréciations substantielles, et, d’autre part, les marchés en transition ou confrontés à des défis structurels, où la valeur stagne ou régresse.

Dans ce paysage contrasté, le succès ne dépendra plus d’une vision pan-continentale uniforme, mais d’une approche discriminante et analytique. Il s’agira d’abord de lire la demande au-delà des indicateurs de surface comme le RevPAR, en décryptant les dynamiques sous-jacentes des marges EBITDA, comme à Addis-Abeba où une stabilité de la valeur masque une amélioration opérationnelle significative.

Il faudra ensuite maîtriser de manière proactive les risques macroéconomiques omniprésents, notamment l’inflation et la volatilité des devises, potentiellement via des modèles hybrides ou des couvertures financières innovantes.

Enfin, le vaste pipeline de développement, avec ses 104.444 chambres en projet, doit être appréhendé non comme une simple promesse de croissance, mais principalement comme un levier stratégique de repositionnement et de consolidation pour les acteurs agiles.

Comme le synthétise Hala Matar Choufany, cette nouvelle donne marque l’accélération irréversible du «passage d’un investissement porté par les promoteurs à un investissement porté par la performance». L’ère du volume facile cède la place à celle de la valeur disciplinée.

Dans cette Afrique en pleine maturation, les gagnants seront ceux qui, alliant une analyse granulaire des fondamentaux locaux à une vision de long terme, sauront équilibrer l’audace du potentiel démographique avec la prudence d’un processus d’évaluation et de modélisation des risques rigoureux, pour capturer la valeur durable promise par le continent le plus jeune du monde.

Les marchés en déclin (valeur négative)

MarchéCroissance valeur (2019-2025)Tendance HVI 2025Drivers clésRisques majeurs
Abidjan (Côte d’Ivoire)-10%Baisse significative de la valeurStabilisation politiqueOffre excédentaire
Windhoek (Namibie)-4%Baisse significative de la valeurOccupation post-COVIDPression tarifaire
Johannesburg (Afrique du Sud)-10%Baisse significative de la valeurDéclin du trafic aérien (South African Airways)Perte de parts de marché par rapport à Cape Town

Source: Cabinet HVS.

Par Modeste Kouamé
Le 18/12/2025 à 16h03