La production de la mangue chute de 60%: en Côte d’Ivoire, le ver est dans le fruit

De nombreux exploitants sont confrontés à une baisse drastique de leur rendement

Le 25/04/2025 à 13h51

VidéoDans la région de la Bagoué, particulièrement à Boundiali, les récoltes sont maigres, les fruits de mauvaise qualité, les ventes en chute libre.

« Cette année, c’est la catastrophe. On n’a presque rien récolté, et ce qu’on a pu sauver ne se vend pas», se désole Bamba Méhin, producteur de mangues à Boundiali depuis plus de quinze ans.

Comme lui, de nombreux exploitants sont confrontés à une baisse drastique de leur rendement, estimée à plus de 60% dans certaines localités, ce qui impacte naturellement l’approvisionnement du marché local et l’exportation.

Selon les producteurs, plusieurs facteurs expliquent cette contre-performance. En tête, les caprices de la météo. «Le changement climatique, cette année, a joué en notre défaveur. La fructification n’a pas été suffisante», explique Bamba Méhin.

À cela s’ajoute l’attaque de parasites, notamment la mouche des fruits, que certains disent avoir du mal à contrôler, faute de moyens et d’appui technique suffisants, «par le passé, on nous aidait en nous donnant des produits de traitement. Mais cette année nous, n’en n’avons pas reçu. Nous avons été obligés d’en acheter avec nos maigres moyens», poursuit le producteur.

Sur les étals, le fruit se fait également rare, «en raison de l’urbanisation, des plantations de manguiers sont détruites. On s’approvisionne grâce aux gens qui vont dans les villages lointains pour nous en apporter», décrit Konaté Yan, revendeuse.

Mais au-delà de ces causes naturelles, les producteurs pointent aussi du doigt les faiblesses structurelles de la filière. « Il n’y a pas assez de soutien pour la lutte phytosanitaire. Et certaines de nos routes sont en mauvais état. Et quand la production n’est pas abondante, comme c’est le cas de cette année, les acheteurs ne viennent pas. Et même quand ils viennent, ils n’achètent pas les mangues au prix bord-champ fixé par le gouvernement», déplore Brahima Diarrassouba, de la coopérative de producteurs de mangue de la Bagoué.

Et d’ajouter, «j’en veux pour preuve la campagne de cette année. Alors que le prix a été fixé à 2.450 Fcfa pour cette saison, certains pisteurs nous les achètent à seulement 2.200Fcfa, voire 2.000 et souvent à 1.800F. Comment voulez-vous qu’on s’en sorte?», s’inquiète-t-il.

Cette mauvaise campagne se fait sentir jusque sur les marchés au niveau national. La production de cette année ne peut satisfaire la demande. Cette rareté impacte négativement les prix.

Face à cette crise, les producteurs de la région de la Bagoué lancent un appel au gouvernement et aux autorités locales. Ils demandent un accompagnement plus conséquent pour structurer la filière, mieux lutter contre les parasites, entretenir les pistes rurales et favoriser l’accès aux marchés.

« Nous ne voulons pas seulement des promesses. Il faut des actions concrètes. La mangue, c’est notre richesse. Mais si rien n’est fait, beaucoup vont abandonner les vergers. C’est pourquoi nous sollicitions une unité de conditionnement», espère le responsable de coopérative de la zone.

En Côte d’Ivoire, la filière mangue représente un levier important pour l’économie locale, en particulier dans le nord du pays. Mais elle reste vulnérable face aux aléas climatiques et au manque d’organisation. La situation actuelle de la mangue pourrait être un signal d’alerte à ne pas négliger.

En 2024, la production nationale a atteint 180.000 tonnes, dont 32.000 ont été exportées vers l’Europe. La variété Kent a particulièrement bien performé grâce à des conditions climatiques favorables.

Cependant, seulement 20% de la production totale est exportée, le reste étant destiné au marché local ou... perdu.

La mangue fraîche est le 3ème fruit exporté par la Côte d’Ivoire où la saison de la récolte bat actuellement son plein. De la plantation à l’approvisionnement des marchés, en passant par les «pisteurs» qui achètent sur pied, la mangue est un fruit qui fait néanmoins la fierté du pays.

Par Emmanuel Djidja (Abidjan, correspondance)
Le 25/04/2025 à 13h51