Le Ghana traverse une crise économique et financière aigüe. Cette situation a poussé les agences de notation internationale à multiplier les alertes quant au possible défaut de paiement de la dette contractée par le pays auprès des prêteurs étrangers.
D’abord, début décembre, Moody’s a abaissé les notes de crédit à long terme du Ghana de 2 crans, la faisant passer de Caa2 à Ca, soit la seconde note la plus basse de l’échelle de notation de l’agence. Le Ghana est ainsi à égalité avec le Sri Lanka, un pays déjà en défaut de paiement.
Ensuite, il y a deux jours, c’est Standard & Poor’s qui a aussi a revu à la baisse la note de crédit à long terme en devises étrangères du Ghana de «CCC+» à «CC» avec une perspective négative. Cette dernière note correspond au défaut de paiement et/ou des perspectives faibles de remboursement.
Ces décisions des agences de notation interviennent après la sortie du ministre des Finances ghanéen, Kenneth Ofori-Atta, qui a souligné l’intention de son pays de «restructurer sa dette en devises». Une décision mal accueillie par les agences de notation qui y voient une aggravation de la crise financière que traverse déjà le pays.
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Ofori-Atta a exprimé sa déception face aux dégradations de notes de crédit souveraines du Ghana a déclaré que le pays est déterminé à redresser son économie. Seulement, la crise financière est très profonde, chose que même le président ghanéen, Nana Akufo-Addo, a reconnue dans un discours télévisé en octobre dernier. «Nous sommes en crise, je n’exagère pas quand je le dis», avait-il alerté.
Cette crise chez la seconde puissance économique de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest inquiète. Si le Ghana entre effectivement en défaut de paiement, cela engendrera des craintes des investisseurs étrangers concernant toutes les économies de la région, accentuant les problèmes de financement que celles-ci rencontrent.
De plus, le Ghana, qui est le deuxième producteur mondial de cacao (20% de parts de marché) et le second producteur d’or du continent, en plus d’être un producteur d’hydrocarbures, était jusqu’à récemment l’une des économies les plus dynamiques du continent. Mais la crise sanitaire du Covid-19 et la guerre Russie-Ukraine ont mis à nu une économie qui commençait à montrer des signes d’essoufflement bien avant la survenance de celles-ci.
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La guerre Russie-Ukraine et la flambée des cours du pétrole et des produits alimentaires a désarticulé davantage l’économie ghanéenne en faisant fondre les réserves en devises du pays de moitié en l’espace de 14 mois. Celles-ci sont ainsi passées de 11,44 milliards de dollars en juillet 2021 à 9,55 milliards de dollars en février 2022, soit 4,3 mois d’importations de biens et services, puis à 7,68 milliards de dollars en juin 2022, soit plus de 3,4 mois d’importation, et 6,6 milliards de dollars en septembre 2022, soit moins de 3 mois d’importations de biens et services, constituant le seuil d’alerte pour le Fonds monétaire international (FMI).
Face à la chute des réserves en devises, le gouvernement ghanéen a décidé, il y a deux semaines, de procéder au règlement d’une partie de ses importations, notamment les hydrocarbures, en lingots d’or en rachetant, en monnaie locale (cédi), 20% de la production aurifère des différents producteurs (filiales de multinationales, entreprises nationales, production artisanale…). Une décision visant à éviter les sorties de devises et à reconstituer les réserves en devises du pays.
Parmi les facteurs ayant contribué à la chute des réserves en devises du Ghana figure la facture des importations de carburants. Bien que producteur de pétrole, le pays importe la totalité de ses besoins en carburants depuis l’explosion de son unique raffinerie de pétrole en 2017. Sur une facture des importations estimée à 10 milliards de dollars, 48% concernent les carburants.
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Le Ghana paie cher le fait de ne pas avoir reconstruit à temps sa raffinerie, les prix ayant flambé sur le marché international depuis le déclenchement de la guerre Russie-Ukraine. Et la situation est aggravée par la forte dépréciation du cédi vis-à-vis du dollar, monnaie de facturation des importations des carburants. Alors qu’il fallait 6,15 cédis pour obtenir 1 dollars à fin 2021, il faut actuellement 13 cédis pour le même dollar, soit une chute de 111,38% de la valeur de la monnaie ghanéenne.
Par conséquent, l’inflation a dépassé la barre des 40% en octobre dernier, appauvrissant davantage la population, et ce, malgré les multiples interventions de la banque centrale ghanéenne (Bank of Ghana) pour l’enrayer via les révisions à la hausse du taux directeur. La dernière remonte au 28 novembre avec une hausse du loyer de l’argent de 250 points de base à 27%, soit le niveau le plus haut depuis 19 ans.
Face à cette crise intenable, et afin d’éviter le défaut de paiement, le Ghana espère boucler avant la fin du mois de décembre les discussions avec le FMI, dont une délégation séjourne à Accra, afin d’obtenir un prêt de 3 milliards de dollars. Seulement, cela se fera à des conditions draconiennes, comme le gel des recrutements dans l’administration, la baisse du train de vie de l’Etat, etc.