Avec un cours de l’once d’or qui a dépassé la barre des 2.300 dollars le 4 avril courant, les producteurs africains du métal jaune se frottent les mains, espérant des recettes en hausse. Des rentrées d’argent qui proviennent des impôts sur les sociétés, c’est-à-dire de l’impôt sur les bénéfices réalisés par les entreprises minières qui devraient augmenter avec la flambée des cours et des recettes liées aux royalties ou redevances proportionnelles qui sont facturées sur la base du cours de l’or le jour même de la pesée pour les pays ayant adopté un taux de perception progressif en fonction du prix du métal jaune sur le marché international.
Malheureusement, même les pays ayant adopté cette méthode de perception progressive, le plafonnement du taux empêche certains d’entre eux de maximaliser leurs profits grâce la flambée des cours qui pourrait continuer à grimper si la situation géopolitique au Moyen-Orient continue de se dégrader. Une conjoncture qui renforcerait l’or en tant que valeur refuge.
Seulement, le cours de l’or en question est en réalité celui de l’or une fois raffiné et moulé en lingots d’or pur. Mails il se trouve qu’il n’y a qu’une partie encore minime de l’or produite en Afrique qui soit raffinée au niveau du continent.
Globalement, le métal jaune extrait du sol et du sous-sol du continent est exporté de manière brute en Europe (Suisse, Belgique, Turquie…), en Asie (Emirats arabes unis, Inde, Chine…) et aux Amériques (Canada) par les multinationales qui exploitent les gisements aurifères du continent. Disposant de raffineries depuis plus d’un siècle, l’Afrique du Sud fait figure d’exception.
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Pourtant, le raffinage d’or qui consiste à éliminer les impuretés et transformer le minerai d’or brut en lingots d’or purs de 24 carats pouvant être vendus sur les marchés financiers ne nécessite pas d’investissements colossaux. Les unités de raffinage les plus sophistiquées permettent la production de lingots d’or pur à 999,9‰, le plus haut niveau de pureté possible sur le marché.
L’infrastructure comprend, entre autres, une salle de contrôle, un scanner et une section de raffinage comprenant la machine d’électrolyse, la salle de moulage et le laboratoire d’analyse n’est pas capitalistique. Toutefois, les multinationales qui exploitent l’or en Afrique ont toujours rechigné à y construire des raffineries, préférant cantonner le continent africain à un statut de pourvoyeur de brut, sans valeur ajoutée, avec la bienveillance complice des dirigeants africains.
Mais la donne est en train d’évoluer positivement. Et ce sera bientôt fini des exportations d’or brut pour de nombreux pays africains. En effet, à l’instar des producteurs de produits agricoles (cacao, anacarde…) et de minerais (cobalts, lithium, graphite…) qui souhaitent transformer une partie ou la totalité de leur production brute localement, les producteurs d’or africains veulent désormais assurer le raffinage de leur or.
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Actuellement, quatre raffineries concentrent 66% des relations d’affaires avec les sociétés minières actives dans l’extraction de l’or en Afrique. Il s’agit du sud-africain Rand Refinery créée en 1920 et qui raffine l’or brut extrait dans plusieurs pays du continent (Afrique du Sud, Ghana, Tanzanie, Namibie, RDC…) et trois raffineurs suisses, Metalor et le groupe MKS Pamp qui dispose deux raffineries, implantées en Suisse et en Inde. Ces raffineurs suisses traitent l’or brut en provenance de nombreux autres pays africains: Nigeria, Maroc, Mali, Burkina Faso, Mauritanie, Libéria, Tanzanie, Ghana, Niger, Côte d’Ivoire, Sénégal, Gabon, Guinée…
En choisissant, ou en acceptant, le diktat des multinationales de raffiner ailleurs que localement, les pays africains se privent d’une partie des recettes liées au raffinage de l’or qui est très lucratif, comme c’est le cas pour de nombreux autres métaux et produits agricoles laissant ainsi leur échapper de la valeur ajoutée et des emplois au profit des pays européens en charge du raffinage.
Les pays africains ont désormais compris que leur salut vient de leur industrialisation et donc de la transformation de leurs matières premières.
Concernant l’or, on note un véritable changement au niveau du continent. De nombreux pays, dont presque tous les producteurs majeurs du métal jaune du continent à l’exception du Soudan en guerre, sont aujourd’hui engagés dans le raffinage.
Pour l’heure, on recense une dizaine de pays africains qui raffinent localement (Afrique du Sud, Zimbabwe, Rwanda…) ou qui sont engagés dans des projets de mise en place de raffineries d’or (Ghana, Nigéria, RDC, Mali, Burkina Faso, Tanzanie…).
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L’Afrique du Sud, ancien leader de la production d’or du continent, en est le précurseur africain, sa première raffinerie datant de 1920. Le pays, qui a perdu sa place de leader de la production, n’en demeure pas moins une place forte du raffinage d’or au niveau continental. Outre la production brute locale d’or, les raffineries sud-africaines, qui répondent aux normes les plus rigoureuses, traitent les productions de nombreuses entreprises minières africaines, notamment celles du Ghana, de la Namibie, de la Tanzanie, de la RDC, de la Tanzanie…
D’autres pays africains se sont engagés dans le processus de raffinage dont le Nigeria, le Rwanda, le Ghana, le Zimbabwe… mais avec des résultats mitigés jusqu’à présent.
Pour le Zimbabwe, la législation impose que la totalité de l’or produite localement passe par le raffineur local Fidelity Gold Refinery, avant d’être exporté. Une situation qui permet au pays de capter davantage de valeur ajoutée de la filière aurifère.
Le cas du Rwanda mérite d’être cité. Bien que n’étant pas producteur significatif d’or, le pays a investi dans le raffinage. En 2019, le Rwanda a inauguré une unité de raffinage d’or implantée dans la Zone économique de Kigali. Fruit d’un partenariat entre Alfdira, une compagnie locale, et l’américain Hilly Metals Company, une co-entreprise détenue à parts égales, cette unité est dotée d’une capacité de raffinage de 6 tonnes par mois (200 kg par jour) et qui répond aux mêmes standards que celles des unités de raffinage européennes et asiatiques avec une qualité de 99% de pureté. Le Rwanda n’étant pas un producteur d’or important, la co-entreprise procède aux achats d’or brut au niveau du continent pour le raffiner par la suite.
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Le Gabon aussi a intégré, depuis un moins d’une année, le cercle des pays africains dotés d’une raffinerie d’or. La Raffinerie Gabonaise de l’Or (ROG), la première usine de transformation de l’or au Gabon, est opérationnelle depuis juin 2023. D’une capacité de raffinage de 7 à 10 tonnes d’or par an, l’unité est censée raffiner tout l’or produit au Gabon avec l’ambition de faire du pays un hub de raffinage pour l’Afrique centrale, une région qui en est dépourvue.
Un autre géant du secteur, le Ghana, surnommé auparavant la Côte d’Or et qui est devenu depuis quelques années le premier producteur du métal jaune en Afrique, surclassant l’Afrique du Sud, compte aussi tirer davantage de sa production du précieux métal. Pour cela, après avoir mis en service Sahara Royal Gold Refinery et Gold Coast Refinery, toutes deux appartenant à des investisseurs privés, le pays a mis en service Royal Gold Ghana Refinery inauguré en 2022.
Les tests de raffinage du brut effectués par la raffinerie avaient donné un rendement de 99,9%. Dotée d’une capacité de raffinage comprise entre 300 et 500 kilogrammes d’or par jour grâce à des méthodes chimiques et électroniques, Royal Gold Ghana Refinery vise à transformer au moins 30% de l’or brut extrait au Ghana.
Et pour encourager le raffinage local, les autorités du 7e producteur d’or mondial ont réduit la retenue à la source sur l’or exporté de 3% à 1,5% pour l’or raffiné localement afin d’inciter les opérateurs miniers locaux à raffiner localement. A moyen ou long terme, le Ghana ne souhaite plus exporter son or sous forme brute.
Outre le Ghana, la République démocratique du Congo (RDC) s’est dotée de sa première raffinerie, Congo Gold, construite à Bukavu, au Sud-Kivu. La raffinerie, d’une capacité de traitement de 200 kg d’or par jour et de 2 tonnes par mois, vise à transformer localement l’or extraite dans l’Est du pays.
Au Nigéria, les autorités ont délivré des licences pour la construction de deux nouvelles raffineries à travers lesquelles les autorités souhaitent raffiner l’or localement. Une fois traitée, une partie de celle-ci sera exportée et l’autre transformée en lingots que la banque centrale du Nigeria pourra acheter aux prix internationaux pour ses réserves d’or.
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Tout récemment, ce sont deux nouveaux grands producteurs d’or africains aux potentialités énormes qui se sont engagés dans des projets de raffinage d’or: le Burkina Faso et le Mali. Pour ce faire, les deux pays, dont la production était raffinée en Suisse, comptent désormais sur des partenariats avec la Russie pour implanter des raffineries d’or chez eux.
Ainsi, en novembre 2023, le Burkina Faso a lancé la construction d’une première raffinerie d’or d’une capacité d’environ 150 tonnes d’or pur à 99,99%, une capacité très largement au dessus de la production d’or du pays estimée à environ 57 tonnes d’or brut. Les premiers lingots d’or affiné 24 carats sont attendus pour fin 2024.
Cette raffinerie n’est pas démesurée sachant que les autorités militaires qui dirigent le pays souhaitent raffiner l’or extrait localement et ne plus compter sur les raffineurs suisses. Le dimensionnement de la raffinerie est d’autant plus justifié que le potentiel aurifère du pays est exceptionnel et est faiblement exploité. A ce jour, le pays compte 12 mines en production et 9 autres en développement. Une fois ces dernières mines en activités, la production pourrait plus que doubler.
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Allant dans le même sens, le Mali dont la production d’or s’est établie à 64 tonnes en 2023, et qui accueille des multinationales du secteur -Barrick Gold, B2Gold Corp, Resolute Mining, AngloGold Ashanti et Hummingbird resources- s’est aussi engagé dans la mise en place d’une raffinerie d’or en partenariat avec la Russie. En tenant compte de la production des mines artisanales, la production aurifère du pays atteint 70 tonnes.
L’or représentant plus de 96% des exportations du Mali, les autorités ont décidé de construire une raffinerie pour capter davantage de valeur, sachant que la moitié de l’or extrait du pays passe par les Emirats arabes unis pour être raffiné, le reste étant exporté vers l’Australie, la Chine et la Turquie.
La raffinerie devrait disposer d’une capacité de 200 tonnes d’or par an. Ce sera l’une des plus grandes raffineries d’or d’Afrique. Ainsi, selon les autorités militaires maliennes, cette raffinerie donnera au Mali, troisième producteur d’or du continent en 2022 avec une production de 72,20 tonnes, un plus grand contrôle de sa production d’or et de ses revenus.
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A noter, qu’en plus du raffinage, les autorités maliennes ont promulgué un nouveau Code minier qui permet à l’Etat malien de prendre jusqu’à 30%-10% dans les projets miniers, et l’option d’acheter 20% supplémentaires au cours des deux premières années- de participation dans les nouveaux projets miniers développés dans le pays. Et une participation supplémentaire de 5% pourra être octroyée au secteur privé malien.
En conclusion, le raffinage de l’or prend forme en Afrique. De nombreux pays sont guidés par des soucis d’industrialisation, de captage de plus de valeur ajoutée, de création d’emplois, d’organisation de la filière aurifère et de souveraineté économique. En laissant le soin aux multinationales d’exporter de l’or brut, les pays africains ont compris que la comptabilisation réelle de la production d’or leur échappe du fait de la confidentialité des accords signés entre les multinationales et les raffineurs. D’où l’intérêt de contrôler toute la chaine de valeur de l’extraction au raffinage.
Une chose est sure, au rythme où vont les choses, l’offre de raffinage sur le continent devrait être suffisante dans les toutes prochaines années pour capter l’essentiel de l’or brut extraite des mines d’or du continent.