Briller de mille feux ou simplement une lubie passagère? L’appétit croissant des banques centrales pour le métal jaune soulève bien des interrogations.
Si les réserves d’or cristallisent les ambitions stratégiques des économies africaines, leur niveau ne reflète pas nécessairement la prospérité réelle d’un pays. Elles s’inscrivent dans une gestion globale équilibrée des avoirs nationaux. Car comme le rappellent les autorités canadiennes, «l’or n’est plus le marqueur de la richesse à l’ère moderne.»
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La liste des principaux pays détenteurs de réserves d’or a été récemment actualisée, et selon le dernier classement publié par le Conseil mondial de l’Or (CMO), l’Algérie domine le palmarès des pays africains avec les plus importantes réserves d’or, détenant 173,56 tonnes. Elle est suivie par la Libye (146,65 tonnes), l’Egypte (126,57 tonnes), l’Afrique du Sud (125,44 tonnes), le Maroc (22,12 tonnes), le Nigeria (21,37 tonnes), l’Ile Maurice (12,42 tonnes), le Ghana (8,74 tonnes), la Tunisie (6,84 tonnes) et le Mozambique (3,94 tonnes). Ce classement a été établi en se référant aux chiffres arrêtés à fin juin 2024.
La majeure partie des réserves d'or sud-africaines sont détenues par la Réserve fédérale américaine à New York. Une petite partie est stockée par la Banque de réserve sud-africaine à Pretoria.. DR
A l’échelle mondiale, les États-Unis sont au sommet du tableau avec leurs 8.133 tonnes, détenant le plus grand stock d’or au monde. Ils sont talonnés par l’Allemagne (3.352 tonnes), l’Italie (2.452 tonnes) et la France (2.437 tonnes). Avec un stock d’or de 2.336 tonnes, la Russie figure quant à elle au 5ème rang mondial, devant la Chine (2.264 tonnes).
Ce qu’il faut retenir concernant ces réserves d’or est qu’elles relèvent avant tout de considérations stratégiques propres à chaque pays et ne reflètent en aucun cas un degré de supériorité d’un pays sur un autre, dans la mesure où chaque pays est souverain dans la définition de sa politique économique et monétaire. En effet, les décisions concernant les réserves d’or découlent de stratégies nationales spécifiques, adaptées aux objectifs et aux réalités de chaque économie.
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A cela s’ajoute le fait que les pays africains ont des contextes économiques, des niveaux de développement, des ressources naturelles et des défis différents. Leur approche en matière de réserves d’or reflète ces réalités uniques plutôt qu’une quelconque hiérarchie.
«La détention d’or, même si elle est considérée comme une valeur refuge, doit s’inscrire dans le respect des principes de sécurité, liquidité et rendement que s’impose Bank Al-Maghrib», explique Abdellatif Jouahri, Wali de la banque centrale. Le Maroc, avec ses 22 tonnes, se situe dans la moyenne internationale et démontre ainsi une approche raisonnée, en phase avec les pratiques prudentes adoptées par d’autres banques centrales à travers le monde. Il faut garder à l’esprit que la détention d’or, bien que considérée comme une valeur refuge, comporte des risques inhérents. Le Maroc adopte donc une gestion prudente de ses réserves afin de minimiser les risques potentiels liés aux fluctuations des prix de l’or et aux aléas économiques.
Diversifier pour se prémunir
Pour de nombreux pays africains, la constitution de réserves d’or répond à un besoin de diversification des avoirs et de réduction de la dépendance aux devises étrangères comme le dollar. En détenant de l’or en plus des devises étrangères et autres actifs financiers, les pays africains diversifient leurs réserves de change. Une diversification qui permet de réduire les risques liés à la dépendance excessive à une seule devise ou à un seul type d’actif.
Pour ce qui est de la réduction de la dépendance au dollar, il faut savoir que le dollar américain étant la monnaie de réserve mondiale dominante, de nombreux pays africains cherchent à réduire leur dépendance à cette devise en constituant des réserves d’or. Ce qui leur confère une plus grande autonomie financière et les protège contre les fluctuations du dollar.
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Sans oublier que les réserves d’or sont considérées comme un actif refuge en période d’instabilité économique ou financière. Elles permettent aux pays africains de mieux résister aux chocs externes, aux crises de change et aux turbulences sur les marchés financiers. Egalement, en détenant des réserves d’or, les pays africains renforcent leur souveraineté monétaire et leur indépendance vis-à-vis des devises étrangères. Cela leur donne une plus grande marge de manœuvre dans la gestion de leur politique monétaire et économique.
C’est donc une façon de se prémunir contre l’instabilité des marchés financiers et les crises économiques. Les importantes réserves d’or de l’Algérie, représentant déjà en 2014, 3,5% de ses réserves totales, sont perçues comme un gage de solidité économique. L’enjeu étant de renforcer la confiance des investisseurs et des partenaires économiques internationaux, notamment pour une économie relativement peu diversifiée et fortement dépendante des revenus des hydrocarbures. Une dépendance qui rend l’économie vulnérable aux fluctuations des prix du pétrole et du gaz, ce qui peut affecter la confiance des investisseurs et des partenaires économiques internationaux.
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L’or joue aussi un rôle géopolitique de premier plan. Sa détention accroît l’influence d’un pays sur la scène internationale et renforce son indépendance monétaire vis-à-vis des grands blocs économiques. Dans un contexte d’après-crise pour certains États, constituer des réserves d’or permet de restaurer la confiance des investisseurs.
Si des nations comme la Norvège ou le Canada ont délibérément renoncé à l’or au profit d’une gestion plus diversifiée de leurs actifs, d’autres comme l’Afrique du Sud ou l’Egypte y voient un outil de stabilité monétaire et un rempart contre l’inflation. Des considérations économiques mais aussi culturelles et traditionnelles s’imbriquent.
Toutefois, la gestion de réserves d’or présente des défis spécifiques pour les banques centrales africaines. Contrairement aux liquidités, l’or ne peut être mobilisé rapidement en cas de besoin urgent. Sa conservation engendre aussi des coûts logistiques et de sécurité conséquents.
Classement des 10 principales réserves d’or africaines en 2024
Pays | Reserve (en tonnes) | Rang en Afrique |
---|---|---|
Algérie | 173,56 | 1er |
Libye | 146,65 | 2ème |
Égypte | 126,57 | 3ème |
Afrique du Sud | 125,44 | 4ème |
Maroc | 22,12 | 5ème |
Nigeria | 21,37 | 6ème |
Île Maurice | 12,42 | 7ème |
Ghana | 8,74 | 8ème |
Tunisie | 6,84 | 9ème |
Mozambique | 3,94 | 10ème |
Source : Conseil mondial de l’Or (CMO)