Mali: un débat pour faire sortir l’or du tunnel du «mysticisme qui nous attriste»

Un orpailleur malien dans une mine d'or de la région de Koflatie.

Un orpailleur malien dans une mine d'or de la région de Koflatie.

Le 12/11/2024 à 15h14

VidéoL’or est une minerai qui vaut son pesant d’or dans un pays où l’indice de développement humain est «faible». Premier produit exporté représentant 25% du budget de l’Etat, le métal jaune est également entouré de «mysticisme», un domaine réservé aux seuls initiés auquel les populations locales veulent désormais avoir droit d’accès.

Il y a deux années de cela, l’industrie aurifère malienne avait généré 1,3 milliard de dollars, en hausse de 35% par rapport à 2021. «Pour moi, cela n’est pas peu», soutient Dr Mamadou Keïta, économiste spécialisé du secteur minier, lors de la première édition du forum «À la Une» organisé le samedi 9 novembre 2024 par AfricabledTV, JolibadTV News et l’APVRM. L’or constitue depuis 1999 le premier produit d’exportation du Mali, représentant 80% de ses expéditions à l’international et 10% du PIB selon l’économiste.

Ce poids économique majeur soulève des enjeux cruciaux au Mali, pays riche en ressources minérales mais relativement pauvre en développement. Une gestion optimale et équitable de cette manne aurifère est impérative pour assurer une prospérité durable et réduire les inégalités sociales.

Mais cette réforme devait passer par l’adoption d’un nouveau code minier. Ce pas a été franchi en août 2023 après que le chef de l’Etat, Assimi Goita a promulgué le nouveau code qui devrait permettre au Mali de prendre jusqu’à 30% de participation dans les nouveaux projets miniers, contre 20% selon l’ancien code. Mais «il ne s’agit pas de faire des textes, mais veiller à ce que ces textes soient appliqués» avertit Mamadou Keïta.

L’or n’est pas qu’une histoire d’argent

Au-delà des chiffres et des pourcentages, l’or est aussi des histoires humaines, pas toujours heureuses. «Le pays compte environ 2 millions de chercheurs d’or opérant dans quelque 300 sites d’exploitation artisanale», déclarait en août dernier Karim Berthé, de la Direction nationale de la géologie et des mines à la suite de l’effondrement d’une mine clandestine tuant 70 personnes.

C’est à cette frange de la société malienne pour laquelle «l’or ne brille pas» que Aboubacrine Ag Akilini, s’est intéressé: «c’est un secteur assez mystique dans lequel ce n’est pas tout le monde qui doit savoir ou s’impliquer. Aujourd’hui, nous avons pris conscience qu’il s’agit de nos populations, de nos terres qui sont dégradées sans que l’on sache à quelles fins. Des populations n’ont plus de terres cultivables sans qu’elles sachent à qui ça profite. Ça nous attriste» a regretté ce participant au forum. Cet intérêt pour les laissés-pour-compte s’explique car au mali, l‘exploitation artisanale de l’or produit environ 30 tonnes d’or par an et représente 6% de la production annuelle d’or du pays, activité qui occupe 2 millions de personnes.

Les intervenants «À la Une» sont unanimes, si l’or représente un formidable levier de développement pour le Mali, des réformes d’envergure dans la gouvernance, le cadre juridique et la négociation des contrats sont requises pour transformer durablement cette richesse naturelle en prospérité partagée.

La voix de la société civile et des communautés locales impactées doit également être entendue et intégrée dans les processus décisionnels. Seule une concertation inclusive permettra d’assurer une répartition équitable des retombées socio-économiques positives et de prévenir les conflits.

Si l’or constitue un atout économique considérable, le Mali ne peut se reposer uniquement sur cette ressource non-renouvelable. Une stratégie de diversification des moteurs de croissance et de développement des secteurs productifs non miniers doit être menée en parallèle pour préparer l’après-mine. Par ailleurs, une partie substantielle des revenus aurifères doit être investie dans le capital humain, les infrastructures et la transition vers une économie verte et résiliente aux changements climatiques.

Par Diemba Moussa Konaté (Bamako, correspondance)
Le 12/11/2024 à 15h14