Le marché international des agrumes (orange, pamplemousse, citron, mandarine, pomelo…) est le second plus gros marché mondial de fruits, juste derrière celui des bananes à cette différence que celui des agrumes est très concurrentiel et complémentaire. En effet, on distingue deux grandes zones de production et d’exportation: l’hémisphère nord, composé des pays du pourtour méditerranéen (Espagne, Egypte, Turquie, Grèce, Maroc, Italie, Tunisie…), et l’hémisphère Sud, comprenant essentiellement l’Afrique du Sud, le Brésil, l’Argentine, Australie, Chili…
Sur ce marché, les pays africains pèsent sur les exportations mondiales. Les producteurs de l’hémisphère nord produisent les agrumes d’hiver. Leur campagne démarre en octobre pour se terminer fin juin. Quant à ceux de l’hémisphère sud, ils produisent les agrumes d’été et leur campagne débute en juillet, pour prendre fin en octobre.
Les principaux producteurs africains d’agrumes sont l’Egypte, l’Afrique du Sud, le Maroc, la Tunisie, l’Algérie, le Ghana…
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Au niveau des exportations, l’Afrique du Sud est devenue le second exportateur mondial derrière l’Espagne et devant l’Egypte. Le recul d’Egypte s’explique par des raisons liées à la politique de transformation locale de la production. Le Maroc est aussi un producteur et exportateur significatif. D’autres acteurs africains sont intégrés dans ce marché dont la Tunisie, le Ghana et quelques pays d’Afrique australe.
Reste qu’au niveau du continent, les producteurs et exportateurs font face à des défis de taille qui impactent aussi bien sur la production que sur les exportations. Les taxes de Trump, le changement climatique, le stress hydrique, les problèmes logistiques, le vieillissement de nombreux vergers, la concurrence de nouveaux acteurs… sont autant de facteurs qui impactent, à des degrés différents, les trois principaux producteurs et exportateurs d’agrumes africains.
L’Afrique du sud: un leader solide face aux taxes douanières américaines
L’Afrique du Sud a réussi à se positionner parmi les leaders mondiaux de la production et de l’exportation d’agrumes offrant une gamme variée de produits. Une diversité qui permet au pays de satisfaire une large base de consommateurs à travers le monde.
Derrière ce succès, il y a plusieurs facteurs. En premier lieu, le climat du pays particulièrement adapté à la culture des petits agrumes et une forte augmentation des surfaces de production en hausse de 50% en dix ans. Outre ce facteur naturel, le succès sud-africain s’explique aussi par l’innovation, la recherche, la structuration de la filière agrume du pays.
Grâce à la hausse continue de la production, l’Afrique du Sud est aussi devenue un acteur mondial des exportations d’agrumes. En 2025, selon l’Association des producteurs d’agrumes, les exportations se sont établies à 203 millions de cartons conditionnés (1 carton = 15 kg), soit 3,05 millions de tonnes), en hausse de 22% par rapport à 2024.
En détails, l’orange a représenté un volume de 1,39 million de tonnes exportées, soit environ 45% du total des expéditions, devant les mandarines (26,3%), le citron (20,3%)…
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Plusieurs facteurs sont derrière cette hausse des exportations. Outre l’augmentation de la production locale, il y a la forte demande pour les oranges et le ciron à jus au niveau de l’hémisphère nord (Amérique du Nord, Europe, Russie,…) à cause de la fin prématurée des stocks. En Espagne, Grèce et Italie, les récoltes d’agrumes s’arrêtent en mars et ne reprennent qu’en novembre. Il s’agit d’un avantage indéniable pour l’Afrique du Sud qui se retrouve avec moins de concurrents sur le marché européen.
Par ailleurs, les exportateurs sud-africains ont bénéficié de l’efficacité accrue des chaines logistiques au niveau des ports de leur pays grâce à de nouveaux équipements. En outre, les agrumes sud-africains bénéficient des coûts de production beaucoup plus faibles, notamment en ce qui concerne les salaires, comparativement aux producteurs européens.
La baisse des exportations égyptiennes, en raison de la transformation locale, bénéficie également aux expéditions marocaines et sud-africaines.
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Par ailleurs, les exportations sud-africaines bénéficient également d’un taux de change favorable pour les exportations vers le marché européen.
Ainsi, sur le marché européen, les exportations de mandarine ont augmenté de 25% tout au long de la saison. Et l’Afrique du Sud est devenu le premier exportateur d’agrumes vers le vieux continent. En plus de ces facteurs, il y a l’impact des accords commerciaux avantageux avec l’Union européenne qui impliquent peu de droits de douane.
Toutefois, le secteur des agrumes sud-africain est confronté à des défis majeurs et de plus en plus pressants. Outre l’éloignement des grands marchés (l’Europe étant à 9000 km, les Etats-Unis, la Chine, la Russie…), le secteur des agrumes sud-africains fait face à de nombreux autres défis tels le changement climatique, la pénurie d’eau, la dégradation des infrastructures,…
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Cependant, la menace qui pèse actuellement sur les exportations sud-africaines est liée à la fermeture du marché américain à cause des taxes imposées par Trump à l’Afrique du Sud. Alors que les agrumes du pays bénéficiaient d’un accès sans droit de douane dans le cadre de l’African Growth and Opportunity Act (Agoa) et dont l’Afrique du Sud en était le grand bénéficiaire en Afrique, désormais, les exportations sud-africaines sont soumises à une taxe de 30%, la plus élevée au niveau du continent. Une forte taxe qui accroît les prix des agrumes importées d’Afrique du Sud et qui leur fait perdre de leur compétitivité. Et les Etats-Unis ne sont pas les seuls gros clients qui taxent fortement les agrumes sud-africains. Des taxes de 30% sont appliquées aux agrumes du pays d’arc-en-ciel par la Chine et l’Inde.
Face à cette situation, les producteurs d’agrumes sud-africains cherchent de nouveaux débouchées en Afrique et en Asie pour compenser les pertes de part de marché enregistrées au niveau du marché américain.
L’Egypte, un changement stratégique qui fait perdre des parts de marché
L’Egypte produit annuellement plus de 4,2 millions de tonnes d’agrumes et figurait au second rang des exportateurs mondiaux derrière l’Espagne, avant d’être déclassée par l’Afrique du Sud.
La production égyptienne bénéficie d’un environnement plutôt favorable, avec la disponibilité abondante d’eau du Nil, des terres arables riches et des coûts compétitifs, notamment grâce à la disponibilité des engrais et d’une main d’œuvre abondante et très bon marché, rendant les produits égyptiens compétitifs sur les principaux marchés mondiaux.
L'Afrique du Sud est le second exportateur mondial d'agrumes avec 3,1 millions de tonnes expédiés en 2024/2025, derrière l'Espagne et devant l'Egypte.
Autant de facteurs qui contribuent à la hausse continue de la production des agrumes égyptiennes. De cette production, les exportations avoisinaient les 2,1 millions de tonnes, en baisse de 12% par rapport à l’année précédente. Cette baisse s’explique par les contre-performances des exportations d’oranges qui représentent 80% des expéditions d’agrumes de l’Egypte et qui ont reculé de 15% à 1,66 million de tonnes entre septembre 2024 et juillet 2025.
S’agissant de l’export, l’Egypte bénéficie de la proximité des grands marchés, notamment d’Europe, du Moyen-Orient et d’Asie. Les produits égyptiens affichent aussi une très bonne compétitivité grâce aux coûts de production beaucoup plus bas comparativement aux producteurs de la région. En outre, les dévaluations successives de la livre égyptienne ces dernières années a rendu les agrumes du pays beaucoup plus compétitifs par rapport aux pays concurrents non européens, notamment vis-à-vis des produits venant du Maroc et de la Tunisie dont les monnaies sont stables vis-à-vis de la devise européenne, l’euro.
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Les principales destinations des exportation des agrumes égyptiennes sont l’Union européenne, les pays du Golfe, le Royaume-Uni, la Russie,…
Toutefois, l’Egypte souhaite valoriser localement une grande partie de sa production d’agrumes en la transformant sur place en jus notamment. Pour y arriver, les industriels ont été obligés de revoir à la hausse les prix sur le marché local afin de dissuader les producteurs locaux d’exporter. Et cette année, les prix pratiqués sur le marché local pour la transformation ont été très attractifs. Résultat, une partie des volumes destinés à l’exportation a été détournée au profit de la transformation locale. Une situation qui a profité aux concurrents du pays (Turquie, Maroc, Tunisie,…) sur le marché européen.
Le Maroc à l’épreuve des sécheresse et du stress hydrique
La Maroc figure dans le trio de tête des grands producteurs et d’exportateurs d’agrumes du continent. Le Royaume produit et exporte une très large gamme de variétés dont les clémentines, les navels, les citrons,… Pour l’année agricole en cours, la production d’agrumes du pays devrait avoisinait 2,1 millions de tonnes, augmentant d’un peu plus de 10% par rapport à l’exercice précédent, grâce à des conditions météorologiques plus favorables et une utilisation de l’irrigation goutte-à-goutte. Cette production sera très majoritairement composée de mandarines et clémentines (1,1 million de tonnes) et d’orange (960.000 tonnes).
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Les exportations sont comprises entre 600.000 et 700.000 tonnes par an. Pour cette année, les professionnels tablent sur un volume compris entre 580.000 et 600.000 tonnes, contre 640.000 tonnes en 2024.
Les principaux clients du Royaume sont l’Union européenne, grâce à la proximité géographique qui permet aux récoltes marocaines d’être disponibles en quelques heures sur le marché du vieux continent via le Détroit de Gibraltar. L’Union européenne absorbe à elle seule 35% des expéditions marocaines. Les Pays-Bas et la France sont les premiers clients de ce marché avec respectivement 9% et 8% des expéditions marocaines. Derrière l’UE, suivent la Russie (environ 20%), les Etats-Unis (16%), le Canada (15%), le Royaume-Uni (10%)…
Sur ces marchés, en plus des concurrents européens (Espagne, Grèce, Italie…), le Maroc fait face à la concurrence turque et égyptienne. D’abord, grâce à des coûts de production (main d’œuvre, énergie…) plus compétitifs, notamment vis-à-vis de l’Egypte qui bénéficie d’une eau plus abondante grâce au Nil. Ensuite, les exportations marocaines sont handicapées vis-à-vis de celles d’Egypte et de la Turquie par les dépréciations des monnaies des deux pays au cours de ces dernières années suite à des dévaluations.
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Toutefois, les oranges précoces marocaines arrivent sur le marché européen avant le début de la saison égyptienne, créant une fenêtre d’opportunité intéressante.
Au-delà de la forte concurrence entre les producteurs de l’hémisphère Nord, le secteur des agrumes du Maroc fait face à de nombreux défis. D’abord, il y a l’impact des sécheresses et du stress hydrique. Depuis bientôt 7 ans, le Royaume est touché par des sécheresses successives qui ont impacté négativement sur le secteur agricole. Celles-ci ayant fortement contribué au stress hydrique que connait actuellement le pays a des impacts négatifs sur la production et surtout sur la qualité des produits de certaines variétés dont l’offre se présente sous la forme de petits calibres difficiles à exporter.
Face à cette situation, les producteurs marocains optent pour une gestion optimale de l’eau, notamment via l’irrigation localisée et le paillage plastique qui permettent de réduire la consommation d’eau. En plus de cela, le secteur des agrumes fait face au vieillissement des vergers, ce qui tend à réduire leur productivité.







