Si tout se passe comme prévu, la surtaxe sur les légumes importés par la Mauritanie doit prendre fin ce mardi 30 avril 2024 après quatre mois d’application de droits de douane conséquents dans le but de protéger le marché intérieur. C’est ce que prévoit la loi de finances rectificative d’août 2023 (LFR 2023) à l’origine de l’importante hausse des droits de douane.
Pour rappel, le 1er janvier 2024, les transporteurs de légumes marocains qui approvisionnent le marché mauritanien ont été surpris, une fois arrivés à la frontière mauritano-marocaine, par l’instauration par les autorités mauritaniennes d’une surtaxe qui a fait passer le coût du dédouanement de 70.000 ouguiyas (autour de 1.600 euros) à plus de 190.000 ouguiyas (4.600 euros). Une hausse qui a suscité stupéfaction et incompréhension chez les transporteurs marocains bloqués à la frontière. Nombre d’entre eux n’avaient pas les moyens nécessaires pour s’acquitter de cette nouvelle surtaxe.
Des camions marocains de transport de légumes.. le360 Afrique/seck
Une file d’attente de camions bloqués s’est alors formée à la frontière entre les deux pays durant la première semaine du mois de janvier dernier. Certains transporteurs ont même été obligés de rebrousser chemin, jugeant que l’opération ne valait pas la peine.
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Cette décision des autorités mauritaniennes a suscité moults réactions et interprétations des deux côtés de la frontière. Des réactions alimentées par le mutisme des autorités mauritaniennes. Il a fallu attendre des jours afin que celles-ci ne sortent enfin de leur mutisme. «Nous avons le droit de protéger nos productions de façon saisonnière lorsqu’il y a une concurrence forte et des risques de pertes. Nous sommes de nouveaux entrants dans la production des produits horticoles, nous devons continuer à soutenir nos jeunes entrepreneurs», avait alors expliqué Abdessalem ould Mohamed, ministre mauritanien de l’Economie sur les ondes de RFI, le 13 janvier 2024, soit presque deux semaines après l’entrée en vigueur de cette augmentation des droits de douane.
La réalité est pourtant toute simple: les autorités mauritaniennes avaient décidé, dès août 2023, dans le cadre de la loi de finances rectificative, de surtaxer certains légumes et d’exonérer matériels, produits et intrants agricoles dans le but de protéger le marché local et stimuler la production nationale. «L’importation des produits agricoles cités dans le tableau suivant sont soumis à un taux global de 39,23% de la valeur en douane et ce pour la période du 1er janvier au 30 avril de chaque année», précise la LFR 2023. Parmi les produits concernés par cette surtaxe figurent, entre autres, oignon, échalote, pomme de terre, chou-fleur et chou-fleur brocolis, choux de Bruxelles, carotte et navet (Cf. Tableau).
Produits soumis à un taux global de 39,23% de la valeur en douane, du 1er janvier au 30 avril de chaque année
Code SH | Libellés | Droit de douane |
---|---|---|
0706.10.00.00 | Carottes et navets | 39,23% |
0703.10.00.00 | Oignons et échalotes | 39,23% |
0701.90.00.00 | Autres (pommes de terre) | 39,23% |
0704.10.00.00 | Choux-fleurs et houx-fleurs brocolis | 39,23% |
0704.20.00.00 | Choux de Bruxelles | 39,23% |
Produits soumis à un taux global de 13,73% de la valeur en douane, du 1er mai au 31 décembre de chaque année
Code SH | Libellés | Droit de douane |
---|---|---|
0706.10.00.00 | Carottes et navets | 13,73% |
0703.10.00.00 | Oignons et échalotes | 13,73% |
0701.90.00.00 | Autres (pommes de terre) | 13,73% |
0704.10.00.00 | Choux-fleurs et houx-fleurs brocolis | 13,73% |
0704.20.00.00 | Choux de Bruxelles | 13,73% |
0702.00.00.00 | Tomates, à l’état frais ou réfrigéré | 13,73% |
Source: Loi de Finances Rectificative 2023
Ainsi, les autorités mauritaniennes ont décidé de faire passer le droit de douane sur certains légumes de 13,73% à 39,23% et ce du 1er janvier au 30 avril de chaque année. Une période qui correspond au pic de la récolte maraichère mauritanienne. Mais cette disposition était passée inaperçue jusqu’à son entrée en vigueur le 1er janvier 2024.
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Selon la LFR 2023, pour le reste de l’année, soit du 1er mai au 31 décembre, ces légumes seront soumis à un taux global de 13,73% de la valeur en douane. En clair, à partir du 1er mai, on devrait revenir à une situation équivalente à celle ayant prévalue avant le 1er janvier 2024.
Cependant, un doute subsiste. La crainte est de voir le dédouanement baisser mais tout en restant supérieur à celui qui prévalait auparavant.
Une chose est sure, cette surtaxe sur les légumes a eu des impacts sur l’économie mauritanienne et surtout sur le consommateur. Pour l’Etat, cette forte hausse des taxes a permis d’engranger des recettes de douane supplémentaires durant les quatre premiers mois de l’année.
En revanche, cette surtaxe a eu des impacts négatifs sur le panier de la ménagère à cause de la flambée des prix des légumes. En effet, passés les premiers jours de hausse du droit de douane, les importateurs mauritaniens de légumes ont repris leurs importations en supportant la surtaxe tout en la répercutant sur les grossistes lesquels à leur tour ont passé la patate chaude aux semi-grossistes et détaillants. En bout de chaîne, c’est le consommateur qui a trinqué.
Une spirale qui a été dénoncée par le Forum mauritanien de protection du consommateur qui avait alors rapidement publié, samedi 6 janvier, un communiqué dans lequel il a dénoncé avec fermeté cette augmentation des droits de douane sur les légumes importés, expliquant que celle-ci a entraîné à son tour une flambée des prix et accentué la pression sur le pouvoir d’achat des consommateurs.
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Enfin, en ce qui concerne l’objectif avoué de cette forte hausse du droit de douane, c’est-à-dire l’augmentation de la production maraichère locale, il faudra attendre encore pour connaitre la production réelle du pays. Selon le ministre de l’Agriculture Memma ould Beibate Hamahoullah, «le taux de couverture des besoins en légumes a atteint 24% en 2023, contre 10% en 2010», faisant ainsi un bond significatif que les autorités souhaitent encourager.
Si les autorités affirment que la production couvre près du quart des besoins du pays, en revanche, les professionnels du secteur, eux, avancent que la production locale ne couvre qu’entre 10 et 15% de ces besoins estimés à plus de 300.000 tonnes par an. En attendant, le marché local est surtout approvisionné par les légumes importés du Maroc, des Pays-Bas, de l’Egypte et de la Turquie.
Au-delà de la protection du marché intérieur par la mise en place de surtaxes qui impactent négativement le pouvoir d’achat des populations les plus vulnérables, les autorités devraient, concomitamment, soutenir la production locale en mettant en place une véritable stratégie de développement du secteur maraicher en agissant sur toute la filière: zones de culture, vulgarisation des modes de productions innovants, création d’infrastructures de conservation et de commercialisation, accès au financement… En agissant de la sorte, en plus des incitations sur les importations d’intrants, de produits et du matériel agricole, les autorités donneraient plus de crédibilité à leur volonté d’asseoir une certaine autosuffisance en légumes.