La domination de la Chine sur la chaîne d’approvisionnement en métaux pour batteries n’est pas uniquement une préoccupation «occidentale». La nouveauté, c’est l’implication des pays du Golfe, notamment l’Arabie Saoudite, dans cette course, à côté des Etats-Unis, pour diverses raisons.
La frénétique course aux minerais stratégiques et aux métaux rares d’Afrique s’intensifie entre les grandes puissances et prend une nouvelle tournure. Les pays du Golfe sont impliqués dans cette course. Le contrôle des métaux rares offre une option fondamentale pour faire face à la transition énergétique.
Dans ce cadre, on note des ballets incessants de diplomates et d’hommes d’affaires de nombreux pays occidentaux, mais aussi de riches pays du Golfe, sur le continent, notamment dans les pays à fort potentiel minier. L’objectif fondamental étant de prendre le contrôle de certaines mines de métaux critiques et terres rares.
Ainsi, selon le Wall Street Journal, les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite élaborent un accord commun dans le but d’acquérir un certain nombre d’actifs miniers dans un certain nombre de pays africains dans le but de sécuriser leurs approvisionnements en minerais stratégiques et en métaux rares indispensables à la transition énergétique.
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Le média américain précise que l’accord prévoit qu’une entreprise saoudienne acquiert des participations dans des actifs miniers dans certains pays africains dont la RDC, la Guinée, la Namibie… et approvisionne les entreprises américaines spécialisées dans la production de voitures électriques.
Pour rappel, ces minerais critiques du continent africain, que les géants du monde cherchent à contrôler, comprennent, entre autres, le cuivre, aluminium, manganèse, cobalt, indium, lithium, hélium, bauxite, tungstène, graphite, potasse et les terres rares formées de 17 éléments. Ces métaux et terres rares rentrent dans les process de fabrication de produits de haute technologie (écrans, téléphones portables, batteries électriques, missiles, imagerie médicale, rotors éoliens, semi-conducteurs…) et sont au cœur de la transition énergétique.
Du fait de la décarbonisation dans laquelle le monde est engagé, l’Agence international de l’énergie (AIE) avance que la demande de certains de ces minerais (cobalt, nickel, manganèse, lithium, platine et terres rares) pourrait quadrupler d’ici 2040.
Certains pays du continent africain recèlent d’importantes quantités de ces minerais. C’est le cas de la République démocratique du Congo (RDC) qui détient plus de 50% des réserves mondiales de cobalt prouvées et assure plus de 73% de la production mondiale actuelle de ce minerai. C’est le cas aussi de la Namibie qui possède d’importants gisements de lithium et de nombreux minéraux de terres rares, dont le dysprosium et le terbium, utilisés dans les aimants et les éoliennes.
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D’autres pays dont le Mozambique, le Zimbabwe, la Zambie, le Botswana, l’Afrique du Sud, la Guinée… disposent d’importants minerais critiques indispensables pour la transition énergétique. Une situation qui explique la course pour le contrôle de ces minerais.
Reste à savoir les raisons qui poussent les pays occidentaux à s’allier aux pays du Golfe pour acquérir des actifs miniers stratégiques. Il s’agit en fait d’un partenariat gagnant-gagnant. D’abord, ce choix s’explique certainement par le fait que les Saoudiens peuvent s’octroyer facilement des actifs miniers sans compter au niveau du continent africain grâce aux importantes ressources financières qu’ils tirent de leur immense manne pétrolière. Ensuite, l’Arabie Saoudite, premier exportateur mondial de pétrole, cherche, à travers ces investissements, à diversifier son économie à un moment où il est de plus en plus question d’abandon des énergies fossiles au profit des énergies renouvelables. Avec son matelas de pétrodollars, ce pays a les capacités de devenir un leader de la transition énergétique en acquérant des actifs miniers nécessaires et en investissant dans les infrastructures pour produire les batteries et autres équipements nécessaires à cette transition. D’ailleurs, depuis plusieurs mois, le royaume wahhabite investit dans des secteurs liés à la transition énergétique.
Selon le Wall Street Journal toujours, l’Arabie Saoudite prévoit la construction de sa propre industrie de véhicules électriques et des investissements dans l’intelligence artificielle.
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Du côté des Etats-Unis, l’investissement saoudien permet aux entreprises américaines d’éviter l’obligation de respecter certaines règles éthiques et des liaisons avec certains pays africains aux politiques sociales et économiques non recommandables, du fait notamment de la corruption de leurs dirigeants.
En outre, l’intérêt de s’associer avec l’Arabie Saoudite se justifie par le fait que les investisseurs saoudiens sont moins regardants en matière de respect de l’environnement, sachant que l’exploitation des minéraux stratégiques et des métaux rares nécessite d’énormes quantités d’eau et relâche des poussières particulièrement toxiques dans l’air.
Ainsi, bien que disposant également de quantités importantes de minerais critiques, les Etats-Unis sont conscients que le chemin de la mine à la batterie lithium-ion n’est pas aussi vert que celui qui mène du puits de pétrole au réservoir d’un véhicule. Et pour cause, l’extraction des minéraux critiques, particulièrement les terres rares, est extrêmement polluante du fait que certains de ces minéraux sont dilués dans l’écorce terrestre, ce qui rend leur extraction et leur raffinage très complexes et lourds. C’est cette hyper-pollution qui explique que de nombreux pays développés évitent très souvent de les extraire localement. C’est ainsi que les Etats-Unis, qui disposent d’un potentiel important de métaux critiques, importent la majorité de leurs besoins de la Chine qui, elle, se soucie peu des impacts environnementaux, aussi bien en Chine qu’à plus forte raison en Afrique. Ce qui contribue à faire d’elle la source quasi unique de l’approvisionnement du monde en certaines terres rares.
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Pour illustrer la forte pollution et les dégâts environnementaux de l’exploitation de certains de ces minerais critiques, il faut souligner que si pour produire 20 kg de fer il faut extraire en moyenne 20 fois plus de roche, pour obtenir 1 kg de lutécium (terre rare), il faut extraire jusqu’à 1250 tonnes de roche. N’étant jamais à l’état pur, pour le séparer des autres éléments, il faut un procédé complexe utilisant beaucoup d’eau et produits chimiques toxiques, avec des rejets de métaux lourds (mercure), de l’acide sulfurique et de l’uranium dans l’atmosphère et la nature.
Ce sont ces impacts toxiques sur l’environnement qui ont poussé les Etats-Unis à fermer la plupart de leurs mines à cause de la radioactivité. C’est ce qui explique aussi la prudence de nombreux pays européens à exploiter leurs réserves importantes de ces minerais critiques.
En poussant leurs partenaires du Golfe à acquérir des actifs en Afrique et éventuellement à les transformer, les pays du Nord évitent les conséquences environnementales néfastes chez eux dans un contexte où les écologistes pèsent de plus en plus politiquement, même aux Etats-Unis, tout en sécurisant leur approvisionnement.
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Selon le Wall Street Journal, les Etats-Unis négocient avec d’autres pays du Golfe pour les mêmes objectifs. Si ces pays n’ont pas été divulgués, on note que certains pays de la région, dont les Emirats arabes unis, affichent leur intérêt pour les minerais rares et tendent à accroître leur influence au niveau du continent.
Les Emirats arabes unis ont signé en juillet dernier un accord de 1,9 milliard de dollars avec une société minière d’Etat en République démocratique du Congo, pour développer au moins quatre mines dans l’est troublé du pays d’Afrique centrale.
Ainsi, selon le média US, «les Etats-Unis sont engagés dans une course pour rattraper la Chine en matière d’approvisionnement en cobalt, lithium et autres métaux utilisés dans les batteries des voitures électriques, les ordinateurs portables et les smartphones».
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Dans le même sillage, le Japon aussi est entré dans la course aux minerais stratégiques et aux métaux rares en renforçant sa coopération avec les pays africains.
Etant parmi les leaders mondiaux de la construction automobile, le Japon ne souhaite pas rater le virage électrique et cherche à réduire sa dépendance en minerais stratégiques et terres rares. Ce qui passe inévitablement par des acquisitions d’actifs miniers, notamment en Afrique. D’où la décision des autorités nippones d’encourager les acquisitions d’actifs miniers au niveau du continent, notamment en cobalt, lithium…
C’est dans cette optique que s’inscrivait la visite effectuée à la mi-août 2023 par le ministre japonais de l’Economie et de l’industrie, Yasutoshi Nishimura, dans 5 pays africains : Namibie, Angola, RDC, Zambie et Madagascar. L’objectif de cette tournée, qui s’inscrit dans le cadre du programme de la «diplomatie des ressources» de Tokyo, est la sécurisation des approvisionnements de l’industrie japonaise en métaux critiques pour alimenter le segment de véhicules électriques et réduire par la même occasion la dépendance à l’égard des fournisseurs chinois de métaux essentiels à la fabrication de batteries électriques.
Avant cette tournée, le ministre japonais s’était rendu en Arabie saoudite, aux Emirats arabes unis et au Qatar, certainement pour chercher des partenariats, à l’instar des Etats-Unis avec l’Arabie Saoudite, en vue d’acquérir des actifs miniers en Afrique. En avril 2023, le gouvernement japonais avait annoncé 746,30 millions de dollars de subventions pour des projets miniers, notamment le lithium, le manganèse, le nickel, le cobalt, le graphite et des minéraux rares. Le périple du ministre japonais en Afrique s’inscrit donc dans la même lignée.
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Cette volonté japonaise de s’émanciper de la Chine s’explique aussi par le désir des constructeurs japonais de se conformer aux nouvelles règlementations américaines en matière d’importation, qui exigent des matériaux de batterie non chinois.
A travers ces accords et ces déplacements, ces pays essayent de réduire leur dépendance vis-à-vis de la Chine qui approvisionne actuellement le monde en métaux rares. D’ailleurs, la Chine a mal pris le périple du ministre japonais de l’Economie et de l’industrie en soulignant qu’il vise spécifiquement à «affaiblir l’influence de la Chine en Afrique».
Il faut reconnaitre que grâce à une politique anticipatrice, la Chine a fait main basse sur une grande partie de la production mondiale de minéraux dits critiques. Déjà, le géant asiatique assurait 97% de la production mondiale de terres rares et 2018, et produit 85% de ces minéraux consommés dans le monde, dont une partie est extraite en Corée du Nord.
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La Chine, en investissant massivement depuis des décennies dans l’acquisition d’actifs miniers en Afrique, a pris une longueur d’avance sur les pays occidentaux. Elle contrôle aujourd’hui de nombreux minerais stratégiques dont le cobalt, le lithium… grâce aux mines qu’elle exploite en Afrique et dont les matières qu’elle raffine sont indispensables à la fabrication de nombreux produits de haute technologie, surtout dans la transition énergétique.
Pour avoir une idée de l’importance de ces minerais dans la transition énergétique, il faut souligner que la batterie d’un véhicule électrique, constituée de nombreux minerais (nickel, manganèse, cobalt, lithium, graphite…), représente environ 40% de la valeur d’une voiture électrique. Or, sur les 30 minerais critiques, 10 viennent principalement de la Chine qui contrôle également l’industrie de transformation, sachant que près de 90% des terres rares et 60% du lithium sont traités en Chine.
En clair, la Chine est incontournable dans l’approvisionnement mondial en terres rares. Et elle s’en sert comme moyen de pression dans ses relations avec les pays occidentaux, dont particulièrement les Etats-Unis et le Japon.
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Du coup, dans cette guerre pour le contrôle des minerais critiques du continent, l’Afrique risque aussi d’être le plus grand perdant. Non seulement elle continue à brader ses actifs miniers, à cause notamment de dirigeants corrompus et peu soucieux des impacts environnementaux, mais elle hypothèque la vie de nombreuses générations en polluant ses eaux, ses sols, et en conséquence sa faune et sa flore.
Heureusement que certains dirigeants africains commencent à comprendre l’enjeu stratégique que leurs pays représentent dans cette transition énergétique grâce aux minerais et terres rares que recèlent leurs pays. Ainsi, de nombreux pays africains sont en train de revoir leurs codes miniers pour mieux profiter de leurs ressources minières. Certains d’entre eux refusent désormais l’exportation du minerai brut sans valeur ajoutée et exigent une transformation locale de leurs minerais. Reste que cette volonté est malheureusement freinée par certains dirigeants corrompus qui voient leurs propres intérêts à la place de ceux du peuple.